Extrait du livre Bonjour, plantes sauvages du quartier...
Bonjour, plantes sauvages du quartier… d'Olympe Perrier et Manue Kergall aux éditions La Pimpante
Bonjour, plantes sauvages du quartier...
Moi c’est Violette. Violette Costa. Avec un prénom pareil, je ne pouvais qu’aimer les fleurs ! Mais dans mon quartier, il n’y a pas de jardins. Nous vivons tous dans des immeubles gris. Alors les fleurs, ce n’est pas ce que l’on voit le plus par ici ! Il y a quand même quelques jardinières suspendues aux balcons. Les gens y font pousser les graines et les fleurs qu’ils achètent en jardinerie. J’ai de la chance car dans mon immeuble, il y a une petite cour et madame Lucille, notre concierge, y a installé de grands pots où elle fait pousser des rosiers, des tulipes et des jonquilles.
Elle adore ses plantes, madame Lucille ! Et au printemps, elles le lui rendent bien. Mais dès qu’elle voit un petit brin d’herbe qui essaye de pousser entre les fissures du béton de la cour ou dans le goudron devant notre immeuble, madame Lucille l’arrache. – Ces mauvaises herbes, c’est vraiment une plaie ! Ça revient sans cesse et il faut toujours les empêcher de s’installer. Je n’aurais pas si souvent mal aux articulations si je ne devais pas passer mon temps à me pencher pour les arracher ! Madame Lucille aime aussi les papillons, à tel point qu’ils sont imprimés sur la plupart de ses vêtements, mais on n’en voit jamais voler par ici.
Un jour, je l’interroge : – Pourquoi elles sont si mauvaises, ces plantes ? Sont-elles dangereuses ? Vont-elles nous blesser ? La concierge aux mains vertes semble embarrassée par mes questions. – Euh… non… mais c’est ainsi, il faut s’en débarrasser. Sinon, elles vont casser les pavés et grignoter le mur. Ce sont des plantes dévoreuses de villes. Tout ce que l’Homme a construit, elles l’abîment. De vraies sauvages ! Comme madame Lucille s’y connait en plantes, tout le monde l’écoute et lui demande conseil pour faire pousser les graines et planter les bulbes que le voisinage s’échange lors du troc-plantes qu’elle organise une fois par an. Et pour se débarrasser des sauvages, on la consulte aussi.
Dans mon quartier, il y a aussi une petite librairie. J’y vais souvent car ma mère y travaille. C’est la libraire. J’aime bien y aller après l’école. Le mercredi après-midi, quand j’ai terminé mes devoirs et que je n’ai pas cours de guitare, j’aide Maman à installer les nouveaux livres. Elle en reçoit tous les jours. Il faut sans arrêt faire de la place pour les nouveaux. Au printemps, il y a toujours de beaux ouvrages au rayon jardinage. Bien que personne n’ait de jardin ici, il y a toujours des clients qui ont envie de lire et regarder de belles photos de vergers, de potagers… J’aime bien moi aussi, même si parfois je ne comprends pas toujours les titres : La permaculture pour les débutants Le portail de la biodiversité Oh là là, ils sont compliqués les titres de ce rayon ! Sur le haut de la pile de livres réceptionnés ce matin, il y en a un avec une belle fleur en couverture. Les pétales, couleur de neige, ressemblent à du duvet d’oiseau. Quelques autres pétales, plus fins et jaunes, en dépassent. Et là, surprise pour le titre : Sauvages de ma rue. Tiens donc ! Un recueil sur ces satanées plantes qui font râler madame Lucille ! Un bouquin scientifique en plus ! Il y figure probablement des tas de solutions pour enfin se débarrasser de ces vilaines herbes ! Mais, étrangement, il n’y a que des jolies photos de fleurs et de plantes que je ne vois jamais dans les pots de la concierge. L’avantage d’avoir une maman libraire, c’est qu’elle ne dit jamais non lorsqu’on lui réclame un livre. – D’accord, mais il n’est pas vraiment de ton âge. Si tu as des difficultés à comprendre, je t’expliquerai, me répond Maman en rangeant une pile de romans sur une étagère.