Extrait du livre Carabistouille
Carabistouille de Fanny Joly et Nicolas Trève chez Fanny Joly Numerik
Chapitre 1 Soleil et pluie Je m’appelle Hervé, j’ai 9 ans, et depuis que je comprends le français, j’entends maman répéter qu’elle rêve de passer Noël au soleil. Cette année, papa s’est enfin décidé à lui faire plaisir : il a réservé une semaine à Molougolo, « l’île où il fait toujours beau ». Quand papa a annoncé la nouvelle, maman a sauté de joie. – On peut inviter Marguerite ? a lancé ma sœur Lucie Lucie a trois ans de plus que moi, le nez en trompette et toujours son grain de sel à mettre partout (Marguerite, sa meilleure amie, est dans le même genre, en pire).
– Dans ce cas-là, j’ai protesté, on invite plutôt mon copain Basile ! Ou Ahmed ! Ou Marcel Gobu... – Le gardien de l’immeuble ! Et puis quoi encore ? s’est écriée maman. – On n’invite personne et basta ! a tranché papa. En revanche Hervé, descends demander à Marcel Gobu de nourrir tes poissons rouges... J’ai obéi illico. J’adore aller chez Marcel. Sa loge est pleine de trésors et il a toujours l’air content de me voir. Je crois qu’il m’aime bien. Moi je l’aime plus que bien. Évidemment, je ne lui ai pas raconté la réaction de mes parents quand j’ai proposé qu’on l’invite à Molougolo. Il était d’accord pour nourrir mes poissons. Marcel est toujours prêt à rendre service... Quelle panique avant le départ ! Mes parents voulaient absolument tout prévoir : les palmes, les tongs, les masques, les tubas, les shorts, les chapeaux, les crèmes avant-soleil, pendant soleil, après-soleil et même les cadeaux de Noël (hé oui, puisque le but, c’était de passer Noël là-bas !) La seule chose que mes parents n’ont pas prévue, c’est qu’il ferait un temps de chien sur l’île de Molougolo ! Tempête tous les soirs et pluie tous les matins... La semaine de rêve s’est transformée en cauchemar. À part les grenouilles du jardin de l’hôtel qui coassaient de joie, papa est resté à râler sous sa couette et maman à soupirer sur son bouquin. La seule fois où on a essayé d’aller visiter un temple, le taxi s’est embourbé et on a dû rentrer à pied (bonjour les tongs dans la gadoue)...
Moi, le mauvais temps ne me dérangeait pas trop, vu que dès le lendemain de notre arrivée, le 25 décembre au matin, j’ai eu le cadeau dont je rêvais depuis des mois : la Jeuga XMP 345 avec le jeu DIABOLIX. Trop puissant... Le hic, c’est que dès que j’ai appuyé sur « on », Lucie est arrivée dans mon dos. – Tu me prêtes ta Jeuga, Hervé ? – Tu rêves ? Je viens à peine de commencer à jouer, j’ai 5876 Zorgs à buter ! (Les Zorgs sont des êtres hyper-maléfiques venus du fond des galaxies ennemies. Ils bondissent dans tous les sens et même quand on réussit à les cramer, ils peuvent renaître de leurs cendres selon le niveau où on est du jeu.) – Alleeeez...
– Joue avec ta radio ! – On capte rien, ici ! – T’as pas un livre à lire ? – J’en ai même deux ! Je te les prête si tu veux ! Et tu me passes la Jeuga à la place, OK ? Elle m’a bassiné comme ça toute la semaine. Je n’ai même pas pu aller au bout du premier monde de DIABOLIX. Finalement, le meilleur moment des vacances a été le voyage de retour. Dans l’avion, j’ai regardé un super-film : « Le retour du monstre gluant » et là, miracle, juste après le générique du début, Lucie a fini par se taire : elle s’était endormie...
Chapitre 2 Valise surprise Dès qu’on est rentrés à la maison, ma soeur s’est jetée sur le téléphone pour appeler sa copine Marguerite : bla...bla...bla... Je me suis senti léger comme une plume, gai comme un pinson : enfin, j’allais avoir la PAIX... Dans ma chambre, tout était en ordre. Mes rollers attendaient sagement que je les emmène faire un tour et mon sac à dos de repartir avec moi... en classe (hélas). Sans plus attendre, je suis descendu chez Marcel. – Vous au moins vous avez nagé cette semaine ! j’ai lancé à Albert et Einstein, mes poissons
rouges, qui tournaient joyeusement en rond dans leur aquarium sur la table. Marcel avait bien géré : mes poissons avaient l’air en pleine forme. Dès que je suis remonté, maman m’a ordonné : – Hervé, tu défais ta valise tout seul ! Tu ranges tes affaires propres dans ton placard et tu mets ton linge sale dans le panier ! C’est en ouvrant ma valise que j’ai eu LE CHOC. Entre mes palmes et mon maillot, là où j’avais rangé ma Jeuga : elle n’était plus là ! Mais ce n’est pas le pire : à la place de ma Jeuga, il y avait un vieux bocal genre confitures, rempli d’un liquide bleuâtre où flottait... j’ai la nausée rien que d’y repenser : une grenouille pustuleuse, morte, qui me fixait de ses yeux globuleux. – Aaahhhh ! Je n’ai pas pu retenir un cri d’horreur. Papa a poussé la porte de ma chambre : – Qu’est-ce qui se passe ? J’ai vite refermé la valise. Mon père n’aime pas particulièrement la Jeuga, mais de là à lui avouer que mon cadeau de Noël, le plus cher que j’aie eu de ma vie, s’était volatilisé ! – Rien rien, je me suis juste un peu… euh… pincé ! j’ai bredouillé. – Tu cries comme ça pour un pinçon ? Tu dois être fatigué, Hervé. Tu devrais te reposer... – Oui oui, tu as raison papa, je vais faire la sieste... Je me suis jeté sur mon lit comme si je tombais de sommeil.