Extrait du livre Mia et la mer
Mia et la mer de Jaime Gamboa et Roger Ycaza aux éditions les 400 coups
Mia et la mer
Chaque soir en allant au lit, Mia faisait la même demande : — Papa, raconte-moi la mer. Son père, qui à cette heure était toujours en train de repriser des chaussettes ou de repasser son uniforme pour le lendemain, la regardait par-dessus ses vieilles lunettes et, délaissant son travail, venait s’asseoir au bord du petit lit pour lui raconter une de ses histoires.
Au fil de la longue vie de Mia, qui déjà dépassait l’âge incroyable de huit ans, son papa lui avait répété et répété des histoires qui parlaient de la mer et de tous « les noms, coutumes, manies, faiblesses et vertus des milliards de bêtes et d’hommes qui peuplaient les océans, autant sur l’eau… que sous l’eau ». Ainsi parlait son papa, et Mia s’imaginait que tous les papas du monde contaient à leurs enfants des histoires débordant de mots rares et de gestes exagérés.
C’est que, quand il était question de la mer, son papa devenait très émotif. Il terminait ses récits en faisant des sauts, lançant les bras en l’air, nageant à la manière d’une sirène au milieu de la petite chambre ou se démenant comme un marin menacé de mort par les vagues déchaînées de la mer de la Sérénité. Et Mia riait à la seule vue de son papa qui se levait pour la transporter, à coups de paroles enflammées et de bruits de palmiers battus par le vent, là où elle savait qu’un jour il l’emmènerait, au-delà de la montagne, là où naît l’infini gigantesque qui enserre la Terre dans sa cape bleue : au bord de la mer.