Extrait du livre Mona Lisa Ma vie avec Léonard
Mona Lisa Ma vie avec Léonard d'Eva Bensard et Pierre-Emmanuel Lyet aux éditions Amaterra
Mona Lisa Ma vie avec Léonard
Je suis une star.
Non, je vous assure, je n’exagère pas. Demandez un peu aux millions de visiteurs qui, chaque année, se pressent au musée du Louvre pour m’apercevoir. Tous s’extasient : « Quelle beauté ! » Troppo bella ! Beautiful ! Wunderschön ! Muy guapa ! Bijin ! J’en rougirais presque... Dommage que mon créateur, Léonard de Vinci, ne soit plus là pour voir ça. Il aurait été bien surpris ! On me photographie sans cesse. On m’écrit aussi, pour prendre de mes nouvelles ou me souhaiter de bonnes fêtes. Un touriste m’a même demandée en mariage. Moi, une femme peinte !
Aujourd’hui, pourtant, je n’ai plus le cœur à batifoler... Je suis une vieille dame, percluse de rhumatismes. Ma peinture s’est ridée et mon teint a jauni. Un nettoyage de peau et quelques injections de colle ne me feraient pas de mal. Au Louvre, toutes mes copines ont eu droit à une cure de rajeunissement ! Juste en face de moi, les pestes des Noces de Cana affichent une mine éclatante... Malheureusement, on a défendu aux restaurateurs – ces docteurs pour œuvres d’art – de m’approcher. Pire, on m’interdit les sorties en raison de mon grand âge. Je suis, dit-on, de constitution trop fragile... Pour passer le temps et ne pas m’encroûter – moi, une croûte ?! –, je repense à ma folle jeunesse. Que d’aventures j’ai vécues avec mon cher créateur ! Et combien de voyages ! Ah, c’était la dolce vita... Grâce à ces souvenirs, je garde toujours le sourire....
J’ai vraiment gagné le gros lot avec monsieur de Vinci ! C’était un savant, un génie, un infatigable explorateur des mystères de la nature. Un peintre-ingénieur-architecte-décorateur dont les princes de l’Europe entière se disputaient les talents ! Pour être honnête, il était parfois fatigant, à toujours vouloir tout comprendre, analyser et décortiquer... Mais à ses côtés, on ne s’ennuyait jamais. Il savait tout faire ! Jongler, jouer de la lyre, écrire de la main droite comme de la gauche, ou même – tenez-vous bien – à l’envers ! Et comme si ça ne suffisait pas, il était élégant et très beau garçon. Personne ne lui résistait...
Ma quelle impolie je fais, à force de bavarder, j’en ai oublié de me présenter ! Ciao, je suis le plus célèbre portrait de l’histoire de l’art, on m’appelle la Joconde, ou Mona Lisa. J’ai vu le jour à Florence en 1503, non loin de la gigantesque coupole du Duomo et des rives de l’Arno. Léonard, à cette époque, travaillait au cœur de sa Toscane natale, entre les hauts campaniles et les palais de pierre blonde.
Pff... quel fourbi, son atelier ! Il n’en faisait vraiment qu’à sa tête. Il commençait un tableau et l’abandonnait quelques jours plus tard, pour se consacrer à la fabrication d’un énième vaisseau volant – il était persuadé qu’un jour l’homme pourrait voler ! Puis, brusquement, il laissait en plan sa machine ailée et se plongeait dans la rédaction d’un traité sur les plantes et la botanique. Il passait alors des heures à dessiner un haricot, s’émerveillait de la formation des petits pois dans leur cosse… Croyez-moi, il souffrait d’un léger trouble de l’attention. Cette hyperactivité était très répandue chez les artistes de la Renaissance.