Extrait du livre Des Oranges à la menthe
Des oranges à la menthe de Mathilde Pascal et Marianne Alexandre aux éditions Rêves Bleus
Émilie pensait avoir trois points communs avec son vieux, très vieux voisin, Monsieur Farouk. Ils aimaient tous les deux la plage, semblaient être tous les deux seuls au monde, et les gens murmuraient sur leur passage. Ils murmuraient parce que la mère d'Émilie était partie, parce que Monsieur Farouk était de là-bas, de ceux qu'on montre à la télévision, les autres.
Pourtant, Émilie était une petite fille à peine plus discrète que les autres. Le vieil homme avait bien arrangé sa maison, les murs toujours blancs, le jardin toujours fleuri, les chats toujours contents.
Émilie et le vieux monsieur se croisaient souvent, loin des murmures, se saluaient, parfois sans sourire, parfois dans un éclat de rire, et passaient leur chemin.
Un matin ce fut l'été, la mer gavée de couleurs vives, la plage étouffée sous les cris et les serviettes. La pire des saisons pour Émilie. Le moment que Monsieur Farouk choisit pour l'inviter à prendre un thé. Une invitation sérieuse, sans prétexte, carton décoré ou intermédiaire. Une invitation qui appelait un oui. Émilie planta son regard dans celui du vieil homme et accepta.
Le thé se prenait dans le jardin, entouré de parfums et de chats. Liquide doré, sucré, brûlant dans lequel flottaient quelques feuilles de menthe. Et le goût, la lumière qui descendait droit au ventre, se répandait dans tout le corps, des accords d'orange, de soleil et de menthe…