Tour de l'étoile

Tour de l'étoile

9-12 ans - 73 pages, 25912 mots | 3 heures 07 minutes de lecture | © Éditions du Jasmin, 2016, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Tour de l'étoile

9-12 ans - 3 heures 07 minutes

Tour de l'étoile

Avant de disparaître, l’oncle pirate de Gaël lui a laissé deux indices énigmatiques pour le retrouver: une carte et un mot indiquant la tour de l’Etoile. Il lui faudra alors traverser la mer des légendes et triompher de trois terribles épreuves. Il devra s’armer de courage pour vaincre sa peur au cours de l’épreuve de la tempête, défaire les fantômes de ses rêves dans l’Abîme des âmes et finalement combattre seul des démons dans la mer de la solitude.

Une sacrée aventure l’attend, sans compter les autres dangers du voyage. Gaël a bientôt onze ans, il est maintenant assez grand pour ce voyage dans le monde fantastique des légendes. Arrivera-t-il à la tour des étoiles, où son oncle l’attend ? Survivra-t-il au voyage ?

"Tour de l'étoile" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre Tour de l'étoile

La Tour de l'étoile d'Emmanuelle Delafraye aux éditions du Jasmin


La Tour de l'étoile
1 Mon oncle pirate Mon oncle Wilfrid est aussi grand qu’il est costaud. Il n’est jamais bien rasé. Il porte à son oreille droite une petite boucle en or. Un boulet de canon est tatoué sur son bras gauche. La mèche est allumée. Quand j’étais petit, je croyais qu’il était pirate. J’ai grandi et c’est devenu un code entre nous. On parle pirate. Pour m’avertir de sa venue, il m’envoie un message que je suis le seul à pouvoir déchiffrer. J’aperçois en rentrant de mes cours un drapeau noir orné d’une tête de mort flottant sur le toit de ma maison. Je découvre son message roulé dans une bouteille de rhum au fond de la baignoire. Ou caché dans un des vieux coffres du grenier. Je compte les heures jusqu’à ce que j’entende sa grosse voix tonitruer : — Moussaillon ! Au rapport !
Cet après-midi, je joue au mousse rebelle. Je pointe mon épée vers son ventre rond comme un tonneau et le traite de capitaine cachalot. Il rugit : — Palsambleu ! Misérable garçon d’eau douce ! — Cap… Capitaine de carnaval ! — Moussaillon en chaussettes ! — Pir… Pirate à la… sauce tomate ! — Graine de barbare ! Je vais te tailler les oreilles en forme de drakkar ! Il se jette sur moi, mais je suis plus rapide que lui. J’esquive son attaque et m’enfuis au fond du jardin. Il se lance à ma poursuite. J’entends ses pas et sa respiration derrière moi. J’accélère. Lui aussi. Arrivé aux chênes, je slalome entre les arbres pour lui échapper. Mais mon oncle stoppe subitement sa course. Il s’étire en prenant tout son temps puis s’allonge dans notre hamac. Je m’approche. Il ne bouge pas. Je lui sors ma plus belle grimace. Il ferme les yeux. Je lui montre mes fesses. Il fait semblant de ronfler. Je m’approche encore un peu. Il bondit, m’attrape et me jette dans le hamac. — Au… au secours ! Au secours ! Il me chatouille jusqu’à ce que je hurle : — A… A… Arrête, Tonton ! Arrête ! Je… Je… Je me rends ! Je me rends ! On s’assoit tous les deux à l’ombre d’un chêne. — Petit, demain, je prends la mer. Prendre la mer, pour l’oncle Wilfrid, cela veut dire partir longtemps. Je sens soudain une grosse boule dans ma gorge. — Tu… Tu pars où ? Pour… Pourquoi tu ne m’emmènes pas avec toi ? — Seuls les marins expérimentés naviguent dans les eaux profondes, petit. Ta mère me jetterait aux requins si je t’embarquais dans mon voyage. Il te faut grandir