Extrait du livre Le pigeon qui voulait voyager
Le pigeon qui voulait voyager de Mikaël Blanc aux éditions L'atelier du poisson soluble
Le pigeon qui voulait voyager
Trop de monde aux fenêtres du vieux colombier. Ici tous sont égaux dans un ennui serein, N’ayant d’autre loisir, du soir jusqu’au matin, Qu’attendre chaque jour le grain à picorer. Ils sont une centaine, on en voit un million : Chaque jour un œuf neuf, un nouvel oisillon, On croirait une usine à faire du pigeon. Et la tribu s’accroît, par accumulation.
Nestor pigeon est l’un de ces preux volatiles Qu’un sort aussi ingrat ne saurait satisfaire ; Il répète en voyant les oies planer dans l’air : « Moi je veux voler haut, moi je veux voir la ville ! » Basse-cour en émoi ! Voyez l’énergumène ! À toute force on use de persuasion : « Le dindon de la farce est toujours le pigeon... » N’importe, il veut partir où grande vie l’on mène.
Ainsi donc il s’en va, s’envole à tire-d’aile ; Il quitte à tout jamais ce pays qui l’englue. Sans siège, sans assaut, sans traité superflu, Débarque en conquérant dans la Ville éternelle. Aussitôt arrivé, il est déjà déçu, Il regrette bientôt sa paisible nature : La foule des laissés-pour-compte d’aventure Grouille d’estropiés, masse de combattus.