Extrait du livre Le jour de la robe
Le jour de la robe de Marie Lenne-Fouquet et Eloïse Mingot aux éditions La Pimpante
Le jour de la robe
J’ai sept ans, douze jours, et en plus je m’appelle Hortense. Aujourd’hui, il m’est arrivé un truc incroyable. Avec cette robe, forcément. Celle qui était pour mon anniversaire et pour laquelle j’avais un peu pleuré parce que je ne sais pas où maman a vu qu’une robe était un cadeau, tu ne peux rien faire avec et surtout pas jouer. Celle qui m’a permis d’avoir une boîte de Lego en plus, finalement.
Cette robe-là, que maman a commandée sur Internet, qu’elle a attendue plusieurs jours, qui est arrivée de la mauvaise couleur et qui m’arrivait en haut des cuisses. Celle qu'il a fallu renvoyer, attendre encore, laver pour que je puisse enfin la mettre aujourd'hui, celle que papa a repassée pour l’occasion. Cette robe-là, donc. Sa première sortie. Déchirée, trouée, tachée et un bouton envolé. Tout ça la même journée.
Il y a des jours où les drames se lèvent de bonne heure. C’est parti de peu de chose. Une bête histoire de fil qui dépasse, de ciseaux dans les mains, d’ennui en leçon de maths et de coup de coude d’Alexandre. – Hey ! Regarde ce que j’ai fait, à cause de toi ! – Quoi ? C’est moi qui t’ai mis les ciseaux dans les mains, peut-être ? La maîtresse s’en est mêlée et je me suis retrouvée avec une punition : Je ne dois pas découper ma robe pendant le cours de mathématiques à copier dix fois. Je suis un peu embêtée parce que maman n’apprécie pas beaucoup quand j’ai des lignes à copier ou des mots de la maîtresse dans mon cahier. Elle devient rouge et moite comme si elle avait été punie aussi.
Comme un drame qui se lève tôt déteste s’ennuyer, il a appelé du renfort et on s’est retrouvés avec le pire plat de l’univers à la cantine : l’endive aux petits pois... Ce truc, l’endive, qui ne ressemble à rien, sans odeur, sans couleur, sans texture dignes de ce nom, pourrait, au moins, ne pas avoir de goût. Mais non. Le machin se paie le luxe d’avoir un goût immonde. Et quand on appuie dessus avec la fourchette, un liquide s’échappe et s’en va dessiner des yeux dans la sauce blanche. J’ai bien tenté d’y échapper. J’ai un peu râlé. Comme à chaque fois, Monique y allait de ses C'est pour grandir ! Il y a plein de vitamines ! Goûte au moins ! Mais pour moi, la coupe était pleine. – M’en fiche de grandir moi, j’ai lancé.