encore avant de pouvoir m’accompagner. Je n’aime pas quand il part. Je voudrais savoir où il va, ce qu’il fait, qui il voit. Mais je n’obtiens jamais de réponse à mes questions. Et plus je grandis, plus je me rends compte que ses absences cachent un mystère. Et des dangers. De son dernier voyage, il est revenu avec une cicatrice longue comme ma règle sur le ventre. Puisqu’il ne répond pas à mes questions, je l’espionne pour trouver les réponses. J’écoute aux portes quand il parle tout bas avec ma mère. Je lis ses messages sur son portable. Je retourne les poches de son manteau quand il a le dos tourné. Mon enquête ne donnait rien jusqu’à maintenant, mais, aujourd’hui, je crois être enfin sur une piste. Une petite carte est tombée de sa veste quand il me poursuivait dans le jardin. Pendant qu’à l’ombre des chênes il me parle de son départ, je regarde discrètement la carte sous l’étendoir à linge. Elle est bleu marine avec des éclats dorés qui brillent au soleil. Quand ma mère nous appelle pour le dîner, je la ramasse rapidement et la glisse dans la poche de mon jean. À la fin du repas, je tente une nouvelle fois ma chance. — Tu… Tu pars où ?
Mon oncle me regarde en faisant les yeux ronds : — Où je vais ? Mais sillonner l’océan, affronter la houle, combattre les monstres et les dragons ! En garde, piraton ! Il se lance comme à son habitude dans une incroyable histoire de bagarre, avec des crabes aux pinces géantes et des pieuvres aux tentacules immenses. Jusqu’à ce que le soir tombe. Jusqu’à ce que j’écarquille les yeux pour les garder ouverts. Jusqu’à ce que je me morde les lèvres pour m’empêcher de bâiller. Alors, ma mère m’embrasse pour me souhaiter une bonne nuit. Mon oncle m’attrape, me porte et me jette dans mon lit. Il me pique les joues en me disant au revoir. Il me promet de beaux rêves. Dès qu’il sort de ma chambre, je me relève pour aller chercher sa carte. J’allume ma lampe de poche sous ma couette. Je veux la regarder de près. D’un côté, une rose des vents y est dessinée. Il y a écrit autour : L’Auberge Aux vents d’ailleurs. De l’autre côté, une phrase mystérieuse est inscrite : Pour trouver la Tour de l’Étoile, par trois fois sur l’Océan des Légendes, tu affronteras l’épreuve de la Peur. 2 La famille Fergussonn Mon oncle est parti depuis plusieurs semaines et je suis sans nouvelles de lui. Pas de message codé ou de carte d’île au trésor dans ma boîte aux lettres. Pas de blague au téléphone. Rien. Je suis inquiet. Il n’est jamais parti aussi longtemps. Je n’ai aucune idée de l’endroit où il a pu aller. J’ai demandé à tous mes amis. Personne ne connaît d’Océan des Légendes, de Tour de l’Étoile ou d’auberge qui s’appellerait Aux vents d’ailleurs. Quant à la phrase mystérieuse, j’ai beau la tourner et la retourner dans ma tête, je ne comprends toujours pas ce qu’elle veut dire. — Gaël ! Les chaussons, les mains, la table. Hop hop hop ! — Non ! Ma… Maman ! En… Encore cinq minutes… — Gaël, va chercher tes chaussons, savonne-toi les mains et mets la table.
