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Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins

Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins

9-12 ans - 44 pages, 10341 mots | 1 heure 16 minutes de lecture | © Éditions du Jasmin, 2014, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins

9-12 ans - 1 heure 16 minutes

Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins

Aimy vit recluse dans les bois par la volonté de sa mère, Rose, qui tente de la protéger. Elle n'est jamais allée à l'école, ne sait ni lire ni écrire, ignore l'existence des villes, et ne se doute pas que son mode de vie sort de l'ordinaire. Mais un jour, Aimy prend conscience de l'ampleur du monde qui l'entoure. En être exclue la plonge dans une profonde nostalgie. Pourquoi Aimy vit-elle isolée des autres ? Réussira-t-elle à vaincre sa solitude ?

"Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins

Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins de Kochka et Lise Hay aux éditions du Jasmin


Aimy et Rose ou la forêt aux trois chemins
1 Aimy et Rose Il était une fois Aimy et Rose, une petite fille et sa mère. Elles étaient pâles comme la pluie. Elles vivaient dans une maison entourée de bois qui ressemblait à un nid. Elles avaient dedans tout ce qu’il faut pour bien vivre : un salon avec un canapé-lit, une table, deux chaises, une cheminée, une cuisine. Et, dans un jardin enclos, à côté du potager et du verger, se tenaient une vache, Elsy, deux poules, Cindy et Stessy, et un coq pour mettre au monde des poussins. Ainsi disposaient-elles pour se nourrir d’œufs frais, de lait, de fruits et de légumes de saison, ainsi
que des plantes que leur offrait la forêt comme les châtaignes, les orties, les glands et les champignons. Et, pour les autres produits dont elles avaient besoin, le premier lundi de chaque mois, ensemble, elles se rendaient à la ville. Pour ça, dès le lever du soleil, elles quittaient leur propriété par un petit chemin caché, traversaient le bois qui l’entourait, et rejoignaient l’arrêt du car à côté d’une pancarte sur laquelle il était écrit : Accès au bois interdit ! Bien sûr cette interdiction ne valait ni pour Rose ni pour Aimy, car le bois leur appartenait. C’était leur propriété. Et elle ne concernait pas non plus les animaux à quatre pattes – lérots, mulots, renards, belettes et gros sangliers –, ni les oiseaux à deux pattes – mésanges, sittelles, pics-verts, petits rouges-gorges, hirondelles –, car tous les bois du monde appartiennent aux animaux et parce que ceux-ci ne savent pas lire. À l’arrêt du car, à côté de la pancarte, était un banc sous un abri. Il permettait aux gens de patienter sans fatigue et sans être arrosés les jours de pluie. Quand elles y arrivaient, Rose et Aimy s’asseyaient. Les horaires de passage du car n’étaient pas affichés, mais, généralement, le bus passait en début de matinée et Aimy aimait cette attente. Assise toute droite sans bouger, les mains couchées sur ses genoux, elle fixait l’endroit d’où il devait déboucher, et dans son cœur elle comptait : un, deux, trois, quatre, cinq, six… Aimy ne savait pas lire, mais elle savait compter jusqu’à au moins trois cent soixante mille ! Une fois, le car était apparu à cinq mille six cent soixante-six ! Le car qui passait près du bois pour se rendre à la ville était plutôt petit et sa carrosserie était peinte de couleurs vives : du jaune de la couleur du soleil, du bleu des cieux quand il fait beau, du vert pomme et du rouge cerise. Et, en même temps
