Extrait du livre Plus fort que le vent
Plus fort que le vent de Julia Billet et Ana Aranda aux éditions du Jasmin
- J'ai mal à mon écorce, gémit le flamboyant. Ses fleurs s'ouvrent à ses plaintes et l'arbre devient plus rouge encore, d'un rouge trop vif pour le bleuté du ciel. - J'ai mal à mon écorce, murmure le flamboyant. Une larme de sève s'échappe de ses branches et tombe sur le sol. - J'ai mal dans mon cœur, articule le flamboyant, en s'adressant à la nuit qui vient doucement panser ses plaies. - J'ai mal...
Mais le vent se lève, impétueux, furieux, souffle par ses naseaux et s'abat sur le flamboyant qui baisse ses feuilles sans un bruit, sans un cri. Le vent le heurte, le bouscule, fait trembler son tronc et arrache son feuillage. Et ça dure, et ça dure... La nuit offre au vent son manteau noir qui cache tout de ses coups ; elle lui prête une cape d'invisibilité qui tait au monde sa cruauté.
Au petit matin, le flamboyant ne dit rien. À son pied, ses fleurs sont tombées, déjà fanées. Elles font des taches rouges sur la terre brune. Au petit matin, le flamboyant ne dit rien, déplie ses branches endolories, secoue les quelques feuilles qui ont tenu bon et sourit doucement au soleil levant. Le flamboyant ne dit rien et quand les oiseaux Tecs tecs, zoiseaux blancs, tourterelles pays, viennent se poser sur sa tête et sur le bout de ses doigts, le flamboyant se tait. Pourtant, il a mal à l'écorce, aux branches, et puis au cœur.
Ses amis les oiseaux n'ont rien vu, rien entendu. Le flamboyant chantonne avec eux, l'air de rien, l'air d'avoir oublié qu'il est si seul. Il ouvre ses bras aux insectes, au soleil, et laisse la lumière caresser ses plaies en silence.