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La Sentinelle

La Sentinelle

13-15 ans - 32 pages, 2692 mots | 21 minutes de lecture | © Éditions du Pourquoi pas, 2023, pour la 1ère édition - tous droits réservés


La Sentinelle

13-15 ans - 21 minutes

La Sentinelle

Aïku et Tutti grandissent ensemble dans la pure tradition amérindienne, à Antecum-Pata, au cœur de la forêt amazonienne, là où quitter son village pour aller au collège est, pour tous, une épreuve... Un plongeon dans une réalité guyanaise, la détresse de ses ados amérindiens qui peuvent aller jusqu’au suicide.

"La Sentinelle" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre La Sentinelle

La sentinelle écrit par Claire Clément et illustré par Alca Aux éditions Du Pourquoi Pas ??


La sentinelle
J'habite en Guyane, en pays amérindien et j'appartiens au peuple des Wayanas. Mon village s’appelle Antecume-Pata. Il est situé en pleine forêt amazonienne, au bord du fleuve, le Haut Maroni. Notre village est si isolé que notre seul moyen de transport est la pirogue.
À deux ans, mon grand-père, qui est Grand Man, chef coutumier du village, m’a emmené au grand carbet, une case ouverte où tout le monde se réunit. J’étais sur ses genoux et des femmes, des hommes se sont approchés de nous en s’exclamant : — Regardez ! C’est tout le portrait de son grand-père ! Ces visages qui se penchaient sur moi m’ont effrayé. Alors mon grand-père m’a mis sur ses épaules : — Là, Aïku, m’a–t–il dit, tu es un géant, aussi grand qu’un bananier, il ne peut rien t’arriver. C’est alors que j’ai aperçu Tutti qui, lui, était sur les épaules de son père, les cheveux si emmêlés que des pics se dressaient sur sa tête. Ça lui donnait l’air d’un lutin malicieux. J’ai pointé un doigt vers lui. Mon grand–père ne s’y est pas trompé, il a annoncé : — Ces deux–là seront amis, je vous le prédis ! Et c’est ce qui s’est passé. Tutti et moi, nous ne nous sommes plus quittés. Comme sa maison est à côté de la mienne, nous avons grandi ensemble. Dans la journée, nous dormions dans le même hamac..
Nos mères nous donnaient le sein indifféremment; nos pères nous faisaient sauter sur leurs genoux, chacun leur tour. Tutti était le premier visage que j’apercevais en me réveillant, et si par hasard, je ne le voyais pas parce qu’il était déjà en train de téter, je me mettais à pleurer, comme si soudain mon univers m’était devenu étranger. À six ans, nous épluchions le manioc, nous chassions le lézard. Son grand–père nous a fabriqué des arcs. Et le mien nous a appris à tirer. J’étais meilleur que Tutti, plus précis, mais il s’en fichait. Il disait : — Chacun est bon à quelque chose. Et c’était vrai : lui grimpait aux arbres comme un singe. Il allait haut, très haut, et n’avait pas le vertige ! Moi, si. Une fois au sommet, il coupait les lianes qui sont utilisées pour soigner la toux. Dans le village, tout le monde lui demandait des services parce que Tutti disait toujours oui. — Tutti, hé Tutti, va me couper des lianes ! J’ai le petit qui tousse. Ou encore : — Tutti, aide–moi, s’il te plaît, rapporte le katuri ! Le katuri, c’est un panier que les villageois portent sur les épaules en revenant de l’abattis. Tutti était mince, mais il avait une force incroyable !
À l’école, Tutti s’ennuyait. Il avait du mal à tenir en place. Le maître le grondait : — Tutti, reste tranquille, ou je t’attache ! Un jour, le maître a parlé de nos ancêtres, — Ce n’est pas mes ancêtres, les Gaulois ! Personne ne les connait chez nous. Moi, mon ancêtre, c’est Kuyuli ! Tout le monde a ri et scandé : — Ku–yu–li ! Ku–yu–li ! Le maître n’a pas répondu. Ça se voyait qu’il était embêté. Il a juste dit : — La classe est finie ! Sûr qu’il avait besoin de réfléchir.les Gaulois. Là, Tutti s’est révolté :