qu’il apparaissait, on entendait le bruit de son moteur ronronner. Alors, dans sa poitrine, le cœur d’Aimy bondissait ! Elle savait que bientôt, elle ne serait plus assise sur un banc dur et immobile. Son siège serait en velours et, autour d’elle, le paysage changerait. Comme il était interdit de parler au chauffeur, pour ne pas le distraire de sa conduite, Rose et Aimy faisaient un geste pour le saluer, puis elles s’installaient. Aimy aimait beaucoup cette sortie. Elle était curieuse des gens car, à part sa mère, au quotidien, elle ne voyait pas d’êtres humains. Elle était aussi curieuse des objets dans les vitrines. Hélas, elles ne pouvaient jamais traîner dans les boutiques, car elles étaient là pour faire du troc, c’est-à-dire pour échanger les produits de leur propriété contre de la farine, du savon, des aiguilles, du fil, des tissus et du dentifrice. Puis, il ne fallait pas rater le car de retour qui passait sans horaire fixe dans le cours de l’après-midi. Alors, Rose et Aimy faisaient leurs emplettes rapidement. Mais arrêtons-nous quelques instants pour expliquer cette situation. Pourquoi ce bois était-il privé ? Pourquoi Rose et Aimy vivaient-elles dans ce petit nid caché ? Et pourquoi vivaient-elles en autonomie ? Pour comprendre, il faut retourner dans le passé, huit générations plus tôt.
2 Flashback Dans ces temps lointains où l’électricité n’existait pas, où on s’éclairait la nuit à la bougie et où il n’y avait pas de Doliprane pour faire tomber la fièvre ni de vaccins contre les graves maladies, le monde était rempli de croyances étranges et de curieuses superstitions. Les gens croyaient au diable et aux démons ; ils craignaient les mauvais sorts et les malédictions. Il valait mieux ne pas avoir de pouvoir particulier comme guérir les blessures ou les maladies mortelles. Sinon, on pouvait être accusé de sorcellerie et on risquait de terminer brûlé vif sur un bûcher,
ce qui n’est pas très conseillé parce que c’est une mort affreuse. C’est justement ce qui faillit arriver à l’arrièrearrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère d’Aimy qui s’appelait Lysargonde. Petite, elle manqua d’être emportée par la fièvre typhoïde. Pour tenter de la sauver, sa grand-mère l’emmena au cœur profond d’une forêt, car elle croyait aux esprits bienveillants des bois et aux grands pouvoirs des plantes. Là, sous le regard de vieux arbres, elle creusa un lit dans la terre qu’elle remplit d’humus et de feuilles, et y coucha sa petite-fille. Puis, elle lui fit des cataplasmes d’orties, des décoctions brûlantes de thym et de la soupe de pissenlits, et, grâce à ce régime très sévère et très amer, la petite fille fut sauvée ! Lysargonde grandit, mais sa maladie l’avait changée. Ou plutôt sa guérison. Ayant été sauvée grâce aux herbes et aux pouvoirs de la terre, elle voulait désormais tout connaître des plantes qui soignaient et des pouvoirs de la forêt. Sa grandmère lui transmit donc son savoir, et Lysargonde augmenta ses connaissances en lisant tout ce qu’elle pouvait et en faisant elle-même des recherches. Or, comme elle avait grandi et qu’en matière de plantes, elle en savait autant qu’une encyclopédie, il advint un jour que la fille d’un roi tomba malade. Les plus grands médecins du monde tentèrent de la guérir, mais aucun d’entre eux n’arriva à éloigner le grand mal qui la rongeait. Depuis le bois où elle travaillait, Lysargonde en entendit parler. Était-ce le vent qui lui avait porté la nouvelle ou les arbres qui la lui avaient chuchotée ? Nul ne le sait, mais dès qu’elle sut qu’une petite princesse se mourait, elle se sentit appelée. Elle partit sans tarder, traversant bois et marais, jusqu’au palais dans lequel Eona, la jeune malade, était couchée. Les yeux d’Eona étaient fermés. Bien qu’il ne fit ni chaud ni froid, la sueur perlait sur son front et ses mains étaient glacées. À son chevet, ses parents se morfondaient.
