Extrait du livre Comme un sourire qui flotte
Comme un Sourire qui flotte Thomas Scotto et Julie Prêcheur Editions du Pourquoi pas
Esther
Sur la pointe des pieds, l'avant-dernière. J'ai dit: c'est surtout pour rester avec Assina... si je ne me sépare pas d'Assina, ce sera bien, et que oui, promis juré, on ne fera pas de rires pendant le spectacle. Heureusement, le maître m'a cru. Je ne suis pas une fille de mensonges, je suis discrète même, tout va bien. Alors je laisse les autres de la classe avancer, bien devant. Les autres, ils sont tout fous comme si c'était Noël. Et moi, je vois vraiment rien de brillant comme moment à passer. Parce que la vérité? Je vais encore avoir la trouille... Dans le cahier, ça fait deux jours qu'on sait pour la «grande sortie». Le maître a demandé avec son sourire qui flottait: -Qui est déjà allé au théâtre? Parce que jeudi, on va au théâtre! Là, j'ai bien dû lever le doigt. -La chance de chance! a sautillé Assina, juste devant moi. La chance de chance? Mais, je crois qu'elle sait pas comment ça se passe, obligé...
J'ai fermé les yeux pour ne pas trop réfléchir et, manque de chance, j'ai revu tout, en grand détail, millimètre par millimètre dans ma tête: l'arrivée avec maman au théâtre de la ville, les deux portes de la salle ouverte en grande bouche pour nous avaler, le noir tout sombre à l'intérieur et tout de suite, une musique de conte de fée sous l'orage. Une musique qui donne envie de partir à sept lieues... et de toutes ses jambes.
Après quelques minutes, un homme a sauté sur la scène en hurlant comme un monstre. Je crois que même ses yeux voulaient nous dévorer. Et voilà... J'avais des cauchemars possibles pour des nuits et des nuits. -T'exagères, j'suis sûre! -Pas du tout. -C'est pas l'horreur du dentiste quand même. -Presque. Vraiment, Assina ne sait pas comment ça se passe, le théâtre. Si elle me croit pas, ce sera tant pis pour sa trouille.
