Extrait du livre Docteur Gudule
Docteur Gudule de Fanny Joly et Roser Capdevila aux éditions Fanny Joly Numérik
Docteur Gudule
Je m’appelle Gudule. J’ai deux dents qui bougent et une nouvelle robe rouge. J’ai aussi un monstre intersidéral, un poney qu’on peut coiffer et des parents plutôt pas mal. Ils m’obéissent sans trop discuter, en général.
A part mes deux dents qui bougent, il y a aussi mon petit frère qui bouge… Et même énormément ! Il s’appelle Gaston. Quelque fois, il est mignon. Mais pas toujours. Ça dépend des jours. Une chose est sûre, en tout cas : Gaston m’obéit beaucoup moins bien que mes parents.
L’autre soir, par exemple, je voulais jouer à la bataille de polochons avec lui. Avec lui comme polochon, je veux dire. Eh bien, il n’a jamais voulu. Rien à faire. Il a hurlé jusqu’à ce que Papa vienne s’en mêler. S’en mêler, c’est-à-dire, évidemment, me gronder. Pendant je ne sais combien de minutes, Papa m’a expliqué en long et en large et en faisant les gros yeux que je suis la grande sœur de Gaston (comme si je ne le savais pas !), que je dois être très gentille, lui montrer des choses intéressantes, l’éveiller, et patati et patata… (comme si je ne le faisais pas !). Sur les genoux de Papa, Gaston se dandinait en répétant : « Véyéyé Gaton ! Véyéyé Gaton ! » Quand Papa a eu terminé son discours, j’avais envie de le broyer, mon petit frère !
Je ne lui ai plus parlé de la semaine. Le premier jour, il prenait son petit air coquin. Moi rien. Le deuxième jour, il a pris un petit air malin. Moi rien. Le troisième jour, il a commencé à avoir l’air moins malin. Moi rien. Le quatrième jour, il a insisté pour me prêter sa marionnette de lapin. Moi rien. Le cinquième jour, il venait tout le temps m’embrasser les mains. Moi rien.
Le sixième jour, il m’a donné le chocolat de son goûter, en me suppliant : « Zoue, ‘dule ! Zoue, ‘dule ! » Comme je m’ennuyais un peu, j’ai décidé d’avoir pitié de lui. « Pourquoi je jouerais avec toi ? je lui ai dit. Tout ce que tu sais faire, c’est pleurer comme un bébé… - Pas bébé ! Pas piorer ! Il a trépigné. - Sûr ? Si on joue, tu ne pleureras pas, jamais ? - ‘Amais piorer, Gaton ! » J’ai accepté de lui faire confiance : « Très bien ! Alors ok, on joue au docteur ! »
Pendant dix minutes, il a fait des bonds en répétant : « Do-teu ! Do-teu ! » Puis, tout d’un coup, il s’est arrêté pour me demander : « Quoi c’est, do-teu ? » Je lui ai expliqué que les docteurs sont des gens formidables qui s’occupent des personnes malades, comme le docteur Grandcoeur, à la télé… Gaston n’a pas eu l’air de bien capter. (Le docteur Grandcoeur, ça passe trop tard, il n’a pas le droit de le regarder.)