« Je peux tenter de la sauver, dit Lysargonde qu’on avait conduit jusqu’à eux, mais il faut me la confier. » Le roi hésita un instant, mais pas la reine. « Que vous faut-il ? demanda-t-elle. — Une charrette tirée par un âne, répondit la jeune femme. — On peut vous affréter un carrosse, suggéra la reine, peint en or et en argent, et conduit par des chevaux blancs. — Non merci, répéta la jeune femme, une simple charrette suffira, et ce serait bien qu’elle soit tapissée d’orties. » Et c’est ainsi que le roi et la reine virent s’éloigner leur princesse, couchée sur un lit d’orties, dans une charrette tirée par un âne. Puis les jours et les semaines passèrent et l’été s’en alla doucement, et, tandis que l’espoir était parti avec lui, un matin de novembre, une charrette tirée par un âne apparut sur le chemin menant jusqu’au pont-levis. La reine la vit tout de suite depuis la fenêtre de la tour où elle faisait le guet depuis le départ de sa fille. Les bras tendus, elle dévala les escaliers. Eona était revenue et elle était guérie ! La nouvelle s’envola dans le monde entier à la vitesse de l’éclair et s’ébruita, éveillant chez certains médecins un sentiment de jalousie, puis de méchanceté. Par quels procédés maléfiques, la fillette avait-elle été guérie ? Quelles forces surnaturelles avaient-elles été invoquées ? Lysargonde ne seraitelle pas démoniaque ou possédée ? « Et en plus, affirmèrent certains, elle utilise des orties ! » Et toutes sortes de choses aussi bizarres qu’étranges furent dites. Puis, une chose après l’autre, un mot terrible émergea : on la soupçonna de SORCELLERIE… « Taratata, sorcière ou pas, déclara la reine, elle a sauvé notre fille ! »
Mais le mal était déjà fait : le mot avait été dit. Le peuple réclama sa mort ! Toutes les sorcières sans exception devaient finir sur le bûcher, et la femme de la charrette ne devait pas être épargnée ! Le roi s’interposa : pour la sauver, il la condamna à ne jamais quitter sa forêt. Lysargonde s’y retira. Elle avait perdu toutes ses couleurs dans ce combat. Elle était devenue très pâle. Alors, pour la protéger de la bêtise et des méchancetés du monde, des ronces poussèrent autour de son bois, et elle s’y retrouva isolée comme dans une île. Et passèrent les jours et les années, et Lysargonde eut une fille pâle. Était-ce le vent qui lui avait fait ce bébé, ou les arbres ? Ou une plante étrange poussant seulement dans son bois ? À moins qu’un grand oiseau ne le lui ait apporté… Ou un cerf… Ou un sanglier… En fait, nul ne le sait, mais elle éleva sa petite fille à son image lui enseignant les secrets des plantes, la beauté de la forêt, et la méfiance et l’isolement, car les hommes sont parfois redoutables. Et cette petite fille grandit, et à son tour elle eut une fille, qui eut une fille, qui eut une fille, qui eut une fille, qui eut une fille, qui eut Rose, qui eut Aimy. Et nous voici revenus dans notre histoire. Il était une fois une mère, Rose, et une petite fille, Aimy. Elles étaient pâles comme la pluie car deux siècles plus tôt leur ancêtre Lysargonde avait failli mourir emportée par la fièvre typhoïde. Elles vivaient en autarcie dans une maison entourée de bois qui ressemblait à un nid. Elles avaient dedans tout ce qu’il faut pour bien vivre et, dans un jardin enclos, à côté d’un verger et d’un potager, paissaient des animaux domestiques.
Ainsi disposaient-elles de plein de choses pour se nourrir, et, pour les autres produits dont elles avaient besoin, le premier lundi de chaque mois, elles se rendaient à la ville. Mais elles n’y traînaient jamais longtemps à cause des consignes de prudence qui régnaient dans leur famille, et parce qu’il ne fallait pas rater le car du retour qui passait sans horaire fixe. 3 La tasse cassée un mercredi Une fois néanmoins, elles avaient traîné davantage, mais ce n’était pas un lundi. La veille, un mercredi, Aimy avait posé sa tasse trop près du bord de la table de la salle à manger, et celle-ci avait chu sur le sol en faisant un grand bruit. Cassée en plusieurs morceaux tout petits, il était impossible de la recoller avec le tube de colle rangé dans le tiroir de la commode à côté du crayon HB et du stylo bille. Alors, Aimy creusa un trou dans le jardin pour enterrer le verre brisé et, comme elle n’avait plus de tasse, sa mère décida de faire un voyage exceptionnel à la ville. Et ainsi, le lendemain, un jeudi, elles