Extrait du livre Envole-toi !
Envole-toi ! de Didier Jean et Zad aux éditions Utopique
Envole-toi !
La première fois, j’étais vraiment tout petit. Bien trop petit pour comprendre… C’était un matin, à mon réveil. Papa m’a enveloppé dans la couverture un peu rêche qui couvrait mon lit, et dont les arabesques indigo me fascinaient. Puis il m’a porté dans ses bras jusqu’à son antre de magicien teinté de mystère.
Lorsqu’il a poussé la porte, j’ai dû voir, abandonnés sur le sol, ses pinceaux, ses tubes de peinture et, posée sur un tabouret, sa palette saturée de couleurs. Au milieu de la pièce, une toile semblait nous attendre. Sur cette toile, des montagnes étiraient leurs sommets vers le ciel. Alors, m’emportant avec lui, mon père a fait un pas et en un clin d’œil nous sommes entrés dans le tableau. Aussitôt, les bruits familiers, les contours de l’atelier se sont estompés, en même temps qu’un vent léger nous emportait jusqu’à la cime la plus haute.
Là, Papa m’a assis dans l’herbe, à quelques mètres du manège illuminé. A l’époque, j’étais peu pressé de grandir et malgré mes deux ans, je ne marchais toujours pas. Mais pour ce manège rouge et or d’où s’échappait une musique ensorcelante, je me dressai subitement sur mes jambes, faisant mes premiers pas dans la vie.
L’année suivante, lorsque l’automne est revenu, mon père m’a attiré de nouveau dans son atelier. Cette fois-là, sur son chevalet, des oiseaux migrateurs déployaient leur vol dans un ciel sans nuages. Ils semblaient si réels que leurs ailes ourlées bruissaient doucement dans l’espace restreint de la pièce. - Tu es prêt, on y va ?