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Alcools

Alcools

13-15 ans - 91 pages, 16832 mots | 2 heures 02 minutes de lecture | © Storyplay'r, 1913, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Alcools

13-15 ans - 2 heures 02 minutes

Alcools

Placés sous le signe du temps qui passe, les poèmes d’Alcools récréent tout un monde : celui des lieux où son existence a conduit leur auteur et dont ils entrecroisent les souvenirs, comme celui de ces grandes figures féminines qui ont traversé sa vie. Mais ils sont en même temps imprégnés d’une culture à la fois populaire et savante qui permet au poète de recueillir l’héritage du passé tout en s’ouvrant à la modernité de la vie ordinaire. On aurait ainsi tort de croire que ce recueil où s’inaugure la poésie du XXe siècle soit, à sa parution en 1913, un livre de rupture. Nourri de poèmes anciens aussi bien que récents, le chant que font entendre ceux d’Apollinaire, à l’oralité si puissante, tire ses ressources du vers régulier comme du vers libre, et il ne s’agit pas pour le poète de céder au simple plaisir du nouveau : seule compte ici sa liberté et ce que lui dicte la voix inimitable d’un lyrisme qui n’a pas cessé de nous toucher.

"Alcools" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Quels poèmes sont les plus connus dans le recueil “Alcools” ?

Alcools publié en 1913 est un recueil de poèmes majeur de Guillaume Apollinaire. Cet ouvrage marque un tournant dans l'évolution de la poésie moderne. Il est reconnu pour sa richesse, en termes de thématiques, de son style novateur et de l'absence volontaire de ponctuation, ce qui est un choix audacieux pour l'époque, et reflète la liberté créative du poète. 

Dans ce recueil, nous retrouvons des thèmes récurrentes comme l’amour et la mélancolie, le temps et la modernité, mais aussi la nature et la mythologie et pour finir l’exil et le voyage. 

Parmi les poèmes du recueil, plusieurs sont considérés comme des chefs-d'œuvre de la poésie moderne. Voici les poèmes les plus remarquables et connus : 


Zone

Ce poème est celui qui ouvre le recueil, il adopte tout de suite une forme libre et moderne, ce qui marque bien une rupture avec la tradition. Guillaume Apollinaire évoque le désenchantement de la modernité tout en exaltant ses aspects nouveaux, comme les avions, les villes, et la technologie. 


Le pont Mirabeau

Il est sans aucun doute le poème le plus célèbre d'Apollinaire. Ce poème exprime la nostalgie et la mélancolie amoureuse avec des images fluides du temps et de la Seine. Son refrain est inoubliable : 

"Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours / Faut-il qu’il m’en souvienne." 

Le poème a d’ailleurs été repris par Marc Lavoine, qui l’a mis en musique et intégré à son album éponyme sorti en 2001, ravivant ainsi l’intérêt du public pour cette œuvre classique. 


La Chanson du Mal-Aimé

Ici, on retrouve un long poème lyrique où le poète exprime les douleurs et les échecs de l'amour, mêlés à des visions oniriques et fantasmagoriques. 


Automne malade

Ce poème évoque la mélancolie de l'automne, à la fois splendide mais déclinant, un écho de la mortalité et du passage du temps. 


Nuit rhénane

Ce poème a été inspiré par le séjour d'Apollinaire en Allemagne, il dépeint l'atmosphère magique et mystérieuse du Rhin, avec des références aux légendes et aux paysages rhénans. 


Saltimbanques

Un poème sur la vie nomade et précaire des artistes de rue, souvent interprété comme une réflexion sur la condition du poète. 


Pourquoi le titre Alcools ?

Le titre Alcools n’était à la base pas le premier choix de Guillaume Apollinaire. En effet, le recueil a failli se nommé : "Vent du Rhin", "Olive", ou "Eau-de-vie". Cependant, au fur et à mesure de l’écriture des poèmes constituant le recueil il a opté pour “Alcools”.  