— Maman, pas… pas main… — Gaël Fergussonn… Fergussonn, c’est le nom de mon père. Je ne l’ai pas connu. Il est mort avant ma naissance. Je n’ai jamais su ce qui lui était arrivé. On n’en parle pas. Son portrait est accroché dans le salon. Je le regarde et c’est un inconnu pour moi. Un inconnu qui m’intimide. Mes cheveux roux toujours en bataille, je les tiens de lui. Mes yeux noisette, de ma mère. Quant à mes taches de rousseur et mes oreilles légèrement décollées, je ne sais pas de qui je les tiens, mais j’aurais deux mots à lui dire ! — Gaël Fergussonn ! Quand ma mère m’appelle par mon nom de famille, c’est le signe que cela va barder si je n’obéis pas dans la minute. Alors j’enfile mes chaussons et mets la table en surfant sur le carrelage de la cuisine. — Gaël, arrête ! Gaël, arrête ! Cette phrase, je la connais par cœur. Gaël, arrête ! Tu vas tomber, tu vas te faire mal, tu vas te couper, tu vas te brûler… Je pourrais écrire une chanson avec. Ma mère me voit sombrer dans des précipices depuis le premier jour de ma vie. Ou me perdre dans la grande forêt de l’ogre quand je fais un pas dehors sans elle. Heureusement qu’à la maison j’ai l’oncle Wilfrid pour jouer à la bagarre, monter à l’abordage du canapé, avoir une épée dans une main et un pistolet dans l’autre, tailler en pièces les équipages ennemis et les monstres marins. En hurlant les pires insultes. Mon anniversaire est dans deux jours. Tous mes amis sont invités. Reviendra-t-il à temps ? Cette fois-ci, c’est moi qui ai peur. Peur pour lui. À table, pour la mille et unième fois, je tente de soutirer des informations à ma mère : — Pour… Pourquoi oncle Wilfrid est par… Et, pour la mille et unième fois, ma mère refuse de me répondre. Elle débarrasse les assiettes. Elle remet en place les épingles de son énorme chignon. Elle me caresse la joue. — Gaël, mon chéri, c’est l’heure de te laver les dents. — Mais ma… ma… maman ! Quand je suis avec des adultes, je n’arrive pas à dire une phrase sans bégayer. Les mots se pressent trop vite dans ma bouche. J’ai peur de ne pas aller au bout de mon idée. Cela me stresse et plus je stresse, moins j’y arrive. — Il est aussi l’heure de te peigner les cheveux. Et de plier tes vêtements. Avec soin s’il te plait. — Ma… Maman ! — Gaël, demain, tu as classe. — Mais… je… je… je voudrais savoir… — Gaël Fergussonn ! Dans la salle de bain, j’ouvre le robinet et laisse couler l’eau pendant que je réfléchis à la phrase mystérieuse de la carte. Pour trouver la Tour de l’Étoile, par trois fois sur l’Océan des Légendes, tu affronteras l’épreuve de la Peur.
Est-ce la raison de la disparition de mon oncle ? Serait-il parti à la recherche de cette tour ? Je ferme le robinet. Je passe la main dans mes cheveux pour les démêler. Si mon oncle a besoin d’aide, je dois le retrouver. Mais comment ? Dans mon lit, je me déshabille, vise ma chaise et y lance mes habits. Tir réussi ! Bingo ! Youpi ! C’est moi le roi ! Je glisse sous ma couette. Ma mère vient me souhaiter une bonne nuit. Dès qu’elle referme la porte, j’allume ma lampe de poche. Pour la mille et unième fois, j’examine à nouveau la carte. L’auberge Aux vents d’ailleurs, l’Océan des Légendes, la rose des vents… J’essaye de réfléchir autrement. Quels sont les endroits où aime aller mon oncle ? Plus précisément : quels sont les endroits où aime aller mon oncle et qui sont au bord de la mer ? La réponse est évidente : le vieux port. Il se situe à l’autre bout de notre ville et est à l’abandon. Pendant des siècles, on y a construit de grands bateaux qui traversaient l’océan. Maintenant, il n’est plus en activité. Il ne reste de son passé qu’un grand portique blanc et des charpentes trouées de navires. C’est un endroit étrange, toujours à l’ombre depuis que de grands immeubles se sont construits dans notre ville et le cachent du soleil. On y entend des drôles de bruits. Et on raconte sur ce lieu de drôles d’histoires à voix basse. Personne n’y va