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Le Cid

Le Cid

13-15 ans - 74 pages, 14332 mots | 1 heure 44 minutes de lecture | © Storyplay'r, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Le Cid

13-15 ans - 1 heure 44 minutes

Le Cid

Rodrigue aime Chimène et Chimène aime Rodrigue. Mais un conflit oppose leurs deux pères. Qui de l'amour ou de l'honneur triomphera ?

"Le Cid" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Quel est le résumé du Cid ?

Le Cid de Pierre Corneille est une pièce de théâtre en 5 actes et en alexandrins, dont la première représentation a eu lieu en 1637. Il s’agit d’une tragi-comédie qui porte sur l’amour impossible en Rodrigue et Chimène. En effet, Rodrigue tue Don Gomès, le père de Chimène, afin de venger l’affront fait à son propre père, Don Diègue. Bien qu’aimant Rodrigue, Chimène lui demande justice pour la mort de son père. Rodrigue gagne en gloire (ayant héroïquement défendu son royaume contre les Maures) mais reste cependant sous la menace de la vengeance de Chimène. Déchirée entre l’amour et le devoir, Chimène finit par accepter un délai avant de décider de leur avenir, laissant la fin ouverte sur une possible réconciliation. 

Pourquoi Le Cid s'appelle Le Cid ?

Le titre Le Cid provient du surnom que Rodrigue reçoit au cours de la pièce après son exploit militaire contre les Maures. Cette pièce prenant place en Espagne, ce mot "Cid" (issu de l'arabe sîd, qui signifie "seigneur" ou "maître") était un titre honorifique conféré à un héros ou un chef respecté. Après sa victoire éclatante sur les Maures, Rodrigue est acclamé par ses ennemis eux-mêmes, qui le nomment "le Cid" en reconnaissance de son courage, de sa valeur et de sa noblesse d'âme. Ce surnom symbolise ainsi la gloire et l’héroïsme de Rodrigue, des qualités qui jouent un rôle central dans la pièce. 

Quel est le message du Cid ?

Le Cid de Corneille explore les dilemmes entre l’amour, l’honneur et le devoir, à travers les personnages de Rodrigue et Chimène, tous deux amoureux mais tourmentés par le devoir de vengeance et leur propre honneur, et celui de leur famille. La pièce interroge donc sur la priorité entre les sentiments personnels et les obligations sociales, tout en laissant une fin ouverte sur leur possible réconciliation. Elle illustre les valeurs d’honneur, de gloire et de sacrifice dans une société dominée par ces idéaux. 

Qui était Pierre Corneille ?

Pierre Corneille était un écrivain, dramaturge et poète, français, né en 1606 à Rouen. Il est encore aujourd’hui considéré comme un écrivain classique de la littérature française. Il a écrit une trentaine de pièces de théâtre, comédies et tragédies confondues, mais son œuvre la plus célèbre reste Le Cid. C’est avec celle-ci (ainsi que d’autres de ses tragédies) que naît l’expression portant son nom “dilemme (ou choix) cornélien”, qui représente une décision tragique. Cette expression illustre le choix de Chimène et Rodrigue, qui doivent choisir entre amour et honneur.  

Qu’est-ce qu’un classique de la littérature française ?

Un classique de la littérature française est une œuvre qui a traversé les époques, tout en restant pertinent dans le monde d’aujourd’hui. Ces œuvres sont reconnues pour leur qualité littéraire, leur profondeur de pensée, et leur capacité à toucher des générations successives de lecteurs. Pour réussir cela, elles abordent souvent des thèmes universels : l’amour, la justice, la liberté, ou la condition humaine. Dans les classiques, on retrouve également des œuvres qui ont marqué l’histoire littéraire en apportant des innovations (de langue, de forme, ou de style). Par exemple, les pièces de théâtre de Molière ont établi des standards dans le genre de la comédie, tandis que les romans de Victor Hugo ont révolutionné la forme romanesque D'autres grands auteurs classiques sont bien évidemment : Charles Perrault, Emile Zola, Guy de Maupassant

