>   Sorcières en colère
Sorcières en colère

Sorcières en colère

9-12 ans - 39 pages, 6841 mots | 51 minutes de lecture | © Fanny Joly Numérik, 2006, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Sorcières en colère

9-12 ans - 51 minutes

Sorcières en colère

Aaaarrrrggggghhhhhh ! Ce matin-là, les couloirs de l'Abracadémie résonnent d'un cri terrible. Rossa, la plus abominable sorcière de Maléficity, a découvert avec effroi deux énormes verrues au bout de son nez crochu. Si Chouine, la nouvelle élève, ne lui prépare pas aussitôt une potion antiverrues, elle sera changée en potiron !

Hélas, notre apprentie sorcière n’est plus très sûre de la formule… Si elle rate son coup, on peut s’attendre à tout !

"Sorcières en colère" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
Du même éditeur :
Autres livres écrits par Fanny Joly : Voir plus
Autres livres illustrés par Anne Simon : Voir plus

Extrait du livre Sorcières en colère

Sorcières en colère de Fanny Joly et Anne Simon aux éditions Fanny Joly Numérik


Sorcières en colère
Chapitre 1 : Des verrues plein la vue - Aaaarrrrrggggghhhhhh ! Cette histoire commence par un cri : le cri de Rossa, la plus atroce, la plus affreuse, la plus abominable sorcière de la ville de Maléficity, en ce matin du 28 octobre. C’est que Rossa vient de sortir de la citerne qui lui sert de lit, dans l’usine à gaz abandonnée qui lui sert de logis et qu’elle vient de se voir dans le couvercle de poubelle qui lui sert de miroir... Ou, plutôt, elle ne s’est pas vue. En effet, pendant la nuit, deux énormes ver­rues ont poussé de part et d’autre de son nez crochu, et ces verrues lui bouchent les yeux.
Mais qu’est-fe que f’est que fa ? rugit Rossa. (Notre sorcière n’a que deux dents, une en haut et une en bas de la mâchoire, d’où quelques problèmes de prononcia­tion...) F’est quoi, fes puftules purulentes fur mon zoli nez poilu ? Rossa a envie de cogner sur la première personne qui se présentera. Justement, voici Bavounet, son crapaud préféré. - T’as vu la tête que z’ai, Bavounet ? Ze fuis défigurée ! hurle la sorcière. - Ben quoiaaaa, patronne ? coasse le cra­ paud. À gauche de votre nez, on dirait un champignon. À droite, ça fait plutôt penser à une méduse. C’est original. Ça ne vous va pas mal, je trouve... Avec une maîtresse comme Rossa, Bavounet est habitué à en voir de toutes les couleurs mais, ce matin-là, le coup de pied qui le propulse à l’autre bout de la pièce lui laisse quand même un sacré bleu aux fesses... - Tu te paies ma tête ? Tu veux que ze te transforme en purée de vers de terre ? trépigne Rossa. Bavounet ne dit plus rien. Il se ratatine dans un coin en frottant son postérieur endolori. Quand la patronne est de mau­vaise humeur, mieux vaut se faire tout petit. Et, ce matin, elle a l’air de très mauvaise humeur... Rossa enfile sa robe en serpillière, lace les lacets en boyaux de rat de ses bottines en peau de zébu, et se dirige vers la chaufferie où dorment ses deux assistantes. Elle shoote dans la porte. Shblouiiiiing ! - Hé ! Ho ! Doucement ! Le hibou n’a même
pas crié ! proteste une voix au fond de la pièce. (À l’Abracadémie, le repaire de sorcières fondé par Rossa, on se réveille au cri du hibou...). C’est Glandule, la première assistante de Rossa, une grosse sorcière fourbe et feignante (mais la patronne n’en a pas de meilleure sous la main...) - F’est pas le hibou qui commande, ici, f’est moi ! claironne Rossa. - Oh là là, la tête que vous avez, maî­tresse ! s’exclame une autre voix suraiguë, provenant du haut d’un tas de charbon. C’est Chouine, une jeune apprentie sorcière, la seule nouvelle à s’être inscrite à l’Abracadémie cette année... - Si tu répètes fa une feule fois, ze te vire ! menace Rossa. Laquelle de vous m’a zeté un fort ? Ze suis sûre que f’est l’une de vous! Dénonfez-vous - Alors là, ce n’est pas moi ! Juré craché sur mon crâne d’ornithorynque ! affirme Glandule. - Ni moi, ni moi ! Pourquoi j’aurais fait ça ? se dépêche de pleurnicher Chouine. Je suis nulle en verrues ! Chaque fois que j’es­saie d’en faire pousser, ça rate... Tandis que toi, Glandule, tu les réussis toujours, je te signale ! - Menteuse ! Tu es jalouse parce que, hier soir, Rossa a jugé ma soupe de crottes de nez meilleure que la tienne ! À ces mots, Glandule bondit de sa couette. - Et toi ? Tu veux que je répète ce que tu m’as dit cette nuit : que, lorsque Rossa serait morte, tu lui piquerais son chaudron ?
- Je m’en fiche de ce que tu racontes... Mon balai va plus vite que le tien, d’abord ! - Même pas vrai ! C’est simplement parce que je suis un peu plus lourde que toi... martèle Glandule en secouant Chouine comme un prunier. Chouine se réfugie derrière Rossa. - Un peu ? Un peu beaucoup, oui! Et tu sais quoi, le jour où je saurai la formule qui fait maigrir, je ne te la donnerai pas, na ! - Si elle marche aussi bien que tout ce que t’as inventé jusque-là, j’en veux surtout pas... Comme ta formule pour faire pousser les ongles qui faisait pousser des cornes ! Et celle pour plier les chemises qui mettait le feu aux armoires ! Et celle pour... - Fa suffit ! hurle la patronne. Z’en ai ras le balai de vos difputes ! Ze ne vois plus rien, ze fuis aveuglée, f’est inffupportable ! Trouvez-moi une folution pour faire difpa­raître fes verrues ou ze vous transforme en... en... potirons !
