Extrait du livre Alzabane l'oiseau de la Lune
Alzabane l'oiseau de la Lune de Jean-Sébastien Blanck et Fernando Falcone aux éditions Alzabane
Alzabane l'oiseau de la Lune
Il était un âge, un âge inconnu des Hommes, où la Terre ne formait encore qu’une planète de gaz, sans roche, ni mer, sans noyau ni pesanteur... En ces temps primitifs, la Terre attendait de se solidifier. C’était une vaste sphère, bleutée et vaporeuse, gonflée d’air et zébrée de nuages aux mille couleurs. De saisons, il n’en n’existait pas encore, et une même douceur planait des cieux les plus élevés jusqu’aux cieux les plus profonds. En ce globe aérien, il n’était ni jour, ni nuit. Les rayons du soleil traversaient l’atmosphère de part en part, de sorte que le jour ne tombait jamais. Seul le centre de la planète, voilé par des nuages de matière, baignait dans une lumière crépusculaire, une lumière semblable à nos couchers de soleil. Dans ces profondeurs, il régnait un air doux et humide, mais si dense, que bien peu d’oiseaux pouvaient y vivre.
Car ce monde des Origines abritait déjà une grande race d’êtres vivants : les oiseaux. Il n’existait pas d’autres animaux et, pour eux, les Cieux offraient un paradis sans limite, un jardin d’abondance et de profusion. Comme les poissons d’aujourd’hui se nourrissent de plancton, ces oiseaux se régalaient d’une multitude d’espèces d’insectes et de particules en suspension. Ils trouvaient aussi des nébuleuses de poussières végétales, des brumes de pollen, des nuages de cristaux et de vapeurs d’eau. C’était un ciel prodigieux ! Les oiseaux des Origines ne ressemblaient pas à ceux que nous connaissons. Ils peuplaient la Terre par millions et formaient une multitude d’essaims. Aucun oiseau ne songeait à s’éloigner des siens, ni à cesser de voler. Car ce monde était ainsi fait que les oiseaux mangeaient en volant, dormaient en volant, et même, ne pouvaient respirer qu’en volant. Cependant, une loi immuable s’était imposée à tous : chaque espèce ne devait – ou ne pouvait – vivre qu’à une altitude bien délimitée.
Ainsi, dans les profondeurs, se trouvaient les plus petites races qui recherchaient une atmosphère épaisse. Ces oiseaux virevoltaient et tournoyaient plutôt qu’ils ne volaient. Leurs essaims étaient si denses, et le vacarme de leurs battements d’ailes si assourdissant, qu’on aurait pu les confondre avec des nuages d’orages. Un peu plus haut, volaient des espèces au corps translucide. Elles craignaient la lumière et n’évoluaient qu’au milieu de nuages épais et laiteux.
Encore un peu plus haut, se trouvaient d’étranges oiseaux-bulles qui flottaient au gré des courants de l’atmosphère. Puis, d’autres espèces de toutes tailles et de toutes formes se partageaient, innombrables, les autres altitudes...
Ce n’est que très haut, à la limite de l’atmosphère, dans un ciel d’azur et de pureté, que volaient les êtres les plus gracieux. Ces majestueuses créatures planaient de toute leur envergure, noire et impérieuse... Parfois, d’un claquement sec de leurs ailes, elles rappelaient qu’elles étaient bien maîtres des cieux. Pour eux, il n’était pas d’essaim : chacun de ces rois des airs voguait seul. Ainsi, en ce monde aérien, sans pesanteur ni gravité, planaient, flottaient, volaient et virevoltaient mille espèces d’oiseaux...