Extrait du livre Le Cid

Le Cid De Pierre Corneille


Le Cid
Acte Premier
SCENE PREMIERE CHIMÈNE, ELVIRE CHIMÈNE Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ? Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ? ELVIRE Tous mes sens à moi-même en sont encore charmés : Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez, Et si je ne m’abuse à lire dans son âme, Il vous commandera de répondre à sa flamme. CHIMÈNE Dis-moi donc, je te prie, une seconde fois Ce qui te fait juger qu’il approuve mon choix ; Apprends-moi de nouveau quel espoir j’en dois prendre ; Un si charmant discours ne se peut trop entendre ; Tu ne peux trop promettre aux feux de notre amour La douce liberté de se montrer au jour Que t’a-t-il répondu sur la secrète brigue Que font auprès de toi don Sanche et don Rodrigue ? N’as-tu point trop fait voir quelle inégalité Entre ces deux amants me penche d’un côté ?
ELVIRE Non, j’ai peint votre cœur dans une indifférence Qui n’enfle d’aucun d’eux ni détruit l’espérance, Et sans les voir d’un œil trop sévère ou trop doux, Attend l’ordre d’un père à choisir un époux. Ce respect l’a ravi, sa bouche et son visage M’en ont donné sur l’heure un digne témoignage, Et puisqu’il vous en faut encore faire un récit, voici d’eux et de vous ce qu’en hâte il m’a dit : ” Elle est dans le devoir, tous deux sont dignes d’elle, Tous deux formés d’un sang noble, vaillant, fidèle, Jeunes, mais qui font lire aisément dans leurs yeux L’éclatante vertu de leurs braves aïeux. Don Rodrigue surtout n’a trait en son visage Qui d’un homme de cœur ne soit la haute image, Et sort d’une maison si féconde en guerriers, Qu’ils y prennent naissance au milieu des lauriers. La valeur de son père en son temps sans pareille, Tant qu’a duré sa force, a passé pour merveille ; Ses rides sur son front ont gravé ses exploits, Et nous disent encore ce qu’il fut autrefois. Je me promets du fils ce que j’ai vu du père ; Et ma fille, en un mot, peut l’aimer et me plaire. ” Il allait au conseil, dont l’heure qui pressait A tranché ce discours qu’à peine il commençait ; Mais à ce peu de mots je crois que sa pensée Entre vos deux amants n’est pas fort balancée. Le roi doit à son fils élire un gouverneur, Et c’est lui que regarde un tel degré d’honneur ; Ce choix n’est pas douteux, et sa rare vaillance Ne peut souffrir qu’on craigne aucune concurrence. Comme ses hauts exploits le rendent sans égal, Dans un espoir si juste il sera sans rival ; Et puisque don Rodrigue a résolu son père Au sortir du conseil à proposer l’affaire, Je vous laisse à juger s’il prendra bien son temps, Et si tous vos désirs seront bientôt contents. CHIMÈNE Il semble toutefois que mon âme troublée Refuse cette joie, et s’en trouve accablée : Un moment donne au sort des visages divers, Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers. ELVIRE vous verrez cette crainte heureusement déçue. CHIMÈNE Allons, quoi qu’il en soit, en attendre l’issue.
Le Cid SCENE II L’INFANTE, LÉONOR, UN PAGE L’INFANTE Page, allez avenir Chimène de ma part Qu’aujourd’hui pour me voir elle attend un peu tard, Et que mon amitié se plaint de sa paresse. Le page rentre. LÉONOR Madame, chaque jour même désir vous presse ; Et dans son entretien je vous vois chaque jour Demander en quel point se trouve son amour L’INFANTE Ce n’est pas sans sujet : je l’ai presque forcée à recevoir les traits dont son âme est blessée. Elle aime don Rodrigue, et le tient de ma main, Et par moi don Rodrigue a vaincu son dédain ; Ainsi de ces amants ayant formé les chaînes, Je dois prendre intérêt à voir finir leurs peines. LÉONOR Madame, toutefois parmi leurs bons succès
vous montrez un chagrin qui va jusqu’à l’excès. Cet amour, qui tous deux les comble d’allégresse, Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse, Et ce grand intérêt que vous prenez pour eux vous rend-il malheureuse alors qu’ils sont heureux ? Mais je vais trop avant, et deviens indiscrète. L’INFANTE Ma tristesse redouble à la tenir secrète. Écoute, écoute enfin comme j’ai combattu, Écoute quels assauts brave encore ma vertu. L’amour est un tyran qui n’épargne personne : Ce jeune cavalier cet amant que je donne, Je l’aime. LÉONOR Vous l’aimez ! L’INFANTE Mets la main sur mon cœur Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur, Comme il le reconnaît. LÉONOR Pardonnez-moi, madame, Que d’admettre en son cœur un simple cavalier ! Et que dirait le roi, que dirait la Castille ? vous souvient-il encore de qui vous êtes fille ? L’INFANTE Il m’en souvient si bien que j’épandrai mon sang, Avant que je m’abaisse à démentir mon rang. Je te répondrais bien que dans les belles âmes Le seul mérite a droit de produire des flammes ; Et si ma passion cherchait à s’excuser Mille exemples fameux pourraient l’autoriser : Mais je n’en veux point suivre où ma gloire s’engage ; La surprise des sens n’abat point mon courage ; Et je me dis toujours qu’étant fille de roi Tout autre qu’un monarque est indigne de moi. Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre, Moi-même je donnai ce que je n’osais prendre. Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens, Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens. Ne t’étonne donc plus si mon âme gênée Avec impatience attend leur hyménée ; Tu vois que mon repos en dépend aujourd’hui. Si l’amour vit d’espoir il périt avec lui ; C’est un feu qui s’éteint, faute de nourriture ; Et malgré la rigueur de ma triste aventure, Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.
