Extrait du livre Le héros
Le Héros Pierre Cornuel Editions Hongfeï
Une fleur tombe d'une branche... elle se ressaisit, c'est un papillon. Une fleur tombe d'une branche...
Yisha, la cousine de Zhou Chu, ne se laissa pas impressionner : « Tu avais besoin d'écraser ce papillon ! La nature est à ma disposition », répondit-il en riant. La force, l'égoïsme et l'orgueil du jeune homme semblaient n'avoir aucune limite. Seule Yisha savait calmer ses excès de brutalité : un « Cesse Zhou Chu ! » suffisait. La fermeté et la douceur de sa voix l'arrêtaient aussitôt. Il trouvait même du plaisir à lui obéir.
Pour les villageois, c'était une autre histoire. Depuis l'enfance Zhou Chu défiait tous ses camarades, cherchait sans cesse querelle et ridiculisait les plus faibles qui ne couraient pas assez vite pour lui échapper. Son comportement, ses démonstrations de force et ses prouesses en tous genres lui procuraient un sentiment de supériorité que tous trouvaient insupportable. Mais personne n'osait rien lui dire. Ce tourment permanent n'était pourtant qu'une part de la souffrance des villageois, auxquels la nature avait infligé deux autres nuisances.
Dans les montagnes alentour un tigre mangeur d'hommes semblait insatiable : dévorer enfants et voyageurs était son occupation favorite. Quant à la rivière sans fond qui traversait le village et menait au lac, elle cachait un monstrueux poisson dont les formes étranges et les mouvements incontrôlables étaient continuellement à l'origine de frayeurs et de dégâts. Impuissants devant ces calamités, les habitants surnommèrent le tigre, le monstrueux poisson et Zhou Chu « les trois fléaux ». Et pour eux, Zhou Chu occupait incontestablement la première place du trio.
Alors un jour, un villageois aborda le jeune Chu. « Que ta force est grande, Zhou Chu. Vois comme cet oiseau t'implore de le laisser en vie... Si ta puissance te permettait de dominer le tigre et le monstre-poisson, tu deviendrais sans aucun doute un héros pour toute la région. » Et au moins, se disait l'homme, des trois fléaux il n'en resterait qu'un ! Aussi arrogant qu'il puisse paraître, Chu n'était pas insensible à l'idée d'être reconnu et aimé par les habitants du village. Il se lança sans attendre à la recherche du tigre des montagnes.