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À Paris ! Mais avec...

À Paris ! Mais avec...

9-12 ans - 28 pages, 4944 mots | 37 minutes de lecture | © Éditions Marie-Louise, 2016, pour la 1ère édition - tous droits réservés


À Paris ! Mais avec...

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Revisiter la « Ville lumière » sous un angle inédit, à la fois poétique, tendre, drôle, un brin extravagant : voilà ce à quoi nous convie cet album. Des personnages attachants, peu banals, nous prennent par la main et nous entraînent dans un Paris où il fait bon prendre son temps, flâner, contempler, et peut-être s'aimer… Une façon originale de découvrir ou de redécouvrir la Capitale, ses lieux emblématiques, ses jardins, ses cafés, ses passages, ses curieux habitants. Une délicieuse promenade, portée par l'élégance des dessins et les rebondissements inattendus d'une fort jolie histoire sentimentale…

"À Paris ! Mais avec..." vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre À Paris ! Mais avec...

À Paris ! Mais avec… de Nathalie Infante et Thierry Dancourt aux éditions Marie-Louise


À Paris ! Mais avec...
Alléluia ! Voici enfin revenu le printemps, et avec lui les projets, les promesses, la joie. Et voici venu le temps, pour Rémy Darcey, d’ouvrir toutes grandes ses fenêtres, et même, pourquoi pas, de sortir.
M.Darcey est originaire d’Amiens, ville qu’il a dû quitter précipitamment, fuir, pour tout dire, en raison de très gros ennuis qu'il a eus là-bas, d'indénouables embrouilles. Depuis, il a pu se glisser dans le quartier Seine Rive Gauche, à Paris, où il remet les compteurs à zéro, se fait oublier de la société, recouvre peu à peu une certaine virginité morale. Construit dans les années 2000, c’est un quartier moderne, un peu froid, où l’on se côtoie sans se connaître, se parle sans s'écouter, se voit sans se regarder, où, en cas de problème, on ne peut compter sur personne. Ce quartier inhumain convient à M. Darcey, il s'y plaît. L’après-midi, souvent, il passe un moment au square. Il y croise Charles Montfort, nouveau à Seine Rive Gauche. Celui-ci habitait là avant qu'ils ne mettent tout par terre pour édifier ces façades qu'il trouve « belles comme des grilles de mots croisés ».
Avant, c’était un quartier parisien traditionnel, qui ne portait pas de nom particulier, ou alors « quartier de la Gare », peut-être. M. Montfort s'abandonne parfois à la nostalgie, et, avec Rémy Darcey, se complaît à évoquer ce temps-là : — Il y avait des petits bistrots, des petits commerces, des petites rues, des petites gens. Nous nous retrouvions au café, avec les copains. Que là… Immeubles, immeubles… Bureaux, bureaux… Magasins, magasins… Larges avenues, rues impersonnelles… Je ne suis qu'un relogé, Rémy. — Que voulez-vous, c’est dans l’ordre des choses, il faut vivre avec son temps. — Ou mourir contre son temps. Mais dites-moi, vous qui avez ce côté si austère, si rigoriste, martial, presque, sans vouloir vous froisser, comment se fait-il que l’on vous voit toujours revenir de promenade avec vos sacs plastique pleins de fleurs ? Votre logement doit d’ailleurs être joliment fleuri… — Il l’est, Charles, il l’est.
Aujourd´hui, les deux amis se sont retrouvés au métro Palais-Royal et ont pris place sur un banc du jardin. M. Darcey a ses habitudes, ici. Il apprécie particulièrement ce parc car c’est l’un des seuls de la capitale à être ceinturé de bâtiments sur ses quatre côtés : il s'y sent à son aise, protégé, relativement. Il y éprouve un sentiment dont il a perdu le goût à Amiens, celui de la tranquillité d'esprit, de la sécurité physique.
Et puis Rémy Darcey aime y faire du lèche-vitrines sous les arcades, où des échoppes poussiéreuses proposent anciennes pièces de monnaie, soldats de plomb, pipes de collection et décorations militaires. Un jour il en a du reste acheté une, datant du Second Empire, qu'à l'occasion il ne déteste pas porter au revers de son veston. — On ne devrait pas tarder à voir Lucien… Ce dernier, généralement drapé dans un magistral manteau de cachemire, est lui aussi un amoureux du jardin. Cet homme aime tellement les oiseaux qu’il les nourrit. Aussi est-il rare, exceptionnel, de le rencontrer dans les allées sans un ou plusieurs d'entre eux posés sur ses épaules, sur son chapeau, ou bien voletant à sa suite, un peu comme avec Saint François d’Assise. Il leur lance des graines qu’ils saisissent au vol, offrant aux promeneurs un spectacle inhabituel, pittoresque, quasiment un numéro de cirque. Il est connu là-bas sous le nom de Prince, de Prince des oiseaux. — Le voilà, justement. Regardez ça, quelle noblesse, quelle dignité… Le Prince, en effet, apparaît sous les tilleuls. Il est suivi de deux moineaux et d’une pie, une mésange ouvrant la marche. — Superbe… Impérial… continue Rémy Darcey. Prestance, présence… Il est grand, il n'y a pas à dire, il est grand. Chut, il approche.
M.Montfort et M.Darcey lui font de la place et le Prince des oiseaux s'installe avec eux sur le banc. Tandis que les moineaux et la pie s'éloignent, la mésange se pose au bord de son épaule. M. Darcey fait les présentations, puis Charles Montfort, surmontant sa timidité, engage le dialogue : — Rémy m’a dit que vous vous passionnez pour les oiseaux… — Oh oui, je me passionne pour les oiseaux. — Ils doivent commencer à vous connaître, à la longue… — Ils commencent à me connaître. — En ce moment vous devez être moins sollicité qu'en hiver… — Je suis moins sollicité. — Vous allez répéter longtemps tout ce que je dis ? Le Prince des oiseaux prend immédiatement la mouche et se lève. M. Darcey, toujours prompt à arranger les choses, apaiser les tensions entre les gens, le retient par le bras in extremis : — Allons, Prince, ne vous vexez pas. Pardonnez-le, il ne sait pas ce qu’il dit. L'homme se rassoit. Tous trois gardent le silence quelques minutes ; ils contemplent paisiblement les arbres, les parterres, le jet d'eau, en se laissant envelopper par le parfum sucré des tilleuls. Le regard de Rémy Darcey, au contraire très mobile, va du bassin aux statues, en passant par les petits squares intérieurs, pour revenir au bassin. Bassin, squares intérieurs, statues. Statues, squares intérieurs, bassin. Puis, ce regard fébrile, pas tranquille, se plante dans celui du Prince, lequel, selon les mots de M. Darcey, est « de la couleur grise du ciel de Paris, demeure de ses amis volatiles » : — Bien, Prince… — Bien… — Comme d’habitude ? — Comme d’habitude, Darcey. Ce dernier quitte le banc, tire d'une poche de son veston un sac plastique à l'enseigne de la Samaritaine, et, de ce sac, une paire de ciseaux et un cutter.