Extrait du livre Dédée
Dédée Auteur : Claire Beuve Illustrateur : Tildé Barbey Editeur : Les éditions du Pourquoi Pas
Dédée
Dédée vivait dans la rue depuis plusieurs années. Son campement, elle l’avait établi au pied de trois platanes. La présence solide des arbres la rassurait. Au début les gens n’avaient pas vu d’un œil serein l’installation d’une SDF à cet endroit. La surprise fut d’autant plus grande qu’elle ne ressemblait pas du tout à la représentation qu’on se fait d’une clocharde.
Plusieurs fois elle avait été sommée de partir. À chaque fois elle était revenue. Dans le quartier, tout le monde la connaissait maintenant. — Bien le bonjour Dédée. — Comment vas-tu ce matin ? — Besoin de quelque-chose ? Je te dépose chez Jeanne ? — Salut Dédée. Elles sont drôlement belles tes fleurs. Celles que tu m’as offertes se portent bien. Autour de sa tente, Dédée avait aménagé un petit jardin. Quand elle trouvait un pot abandonné dans la rue, même ébréché, elle le ramenait jusqu’à chez elle. Discrètement, elle allait prélever un peu de terre dans un parc, même si c’était interdit. Les pots accueillaient ensuite un rejet de rosier, un tournesol, des marguerites ou des tulipes. Elle faisait cela tout doucement, avec des gestes précis et délicats. L’important c’était que les fleurs égayent les lieux pendant les quatre saisons. Au fil des années, cet insolite campement fleuri attirait régulièrement l’attention des badauds et des touristes. Nombreux étaient ceux qui avaient proposé de l’aide à Dédée pour trouver un logement. Toujours, elle répondait en plissant les yeux et dodelinant de la tête : — Je suis bien ici. J’ai déjà tout perdu une fois. Ici je ne risque plus grand-chose. — Mais Dédée, tu n’as pas froid en hiver ? Et trop chaud en été ? Alors avec un petit sourire mi-triste, mi-espiègle, elle murmurait : — Quand on est seul, on peut avoir trop chaud ou trop froid dans l’endroit le plus confortable du monde. Avec tous les amis que j’ai céans, aucun risque !