Je souffre cependant un tourment incroyable. Jusques à cet hymen Rodrigue m’est aimable : Je travaille à le perdre, et le perds à regret ; Et de là prend son cours mon déplaisir secret. Je vois avec chagrin que l’amour me contraigne à pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ; Je sens en deux partis mon esprit divisé. Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé. Cet hymen m’est fatal, je le crains, et souhaite : Je n’ose en espérer qu’une joie imparfaite. Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d’appas, Que je meurs s’il s’achève ou ne s’achève pas. LÉONOR Madame, après cela je n’ai rien à vous dire, Sinon que de vos maux avec vous je soupire ; Je vous blâmais tantôt, je vous plains à présent. Mais puisque dans un mal si doux et si cuisant Votre vertu combat et son charme et sa force, En repousse l’assaut, en rejette l’amorce, Elle rendra le calme à vos esprits flottants. Espérez donc tout d’elle, et du secours du temps, Espérez tout du ciel, il a trop de justice Pour laisser la vertu dans un si long supplice. L’INFANTE Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir. LE PAGE Par vos commandements Chimène vous vient voir L’INFANTE, à Léonor Allez l’entretenir en cette galerie. LÉONOR Voulez-vous demeurer dedans la rêverie ? L’ INFANTE Non, je veux seulement, malgré mon déplaisir, Remettre mon visage un peu plus à loisir. Je vous suis. Juste ciel, d’où j’attends mon remède, Mets enfin quelque borne au mal qui me possède, Assure mon repos, assure mon honneur. Dans le bonheur d’autrui je cherche mon bonheur Cet hyménée à trois également importe ; Rends son effet plus prompt, ou mon âme plus forte. D’un lien conjugal joindre ces deux amants, C’est briser tous mes fers et finir mes tourments. Mais je tarde un peu trop, allons trouver Chimène, Et par son entretien soulager notre peine.
SCENE III LE COMTE, DON DIÈGUE LE COMTE Enfin vous l’emportez, et la faveur du roi vous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi, Il vous fait gouverneur du prince de Castille. DON DIÈGUE Cette marque d’honneur qu’il met dans ma famille Montre à tous qu’il est juste, et fait connaître assez Qu’il sait récompenser les services passés. LE COMTE Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes : Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ; Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans Qu’ils savent mal payer les services présents. DON DIÈGUE Ne parlons plus d’un choix dont votre esprit s’irrite ; La faveur l’a pu faire autant que le mérite, Mais on doit ce respect au pouvoir absolu, De n’examiner rien quand un roi l’a voulu.
À l’honneur qu’il m’a fait ajoutez-en un autre ; Joignons d’un sacré nœud ma maison à la vôtre : vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils ; Leur hymen nous peut rendre à jamais plus qu’amis : Faites-nous cette grâce, et l’acceptez pour gendre. LE COMTE À des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre ; Et le nouvel éclat de votre dignité Lui doit enfler le cœur d’une autre vanité. Exercez-la, monsieur, et gouvernez le pince ; Montrez-lui comme il faut régir une province, Faire trembler partout les peuples sous la loi, Remplir les bons d’amour et les méchants d’effroi ; Joignez à ces vertus celles d’un capitaine : Montrez-lui comme il faut s’endurcir à la peine, Dans le métier de Mars se rendre sans égal, Passer les jours entiers et les nuits à cheval, Reposer tout armé, forcer une muraille, Et ne devoir qu’à soi le gain d’une bataille. Instruisez-le d’exemple, et rendez-le parfait, Expliquant à ses yeux vos leçons par l’effet. DON DIÈGUE Pour s’instruire d’exemple, en dépit de l’envie, . Il lira seulement l’histoire de ma vie. Là, dans un long tissu de belles actions, Il verra comme il faut dompter des nations, Attaquer une place, ordonner une armée, Et sur de grands exploits bâtir sa renommée. LE COMTE Les exemples vivants sont d’un autre pouvoir ; Un pince dans un livre apprend mal son devoir. Et qu’a fait après tout ce grand nombre d’années, Que ne puisse égaler une de mes journées ? Si vous fûtes vaillant, je le suis aujourd’hui, Et ce bras du royaume est le plus ferme appui. Grenade et l’Aragon tremblent quand ce fer brille ; Mon nom sert de rempart à toute la Castille : Sans moi, vous passeriez bientôt sous d’autres lois, Et vous auriez bientôt vos ennemis pour rois. Chaque jour, chaque instant, pour rehausser ma gloire, Met lauriers sur lauriers, victoire sur victoire : Le prince à mes côtés ferait dans les combats L’essai de son courage à l’ombre de mon bras ; Il apprendrait à vaincre en me regardant faire ; Et pour répondre en hâte à son grand caractère, Il verrait… DON DIÈGUE Je le sais, vous servez bien le roi, Je vous ai vu combattre et commander sous moi : Quand l’âge dans mes nerfs a fait couler sa glace, votre rare valeur a bien rempli ma place ;