Extrait du livre Des airs sauvages
Des airs sauvages de Thomas Scotto et Manon Karsenti aux éditions du Pourquoi Pas
Des airs sauvages
« C’est peut-être Mozart, le gosse qui tambourine, les deux poings sur l’bazar, des batteries de cuisine. Jamais on le saura, l’autocar du collège passe pas par Opéra, râpé pour le solfège » Allain Leprest
C’est l’image de son skate dévalant le pavé que je garderai longtemps… Rue Jean Jaurès. — Jaurès ? Encore un homme inconnu… pour un trottoir célèbre ! j’avais fanfaronné, tout haut, la première fois qu’on s’y était retrouvés. Et le groupe avait beuglé notre cri de ralliement en signe de félicitation. Quelque chose entre le chant du coq et le grognement de l’orage. Je n’étais pas le plus mauvais en matière de punchline… depuis toujours c’était mon petit pouvoir. Bientôt célèbre, j’aurais dû préciser. Un trottoir bientôt célèbre puisqu’après avoir traîné dans tous les recoins de la ville, après avoir testé les bancs de plusieurs places et les escaliers creusés du parvis de l’église… tout le monde était tombé d’accord : cette rue serait la piste idéale ! La nôtre. Très peu de circulation. Un faux plat dans son début, quelques dénivelés plutôt secs et une pente qui allait croissante jusqu’à devenir vertigineuse sur la fin. Pour les plus intrépides ? Les angles des larges marches de certaines devantures, des slides en pointillés, sur tout le trajet. C’était loin d’être San Francisco mais tout de même un bon début de paradis. Une rue suffisamment « déferlante » pour nous donner des airs sauvages. C’est ce que nous avions conclu. Oui, bientôt célèbre, ´Jaurès, puisqu’on se préparait à lui faire vivre ses plus beaux jours de trottoirs ! Son plus grand terrain de jeux… et qu’il allait devenir l’épicentre d’une ville trop endormie, grâce à nous. Souvent, les jeunes essaient de chasser les vieux de leur territoire. Pourtant, l’idée n’était pas de faire peur. Non, seulement de passer du bon temps.