Mais alors pourquoi ? Ici, le titre incarne la diversité des expériences humaines mais aussi le processus de création poétique. Inspiré par les vers de Zone ("Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie"), il symbolise les multiples ivresses, qu’elles soient poétiques, amoureuses ou existentielles. Il reflète aussi une transformation alchimique où la souffrance et les expériences personnelles deviennent une poésie universelle. L'alcool, est à la fois purificateur et destructeur, elle exprime le lien entre douleur et inspiration, célébrant la vie et le pouvoir transformateur de la poésie.

Alcools a-t-il fait polémique ?

Bien que moins vives que celles provoquées par d'autres œuvres, les polémiques autour de "Alcools" lors de sa publication ont été bien réelles. Elles découlaient notamment de l'absence volontaire de ponctuation, du mélange audacieux entre passé et modernité, ainsi que de l'utilisation de thèmes parfois déroutants, qui ont surpris et choqué les lecteurs les plus attachés à une vision traditionnelle de la poésie.  

Aujourd'hui, ces aspects, initialement polémiques, sont vus comme des éléments clés de son génie et de sa contribution à la poésie moderne. 

Qui était Guillaume Apollinaire ?

Guillaume Apollinaire, né Guglielmo Apollinare de Kostrowicki le 26 août 1880 à Rome et mort le 9 novembre 1918 à Paris, est l’un des poètes français majeurs du XXᵉ siècle. D’origine polonaise, il a grandi entre l’Italie, Monaco et la France, où il s’est imposé comme une figure centrale de la littérature et de l’art moderne. Précurseur du surréalisme, il a marqué la poésie avec des œuvres comme "Alcools" (1913), où il mêle tradition et modernité, et "Calligrammes" (1918), recueil de poèmes visuels. 

Apollinaire s’est engagé dans les cercles avant-gardistes, soutenant des artistes comme Picasso et Braque, et a inventé le terme "surréalisme". Sa vie, marquée par des amours passionnées et son expérience de la Première Guerre mondiale, transparaît dans ses poèmes, où il explore l’amour, le temps, la modernité et la mélancolie. Blessé en 1916, il meurt prématurément en 1918 de la grippe espagnole, laissant une œuvre visionnaire qui continue d’inspirer la poésie et l’art contemporains. 

Quelle est l’autre œuvre de Guillaume Apollinaire ?

Calligrammes, publié en 1918, est le second grand recueil de Guillaume Apollinaire. Comme Alcools, elle est l’une des œuvres les plus novatrices de la poésie moderne. Inspiré par son expérience de la Première Guerre mondiale et par son goût pour la modernité, le recueil mêle poésie classique et avant-garde, avec des thèmes variés comme la guerre, l’amour, la nostalgie et les innovations technologiques. 

Le titre fait référence aux "calligrammes", des poèmes visuels où les mots sont disposés pour former des images, mêlant texte et art graphique. Ces poèmes illustrent des idées ou des émotions, comme dans Il pleut, où les mots tombent à l’image des gouttes de pluie. Apollinaire y célèbre également la modernité en évoquant des inventions comme les avions ou les télégrammes, tout en exprimant les souffrances et espoirs liés à la guerre. 

Innovant par ses formes (vers libres et calligrammes) et par ses thématiques contemporaines, Calligrammes a été salué pour son audace, bien qu’il ait parfois déconcerté les lecteurs traditionnels. Ce recueil reste aujourd’hui une œuvre emblématique, marquant un tournant dans la poésie en fusionnant littérature et art visuel. 

Qu’est-ce qu’un classique de la littérature française ?

Un classique de la littérature française est une œuvre qui a traversé les époques, tout en restant pertinent dans le monde d’aujourd’hui. Ces œuvres sont reconnues pour leur qualité littéraire, leur profondeur de pensée, et leur capacité à toucher des générations successives de lecteurs. Pour réussir cela, elles abordent souvent des thèmes universels : l’amour, la justice, la liberté, ou la condition humaine. Dans les classiques, on retrouve également des œuvres qui ont marqué l’histoire littéraire en apportant des innovations (de langue, de forme, ou de style). Par exemple, les pièces de théâtre de Molière ont établi des standards dans le genre de la comédie, tandis que les romans de Victor Hugo ont révolutionné la forme romanesque D'autres grands auteurs classiques sont bien évidemment : Charles Perrault, Émile Zola, Guy de Maupassant