jamais. Sauf mon oncle. Alors, si cette auberge existe, cela doit être là qu’elle se trouve. Mais moi, je n’ai pas le droit d’y aller. C’est absolument interdit, me répète souvent ma mère. Tant pis ! J’irai quand même. Sans rien lui dire. 3 Départ de la maison Après ma journée de classe, j’installe sur la chaise de mon bureau l’immense chimpanzé en peluche que mon oncle et moi avons gagné à la fête foraine. Au tir à la carabine. À dire vrai, c’est surtout mon oncle qui l’a gagné. J’enfile à la peluche mon pyjama. Je lui mets sur la tête ma casquette préférée. Je pose un cahier sur la table. Si ma mère vient jeter un coup d’œil dans ma chambre, avec un peu de chance, elle croira que j’apprends mes leçons. Au cas où je ne serais pas rentré pour le dîner, je lui laisse un petit mot : Je pars chercher l’oncle Wilfrid. Ne t’inquiète pas. J’ai une piste. On sera très vite de retour. À l’écrit, ce qui est bien, c’est qu’on a le temps de dire ce que l’on veut. On ne bégaye jamais.
J’ouvre doucement la fenêtre et saute dans le jardin. J’avance à quatre pattes le long du mur pour ne pas être vu et franchis le portail. Je descends l’allée en courant, sous les aboiements furieux des chiens toujours énervés des voisins. Arrivé en ville, je marche le plus vite possible. Et sans le faire exprès, je fonce la tête la première dans le ventre d’une femme qui a une grosse poitrine et un minuscule chapeau sur la tête. — Alors, mon chou, tu m’as prise pour un ballon de foot ? Elle penche vers moi des lèvres très rouges. Son visage me paraît énorme. Elle ouvre grand la bouche quand elle parle. — Je… Je… Je vous demande pardon, Madame. — Qu’il est mignon ce petit chou avec ses taches de rousseur ! À croquer ! Allez, vite, un baiser pour te faire pardonner. Elle approche vers moi ses lèvres rouges. — Il… il faut que j’y aille. Ma… ma mère m’attend. Je me dégage et cours aussi vite que je peux. J’entends sa voix qui rit dans mes oreilles. — Te sauve pas, petit chou ! Je n’ai jamais mangé personne ! Son rire me poursuit. J’accélère. Je slalome entre les passants. Je tourne à droite, à gauche. Je cours jusqu’à ce que je ne l’entende plus. Le ciel devient violet. Il n’y a plus personne dans les rues. J’aperçois au loin le grand portique blanc du chantier naval. Il brille tellement que sa blancheur semble éclairer le soir qui tombe. Lorsque je l’atteins, un chat noir surgit devant moi. Il s’assoit et me fixe, comme s’il voulait en garder l’entrée. Ses yeux sont étranges. Ils sont dorés et ont la forme de croissants de lune. Il balaie sa queue à droite puis à gauche. Je ne vais pas me laisser intimider par un chat alors je le fixe à mon tour. Mes yeux noisette dans ses yeux de lune. Il lève la tête, comme pour interroger le ciel. Une étoile s’y allume. Alors, il me tourne le dos et passe sous le portique. Je le suis. Mais quand je franchis à mon tour le portique, il se passe quelque chose d’étrange. Le portique se décompose en une multitude de points blancs. Ils m’éblouissent. Puis, comme dans un kaléidoscope, les points blancs se mélangent à d’autres couleurs et s’assemblent pour former des images. À gauche, il y a la carcasse trouée d’un grand navire. À droite, des cordes et des voiles de bateaux suspendues sur des poutres. Le chat passe sous les voiles. Je le suis à nouveau. Nous nous retrouvons dans une rue sombre et étroite. Il fait maintenant complètement nuit. Il n’y a pas d’éclairage. Le chat trottine devant moi, la queue en l’air. Le trottoir est fait de vieilles pierres usées. Il est humide, glissant. Il y a du brouillard autour de nous. Soudain, je ne vois plus le chat. Je ne comprends pas. Où est-il passé ? Comment a-t-il fait pour disparaître d’un coup, comme si le brouillard l’avait englouti ?