Chapitre 2 : Gloups Dès que Rossa ferme la porte, Glandule se recouche en ricanant : - Pfffff ! Nous transformer en potirons, tu parles, c'est bidon ! Elle ne le fera pas ! Qui nettoiera ses alambics, qui cirera ses bot­tines, si on n'a plus nos dix doigts? Qui ira chercher ses vers de terre, sa poudre de rhi­nocéros, son vomi de pigeon? Prépare-lui une potion, Chouine, moi, je dors... - C'est pas juste ! bougonne Chouine. - Et alors ? Qu'est-ce que tu crois ? Que tu vas te la couler douce ? C'est toi qui as voulu t'inscrire à l’Abracadémie... - Non, c'est pas moi, c'est ma tante qui a voulu m'inscrire et moi je… - Bon, allez, raconte pas ta vie ! tranche Glandule. Mets-toi plutôt au boulot, ma petite. Chouine se dirige vers les plaques chauf­ fantes en soupirant. Elle essaie de se sou­venir de la formule « faire et défaire ». C'est l'une des premières formules qu'elle a apprises en arrivant à l’Abracadémie. Ça parlait de fer à souder, ou peut-être de fer à friser... À moins que ce ne soit de fer à repasser... Elle en a recopié tellement, des formules, depuis deux mois : des cahiers et des cahiers. Ils lui tombent sur le nez dès qu'elle entrouvre son armoire. Chouine hésite longuement devant ses bocaux. Devrait-elle mélanger du concentré de toiles d'araignée à du
jus de cervelle de cor­beau en récitant : - ABRIGADAFU MIGAFERASOUDÉT É­PABO ? Ou bien de la cornemuse râpée à des poils de barbichette trempés dans du bouillon de caniveau en disant : - POUPIKLOFÉRAFRISÉTCHUPÉCARA­ BISTOUILLALAGOMA ? Tout se bouscule dans sa pauvre tête. « Tant pis, décide-t-elle, je mets ce qui me tombe sous la main et on verra bien... » Et hop, bave d'escargot, entrailles de pieuvre, confiture de bouc, pattes de crapaud, morve de nouveau-né, boulettes de pieds, rognures d'ongles, poudre d'os de tapir... Chouine mélange tout ça dans une cornue. Elle allume le gaz. Elle touille avec un vieil os de chat qui traîne par là. Ça fume, ça mijote, ça clapote et surtout… ça sent si mauvais que Chouine est obligée de se mettre une pince à linge au bout du nez. Quand la mixture est sombre et gluante à souhait, l'ap­prentie sorcière éteint le gaz et sort sur la pointe des pieds. Glandule ronfle et Chouine n'a aucune envie de la réveiller. Car elle vient d'avoir une idée : « Si ma potion
fait de l'effet, je dirai à Rossa que c'est moi qui l'ai préparée. Et, si ça ne marche pas, je dirai que c'est cette sale flemmarde de Glandule, et na ! » Chouine frappe tout doucement à la porte de la patronne. - Entre ! Fa y est ? F’est prêt ? - Euh... Ben... je... je crois… - Z'espère pour toi ! glapit Rossa en écartant sa verrue gauche pour attraper la cor­nue des mains de Chouine. Et gloups ! Elle la vide d'un trait. Ce qui se passe alors est incroyable mais vrai : d'un seul coup et d'un seul côté, l'ignoble tignasse filasse de Rossa se trans­forme en une chevelure blonde et bouclée. Dans sa mâchoire du haut, deux dents blanches viennent s'intercaler de part et d'autre de son chicot noir (mais rien dans la mâchoire du bas). Sa main droite s'étire, s'étire pour devenir une patte palmée genre canard. Quant à son pied gauche, il se rabougrit, se rabougrit… jusqu'à
ressembler au sabot d'une chèvre.Tout ça en moins d'une minute. Cette minute semble une éternité à Chouine qui regarde le spectacle, horrifiée, les mains devant la bouche. Surtout que, de part et d'autre du nez de Rossa, les deux verrues, elles, n'ont pas bougé! - Qu'est-fe qui fe paffe ? Qu'est-fe qui m'arrive ? s'époumone la patronne, affolée. (Ses deux nouvelles dents, malheureuse­ ment, ne changent rien à son défaut de pro­nonciation...) Chouine a si peur qu'elle ne parvient pas à articuler un mot. Elle qui voulait accuser Glandule en cas d'échec, elle en est bien incapable ! - Et moaaaaaa, qu'est-ce qui m'arrive, à moaaaaa ? coasse une voix aux pieds de Rossa. C'est Bavounet. La partie gauche de son corps est recouverte de fourrure blanche, comme une moitié de chat. Chapitre 3 : Pocritus Inutile de s’éterniser sur la colère de Rossa : les murs de l’Abracadémie ont tremblé si fort ce matin-là qu’ils s’en sou­viennent encore... - Vous êtes dix fois, cent fois, mille fois plus nulles que fe que ze penf ais : puif que f’ est fa, ze vais voir un fpécialiste ! braille la patronne en enfonçant son chapeau comme un clou sur sa crinière bicolore. - Hé ho, j’ai rien fait, moi ! se défend Glandule, réveillée en sursaut par les cris. - Et moaaaaaa, Je peux venir ? A… at… atchoum ! éternue Bavounet (le malheureux animal est allergique aux poils de chat).