Extrait du livre Alcools

Alcools de Guillaume Apollinaire


Alcools
ZONE À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières Portraits des grands hommes et mille titres divers J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom Neuve et propre du soleil elle était le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirène y gémit Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent J'aime la grâce de cette rue industrielle Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes
Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Église Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ C'est le beau lys que tous nous cultivons C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité C'est l'étoile à six branches C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs Il détient le record du monde pour la hauteur Pupille Christ de l'œil Vingtième pupille des siècles il sait y faire Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur Les anges voltigent autour du joli voltigeur Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane Flottent autour du premier aéroplane Ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie Ces prêtres qui montent éternellement élevant l'hostie L'avion se pose enfin sans refermer les ailes Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles À tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux D'Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts L'oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes Plane tenant dans les serres le crâne d'Adam la première tête L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri Et d'Amérique vient le petit colibri De Chine sont venus les pihis longs et souples Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples Puis voici la colombe esprit immaculé Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé Le phénix ce bûcher qui soi-même s'engendre Un instant voile tout de son ardente cendre Les sirènes laissant les périlleux détroits Arrivent en chantant bellement toutes trois Et tous aigle phénix et pihis de la Chine Fraternisent avec la volante machine Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent L'angoisse de l'amour te serre le gosier Comme si tu ne devais jamais plus être aimé Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire pétille Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie C'est un tableau pendu dans un sombre musée Et quelquefois tu vas le regarder de près Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées C'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au déclin de la beauté Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m'a regardé à Chartres Le sang de votre Sacré-Cœur m'a inondé à Montmartre Je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses L'amour dont je souffre est une maladie honteuse Et l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie et dans l'angoisse C'est toujours près de toi cette image qui passe Maintenant tu es au bord de la Méditerranée Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année Avec tes amis tu te promènes en barque L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague Tu te sens tout heureux une rose est sur la table Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose La cétoine qui dort dans le cœur de la rose Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit Tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis Tu ressembles au Lazare affolé par le jour Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours Et tu recules aussi dans ta vie lentement En montant au Hradchin et le soir en écoutant Dans les tavernes chanter des chansons tchèques Te voici à Marseille au milieu des pastèques Te voici à Coblence à l'hôtel du Géant Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde On y loue des chambres en latin Cubicula locanda Je m'en souviens j'y ai passé trois jours et autant à Gouda Tu es à Paris chez le juge d'instruction Comme un criminel on te met en état d'arrestation Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque Elles restent assises exsangues au fond des boutiques Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux Tu es la nuit dans un grand restaurant Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées J'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre J'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche Tu es seul le matin va venir Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances Adieu Adieu Soleil cou coupé
LE PONT MIRABEAU Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine. Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine
LA CHANSON DU MAL-AIMÉ A Paul Léautaud Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s'il meurt un soir Le matin voit sa renaissance. Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu'il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d'Égypte Sa sœur-épouse son armée Si tu n'es pas l'amour unique Au tournant d'une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant C'était son regard d'inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d'une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l'amour même Lorsqu'il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d'un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu'il revînt L'époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D'attente et d'amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle J'ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux Regrets sur quoi l'enfer se fonde Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes vœux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre J'ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un cœur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s'éloigne Avec celle que j'ai perdue L'année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus Voie lactée ô sœur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses Je me souviens d'une autre année C'était l'aube d'un jour d'avril
J'ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l'amour à voix virile Au moment d'amour de l'année Aubade chantée à Laetare l'an passé C'est le printemps viens-t'en Pâquette Te promener au bois joli Les poules dans la cour caquètent L'aube au ciel fait de roses plis L'amour chemine à ta conquête Mars et Vénus sont revenus Ils s'embrassent à bouches folles Devant des sites ingénus Où sous les roses qui feuillolent De beaux dieux roses dansent nus Viens ma tendresse est la régente De la floraison qui paraît La nature est belle et touchante Pan sifflote dans la forêt Les grenouilles humides chantent