Extrait du livre Zachary
Zachary de Dominique Memmi et Atman aux éditions Dadoclem
Zachary
Dans la chambre de Valentin vivait une famille d'acariens qui étaient tous vilains et menaient grand train. Du soir au matin, ils gambadaient dans la moquette et organisaient d'incroyables festins sur les oreillers et duvets de Valentin. Faut dire que Valentin était un gentil gamin. Il les laissait vivre à leur guise tandis que lui-même vaquait à ses occupations de jeune garçon. Tous vivaient en parfaite harmonie : les acariens dans la moquette ou le lit, Valentin devant sa console de jeux ou ses mangas.
Un jour, cependant, Zachary, le plus petit de la famille des acariens, surprit une conversation entre Valentin et Samir, son copain. Valentin était triste et parlait de quitter la ville. Ils allaient déménager et vendre la maison. Zachary, dans tous ses états, se précipita chez les siens pour leur donner l'information. - Ne te tracasse pas ! le rassura son papa. Nous, nous ne déménageons pas. Nous attendrons dans la moquette les prochains propriétaires. Zachary fut quelque peu rassuré, bien que triste de voir Valentin s'en aller.
Durant les mois qui suivirent, on vit déambuler dans la maison toutes sortes de gens. Ils venaient pour la visiter. Ils n'étaient pas toujours agréables. - Vous n'avez pas d'arbres fruitiers ? disaient certains. - La cuisine est vétuste, il faudrait tout casser ! ajouta une dame grosse comme une barrique. - Moi, je voudrais une chambre qui donne sur le jardin, sinon rien, avait dit un sale gamin. - Et ce carrelage, c'est vous qui l'avez choisi ? Quelle drôle d'idée ! s'était exclamé un monsieur bien habillé.
Puis, ils s'étaient présentés : M. et Mme Cantor et leur petite fille, Azalée. Ils avaient trouvé la maison à leur goût. - Un peu de nettoyage, et c'est tout ! - La chambre me plaît beaucoup, maman. Zachary vit Valentin faire ses derniers bagages et dire au revoir à sa chambre. Le petit garçon pleurait en partant. Il fit un signe de la main pour dire au revoir à sa pièce, et Zachary pleura lui aussi. Il fit un petit signe, mais Valentin ne vit rien.
Ensuite, Zachary retrouva les siens. - Qu'as-tu, Zachary ? s'inquiéta maman acarien. - Valentin est parti. - Tu es trop sentimental, Zachary, il faut t'endurcir. - Mais pourquoi, maman ? - Parce que la vie n'est pas toujours facile, et que les faibles deviennent très vite des victimes. La nature est ainsi faite, Zachary : les petits poissons sont mangés par les grands, et les grands par plus grand qu'eux encore. - Je ne comprends pas, dit Zachary, qu'est-ce que la faiblesse a à voir avec les sentiments et les poissons ? - Dans ce monde, il n'y a pas de place pour les bons sentiments, il faut savoir se battre. - Mais moi, je ne veux pas me battre. - Pourtant, tu devras le faire, insista la mère. - Mais maman, contre qui veux-tu que je me batte ? Je n'ai que des amis. - Ouh là ! là ! Zachary ! s'écria la maman, tu ne comprends rien à rien ! Zachary se mit à pleurer. À la peine de quitter Valentin s'ajoutait l'incompréhension de sa maman. Il finit par aller dans un coin pour tenter de calmer son chagrin.
Les jours passèrent. La maison était vide, et Zachary traînait comme une âme en peine. Bientôt, les Cantor emménagèrent. Les cartons arrivaient par dizaines. De gros hommes les transportaient un peu partout dans les pièces. Zachary attendit dans un coin de l'ancienne chambre de Valentin. Azalée était belle comme un coeur. De belles boucles châtain tombaient sur son pull, et ses grands yeux la rendaient très sympathique. Zachary la trouva à son goût. Les Cantor s'installèrent, et la dame, qui s'appelait Léopoldine, arriva le jour même en furie dans la chambre d'Azalée. - Mon Dieu, ma fille ! J'avais oublié cette moquette. - Quoi, maman ? - Mais ton allergie aux acariens, tu y penses ? Non, Azalée, on ne peut pas garder cette moquette.
Zachary était devenu rouge de colère. En un instant, il retrouva ses parents. - Comme je vous le dis ! annonça Zachary, ils vont arracher la moquette. - Est-ce possible ? demanda maman acarien. - Pour le savoir, allons les écouter, répondit papa acarien. La famille se rapprocha de l'endroit où se tenaient Mme Cantor et sa fille. - Non, Azalée, tu ne peux pas garder cette moquette ! - Pourtant, elle me plaît beaucoup, maman, dit Azalée, chagrinée. - Elle te plaît peut-être, mais ce n'est pas bon pour ta santé. Souviens-toi de ta dernière crise d'allergie : tu es devenue toute rouge, ton nez te démangeait en permanence, et tu n'arrêtais pas d'éternuer. Ces choses-là sont remplies d'acariens, Azalée.