Extrait du livre L'histoire du gosier de la baleine
L'histoire du gosier de la baleine. Texte traduit par Erice Betend et illustré par Caroline Gormand, d'après le conte de Rudyard Kipling aux éditions Chemins de traverse
Il était une fois dans la mer, O ma Mieux Aimée, une Baleine, une Baleine qui mangeait les poissons. Elle mangeait les étoiles de mer et les loups de mer, le merlan et le flétan, le tacaud et le turbot, la sardine et ses copines, le mulet et le rouget, et la vive anguille visqueuse qui vrille et se tortille.
Tous les poissons qu'elle pouvait attraper dans tous les recoins de la mer, elle les dévorait avec sa bouche - comme ça ! Jusqu'à ce que finalement, il ne restât plus qu'un seul petit poisson dans toute la mer, un petit Poisson Fripon qui nageait à l'écart du danger, juste derrière l'oreille droite de la Baleine.
Du coup, la Baleine se dressa sur sa queue et déclara : "J'ai faim!" Et le petit Poisson Fripon dit d'une petite voix friponne : - Noble et généreux Cétacé, l'Homme as-tu déjà goûté ?
- Non, répondit la Baleine. Quel goût a-t-il ? - Sa chair est bonne, affirma le Petit Poisson Fripon. Sa chair est bonne mais elle manque de moelleux. - Eh bien va m'en chercher, lança la Baleine, et elle fit écumer la mer avec sa queue. - Un à la fois suffit, expliqua le petit Poisson Fripon.
Si tu nages juqu'au degré 50 de latitude nord et 40 de longitude ouest (c'est un point magique), tu trouveras, assis sur un radeau, au milieu de la mer, seulement vêtu de culottes de toile bleue, d'une paire de bretelles (tu ne dois pas oublier les bretelles, Mieux Aimée) et d'un couteau de matelot, un Marin naufragé qui, il est juste de te le dire, est un homme aux-ressources-et-à-la-sagacité-infinies."
Ainsi la Balein nagea et nagea aussi vite qu'elle put jusqu'au degré 50 de latitude nord et 40 de longitude ouest, et, sur un radeau, au milieu de la mer, seulement vête de culottes de toile bleue, d'une paire de bretelles (tu dois particulièrement te souvenir des bretelles, Mieux Aimée), équipé d'un couteau de matelot,
elle trouva un Marin solitaire, seul rescapé d'un naufrage, qui laissait barboter le bout de ses pieds dans l'eau salée.