Extrait du livre La chanson qui venait de l'autre côté de la mer
La chanson qui venait de l'autre côté de la mer d'Emma Virke et Fumi Koike aux éditions de L'Étagère du bas
La chanson qui venait de l'autre côté de la mer
C’est un de ces soirs magiques où le ciel se teinte de rose. Un soir où personne ne veut se coucher. Grand-mère Renard gravit lentement la montagne. Derrière elle, un renardeau trotte sur ses pattes agiles. Bientôt, il la rattrape. – Grand-mère, attends-moi ! Je veux venir avec toi. Du sommet de la montagne, on aperçoit la mer au loin. Grand-mère se met à fredonner une chanson. Puis des mots... Des mots que son petit-fils Lazlo ne comprend pas. Mais il entend bien que c’est une chanson triste. Quand Grand-mère se tait, il demande doucement : – De quoi parle cette chanson ? – Oh, c’est une longue histoire... Et il est tard. Ne devrais-tu pas dormir à l’heure qu’il est ? – Mais je n’ai pas sommeil. Raconte ! Il pose la tête sur les genoux de sa grand-mère. Alors elle commence à raconter d’une voix calme, exactement comme si elle lisait une histoire.
De l’autre côté de la mer, loin dans la forêt, il est une clairière où joue le vent. De hautes herbes y dansent et le feuillage susurre. Autrefois, vivait là une famille qui aimait la musique. Dans cette famille, j’ai grandi. Mon père m’avait taillé une flûte. Une flûte dont moi seule pouvais jouer. Nous avions d’autres instruments et tous sonnaient bien, mais ensemble ils faisaient naître quelque chose de plus profond. Une musique qui pouvait et chuchoter et gronder. Tendre et forte à la fois. Et raconter toutes sortes d’émotions.
Tous les vendredis, nous donnions un concert pour nos amis. C’était le meilleur jour de la semaine. Mais un jour vint le vendredi qui changea tout. Le public s’était installé. J’étais sur le point de jouer la première note quand on entendit pleurer et crier : – Les chasseurs arrivent ! LES CHASSEURS ARRIVENT ! Les coups de feu fendaient les airs. Les chiens de chasse aboyaient. Tous fuirent dans la panique.
Je n’avais jamais couru aussi vite. Je courus jusqu’à ne plus entendre les aboiements des chiens. Puis je courus encore plus loin. Jusqu’au silence. Je ne reconnaissais plus rien. J’étais perdue et toute seule. J’errais des jours et des nuits. Seule la flûte me tenait compagnie. Mais je n’osais en jouer. Et si les chasseurs m’entendaient ? Épuisée, je m’allongeai sur la mousse pour me reposer.