Extrait du livre Pour un monde meilleur
Pour un monde meilleur Les élèves de 6ème du collège public Roqua d'Aubenas Illustrations de Marianne Pasquet Fédération des OEuvres Laïques de l'Ardèche
Il était une fois, très haut dans le ciel, caché par des nuages, un curieux petit pays qui s'appelait Blancnoirdie Dans ce pays, tout était noir ou blanc : les bâtiments, les routes, la végétation, les animaux...
Les gens étaient noirs ou blancs et ne s'entendaient pas : les Blancs rejetaient les Noirs et leurs croyances et les Noirs faisaient la même chose vis-à-vis des Blancs. Les uns se sentaient supérieurs aux autres et chacun essayait d'imposer ses lois, ce qui occasionnait beaucoup de violence. Le pays était séparé en deux : les Blancs d'un côté, les Noirs de l'autre. Entre les deux était construit un orphelinat, qui accueillait les enfants Noirs et Blancs. Les enfants, spontanément, s'entendaient bien entre eux : ils avaient en commun d'avoir perdu leurs parents mais la présence des adultes qui les surveillaient les obligeait à ne pas le montrer : ils étaient punis s'ils manifestaient entre eux leurs sentiments. Dans ce pays, les filles n'avaient pas le droit d'aller à l'école, seuls les garçons y étaient autorisés, dans une école de leur couleur bien évidemment. Or l'école de l'orphelinat était réservée aux Blancs ; voilà pourquoi Théo, un enfant noir de onze ans, ne pouvait y aller. Un jour, il croisa Zoé, une fille blanche, dans le couloir qui séparait le côté blanc et le côté noir de l'orphelinat. Tous les deux devinrent vite amis et prirent l'habitude de se retrouver en cachette pour parler. Ils se racontaient leurs journées, leurs rêves et leurs espoirs. Ils inventaient des histoires, rêvaient ensemble du monde au-delà de l'orphelinat et du pays de Blancnoirdie , monde qu'ils imaginaient calme et paisible, pour rompre avec la dureté de leur quotidien. Un jour, Théo, en chuchotant, dit à Zoé : "Ce n'est pas juste ! Dans ce pays les Noirs ne peuvent pas parler aux Blancs et les Blancs de même ! Et en plus ni toi ni moi ne pouvons aller à l'école... Partons d'ici pour être libres de nous parler sans nous cacher des autres..." Zoé lui répondit : "C'est une bonne idée ! On pourra peut-être rendre réel ce dont nous rêvons... Demain, nous partirons."
Le lendemain, ils quittèrent l'orphelinat à l'aube avant que tout le monde ne s'éveille, après avoir volé dans la réserve deux parachutes magiques qu'ils glissèrent dans leur sac. Ils se dirigèrent vers l'unique gare du pays, un bâtiment noir et blanc avec un quai unique d'où partait toutes les heures un train composé d'une locomotive noire et blanche qui tirait deux wagons : un noir et un blanc. L'employé du guichet était blanc et s'appelait Thomas. "Que faites-vous ici à cette heure ? Où voulez-vous aller ?" leur demanda-t-il d'un ton sévère. Théo lui expliqua : "Monsieur, nous venons de l'orphelinat, nous voulons fuir ce pays car ici les Blancs et les Noirs ne peuvent pas être ensemble. Nous, on a envie de pouvoir se voir, se parler, sans avoir à nous cacher." Thomas les regarda longuement, le regard adouci, et son visage s'éclaira bientôt d'un sourire : "Les enfants, il y a longtemps, j'étais ami avec une fille noire et nous nous rencontrions en cachette des adultes... elle a dû partir avec ses parents qui ont souhaité fuir ce pays qu'ils ne supportaient plus. Elle m'écrit parfois et me parle de son nouveau pays, la France, où il fait bon vivre paraît-il... je ne me suis jamais résolu à partir et croyez que je le regrette." Il prépara deux billets et les leur tendit : "Je vous souhaite bonne chance à tous les deux. Essayez la France ! Mon amie m'a parlé dans ses lettres de la laïcité, apparemment, ça aide à vivre mieux. Bon courage et bon voyage." Théo et Zoé le remercièrent chaleureusement et se dirigèrent vers le quai.
Mais au moment où ils allaient monter dans le train volant, le policier qui surveillait les allers-retours des voyageurs les arrêta et leur dit : "Hé les enfants, vous savez très bien que les Noirs et les Blancs ne vont pas dans le même wagon ! Allez, ouste la fille, ici c'est réservé aux Noirs !" Théo et Zoé furent surpris car, comme ils rêvaient déjà du monde qu'ils allaient découvrir, ils n'avaient pas vu arriver le policier. Zoé s'écarta donc du premier wagon pour aller dans le suivant, réservé aux Blancs. En passant près de Théo, elle lui chuchota "Rendez-vous en France !" Théo fit un signe de tête pour dire qu'il était d'accord et monta dans son wagon. C'était la première fois qu'ils montaient dans le train volant et les secousses les affolaient un peu : ils n'étaient pas côte à côte pour se réconforter. Mais chacun pensait à ce qui les attendait au bout de leur voyage et ils osaient croire que ce pays dont leur avait parlé Thomas et sa fameuse laïcité seraient à la hauteur de leurs rêves... Au bout d'un temps qui leur parut incroyablement long, les panneaux de chaque wagon affichèrent que le prochain pays survolé était la France. Théo harnacha son parachute sur son dos et alla près de la porte du train volant.