Extrait du livre Léo et les presqu'îles
Léo et les presqu'îles de Gilles Vigneault et Stéphane Jorisch aux éditions La Montagne Secrète
Léo et les presqu'îles
Cette histoire à conter dans la main a d’abord été racontée à un enfant en suivant du doigt les lignes de sa main devenues le chemin parcouru par Léo.
Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Léo et qui vivait dans une vieille maison située derrière deux collines entre lesquelles un chemin menait vers la mer. Sa maison avait nom le Quai-qui-part. Léo vivait seul avec sa mère parce que son père, qui avait toujours été pêcheur, s’était perdu en mer alors que le garçonnet avait trois ans. Il y avait de cela plusieurs années et Léo devenait doucement un petit homme aussi vaillant que débrouillard.
Un jour de printemps, il demanda à sa maman : – La mer, est-ce que c’est loin d’ici ? Sa maman, qui ne voulait pas lui mentir, mais qui ne voulait pas non plus que son petit garçon s’éloigne trop de la maison, lui répondit : – C’est à peu près à trois heures au pas d’un homme... C’est loin. Léo répondit d’un air décidé : – Ça ferait à peu près cinq heures à mon pas. Demain, je vais aller voir ça ! Sa maman savait bien que cela viendrait un jour. Elle se dit que l’empêcher serait pire que tout. Il valait mieux lui montrer tout de suite le chemin des choses de la mer et les routes de la vie plutôt que de faire couver des jours et des jours l’envie de partir qui ne ferait que grandir avec le temps. Elle dit : – C’est bien, Léo ! Le temps est venu. Demain matin, très tôt, je t’emmènerai entre les deux collines et, de là, je te montrerai où rejoindre le chemin de la mer et le monde des cinq presqu’îles.
Ce soir-là, le petit garçon prit un peu plus de temps à s’endormir et rêva qu’il était loin sur la mer, à la pêche, et qu’il prenait un poisson si gros qu’il en avait peur et devait lui abandonner sa ligne. Et mille autres aventures qui l’attendaient.
Premier debout le lendemain, il allait rappeler à sa maman la promesse de la veille, mais ce fut elle qui dit : – Il faut bien manger au petit déjeuner, Léo, parce que la route est longue pour aller à la mer, à midi tu n’y seras pas encore... Il mangea bien, prit un baluchon dans lequel sa mère avait rangé de quoi casser la croûte, une gourde pleine d’eau fraîche, puis ils se mirent en route... vers huit heures. À la grande surprise de sa mère, qui avoua ne pas trop s’y connaître en distance, ils furent entre les deux collines au bout d’une heure seulement.
Alors la maman dit : – Tu vas descendre vers ce grand lac que tu vois en bas et que ton père a toujours appelé : l’Étang-à-Sel. Arrivé au bord, tu prends à gauche un petit chemin que tu trouveras en traversant un ruisseau qui coule comme ça. Puis tu montes comme si tu revenais ici mais tout droit sur la colline de gauche... Après, tu suis le chemin qui te mènera chez le capitaine. C’est un bon vieux qui a aidé ton père autrefois et il va t’aider à ton tour. Si jamais tu ne sais que répondre aux questions qu’on te pose, tu peux toujours dire : « Ma mère disait : À donner ce que l’on a, on ne perd rien de ce qu’on n’a pas encore... » Puis elle embrassa son enfant : – Reviens vite me dire comment les choses se font !
Et il partit. Elle le regarda un moment et, quand il eut dépassé un certain caillou, fit un grand signe de la main et s’en revint au Quai-qui-part, en priant pour que le ciel protège son enfant. Elle était pleine d’inquiétude mais très fière aussi d’avoir un garçon si vaillant et si audacieux.
Léo descendit donc jusqu’au lac et tourna à sa gauche, puis, sautant le ruisselet et remarquant qu’il était plein de tout petits poissons couleur d’argent, il se dit : – Voilà sûrement une eau où je ne pêcherai pas. Ce ne serait pas très nourrissant... Il but un peu d’eau à sa gourde et se remit en marche pour monter la colline qui lui faisait face.