Extrait du livre Gaya et le petit désert
Gaya et le petit désert de Gilles Vigneault et Stéphane Jorisch chansons de Gilles Vigneault et Jessica Vigneault
Gaya et le petit désert
Cette histoire à conter dans la main a d’abord été racontée à un enfant en suivant du doigt les lignes de sa main devenues les coulées parcourues par Gaya. Je la dédie à mon ami l’astrophysicien Hubert Reeves, un grand ami de la planète TERRE. Gilles Vigneault
Une fois, c’était une petite fille de neuf ans qui restait toute seule avec son grand-père sur une colline dans une maison qu’ils appelaient « l’Orée ».
Elle s’appelait Gaya et son grand-père se nommait Androu. Un matin d’automne, Gaya descendit la colline qui menait au Petit Désert. Ils appelaient ça « le Petit Désert » parce que le bonhomme Androu y avait tout coupé ce qui restait d’arbres ou d’arbustes, d’abord pour chauffer son poêle en hiver, puis pour avoir une vue plus étendue sur les alentours. Au milieu du Petit Désert, il y avait un puits où, depuis qu’elle était toute petite, son grand-père l’envoyait chercher de l’eau. Ce matin-là, elle alla donc au puits avec son seau... mais s’en revint sans eau. « Grand-père, le puits n’a plus d’eau ! », dit-elle en montrant le seau vide. Mais le bonhomme Androu se mit à rire : « Je vais y aller, moi, et je vais t’en trouver de l’eau. Reste ici ! » Il descendit à son tour et fut surpris de ne réussir à puiser qu’à peine assez d’eau pour faire le thé. « C’est curieux ça, il a pourtant plu comme d’habitude en août... Ah ! C’est probablement à cause de la lune... et puis... il va repleuvoir. »
Il retourna deux fois au puits ce jour-là, puis décida qu’il n’y avait qu’à attendre et que le temps arrange tout. Quand il fut parti voir à ses pièges, la petite Gaya se retrouva toute seule dans la maison et se mit à réfléchir au problème : « La solution est peut-être dans le gros livre. » Il faut dire que le bonhomme Androu avait conservé, d’une autre époque de son existence, un vieil almanach très épais dans lequel Gaya trouvait toutes sortes de choses à apprendre et qu’elle ne se lassait jamais de consulter. Elle ouvrit au hasard et lut en haut de la page 343 la sentence suivante : « Les humains ont tendance à se croire seuls capables de donner des conseils sur les choses de la vie. Ils devraient consulter plus souvent les animaux, les arbres même... la vie qui les entoure. » Gaya réfléchit longuement et finit par décider d’aller au bout de la première coulée consulter Gros Chêne, un arbre énorme, plusieurs fois centenaire. Le bonhomme Androu l’avait épargné parce qu’il aurait eu du mal à l’abattre et à le transporter, mais aussi parce qu’il était devenu un précieux point de repère. « Après tout, songea Gaya, c’est un être vivant, et puis, pour la sagesse... il doit en avoir autant qu’un vieil humain. »
Elle partit donc en direction de la première coulée. Arrivée là, elle eut presque peur du vieil arbre et se dit que, même avec les bras de son grand-père ajoutés aux siens, elle ne pourrait pas en faire le tour. Elle marcha autour comme pour l’apprivoiser, puis, suivant à la lettre les instructions du vieil almanach, décida de le consulter : « Gros Chêne... peux-tu me dire pourquoi il n’y a plus d’eau dans le puits ? » Elle attendit en se disant : « Je suis une sotte; les arbres ne parlent pas » ! Mais elle eut la surprise d’entendre : « Ils ne sont pas aussi bavards que les écureuils, mais ils parlent quand c’est nécessaire. Je ne sais pas pourquoi l’eau manque au puits, mais peut-être que si vous alliez faire un tour dans la deuxième coulée, l’écureuil, qui vole des glands, des samares et des noix à tout le monde, pourra peut-être vous répondre. »