4 L’auberge Aux vents d’ailleurs Je continue à marcher au hasard. J’emprunte une rue, puis une autre. Et soudain, j’entends une chanson. Une chanson que je connais bien. Mon oncle la fredonne souvent. Bravo pour nous les matelots ! En haut gabiers, gabiers en haut À la manœuvre hardi les gars ! C’est tous ensemble qu’on y arriv’ra La chanson vient d’une auberge avec une porte vitrée. Au-dessus de la porte est suspendu un panneau en bois. Il est peint en bleu marine. Il y a écrit dessus en lettres dorées qui s’écaillent : Aux vents d’ailleurs. Une rose des vents est dessinée de chaque côté. Le même nom, le même dessin,
les mêmes couleurs que sur ma carte. Mais la porte vitrée est sale et je ne peux pas voir si mon oncle est à l’intérieur. Alors je pousse la porte le plus doucement possible. J’entre sur la pointe des pieds en espérant que personne ne remarquera ma présence. À l’intérieur, il y a peu de lumière et beaucoup de monde. Des hommes sont accoudés au comptoir, assis sur de grands tabourets ou attablés autour de tables rondes. Ils ont tous leur verre levé et chantent en canon : Pour notre cœur et pour nos bras Pour notre vie, pour être là, Bravo pour nous les matelots En haut gabiers, gabiers en haut ! Il y a un homme avec un gros nez recourbé, comme un bec de perroquet. Un autre a les joues pleines de trous. Un troisième n’a plus que deux dents au milieu d’une énorme barbe noire. Soudain, j’aperçois la dame au minuscule chapeau et aux grandes lèvres rouges. Je me fais tout petit pour ne pas être vu, mais… trop tard ! Elle se met à crier en me pointant du doigt : — C’est le petit chou qui m’est rentré dedans tout à l’heure ! Alors ? Elle est où, ta mère ? Tous les regards sont braqués sur moi. J’ai le cœur qui bat très vite. — Qu’est-ce que tu fais là, morveux ? C’est pas un endroit pour toi ! aboie l’homme au très gros nez. — Je… Je… Je cherche mon… mon oncle. — Ton oncle ? Et comment qui s’appelle ton oncle ? — Wi… Wilfrid. Il s’appelle… Wilfrid. Il… il a disparu. — Pas possible ! Ce morveux, c’est le neveu de ce satané Wilfrid ! — Purée de crevettes ! s’exclame l’homme aux joues trouées. — Ton oncle est sacrément fier d’avoir un neveu, petit. Il nous parle souvent de toi. Mais là où il est, ce n’est pas pour les gamins de ton âge. Retourne d’où tu viens. — Je… Je… Je suis assez grand pour y aller ! — Quel âge as-tu ? L’homme qui m’a posé cette question est assis seul à une table. Il porte un grand manteau noir en cuir. Il a des petites rides autour des yeux et quelques mèches grises sur les tempes. Il attend avec patience ma réponse. — De… demain, j’au… j’aurai onze ans. — Son nombre d’années a deux chiffres. Il peut nous accompagner, dit l’homme au manteau noir. À ces mots, le silence se fait dans l’auberge. L’homme au nez en bec de perroquet baisse la tête. Celui qui a les joues trouées fixe son verre. La dame au petit chapeau passe devant moi comme si je n’existais plus. — Viens là et présente-toi, ordonne l’homme au manteau noir. — Je… Je… Je m’appelle Gaël Fergussonn. — Bien, Gaël Fergussonn. Nous levons l’ancre demain à l’aube. Pour retrouver Wilfrid, ton oncle. Et mon meilleur ami. Il ajoute d’une voix sombre : — Parti en mer depuis trop longtemps.