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La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme

La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme

9-12 ans - 54 pages, 10999 mots | 1 heure 21 minutes de lecture | © Amaterra, 2022, pour la 1ère édition - tous droits réservés


La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme

9-12 ans - 1 heure 21 minutes

La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme

Ce roman est une version modernisée du conte, abordant de manière humoristique les thèmes contemporains du bien-être animal, de l’exploitation par le travail, du droit des femmes ou encore de la domination patriarcale sous-jacente.

"La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre La véritable histoire de Blanche Neige qui n'a pas croqué la pomme

La véritable histoire de Blanche-Neige qui n'a pas croqué la pomme de Côme d'Onnio aux éditions Amaterra


La véritable histoire de Blanche-Neige
Ҩ Tu crois tout connaître sur l’histoire de Blanche-Neige, la méchante reine sa bellemère, la pomme empoisonnée, le baiser du prince charmant… HA, HA, HA ! Laisse-moi rigoler ! Serais-tu assez bête pour croquer une pomme tendue par une sorcière ? Non ! Alors pourquoi Blanche-Neige serait-elle plus naïve que toi ? Et pourquoi faudrait-il qu’elle attende qu’un type passe sur son cheval au milieu d’une forêt où il n’a rien à faire ? Et puis, ce prince qui embrasse une fille endormie sans lui demander son avis, ça te paraît normal ?
NON, NON, ET RE-NON ! Tout ça est faux. Je vais te dire ce qui s’est réellement passé entre Blanche-Neige, sa belle-mère et, éventuellement, le prince (qui n’est pas très important, je préfère le préciser tout de suite). Le début est vrai. Blanche-Neige s’enfuit dans la forêt, elle rencontre le chasseur, qui préfère tuer une biche plutôt qu’une innocente princesse et en rapporter le cœur à sa vieille bique de belle-mère. Mais la vieille bique a un miroir magique qui lui révèle que sa belle-fille détestée est toujours vivante, et qu’elle habite avec sept nains aux noms ridicules. Là encore, Grincheux, Simplet, Dormeur, etc., ne sont pas leurs vrais noms – quelle maman serait assez cruelle pour appeler ainsi ces bambins ? (Mais nous reviendrons sur l’affaire des faux noms des nains dans une autre histoire…) Voilà donc la reine devant son miroir, folle de jalousie, qui s’exclame, couteau de boucher à la main : — Ah ouais, comme ça, ce n’était pas ton cœur que le chasseur m’a donné ? Tu sais quoi, poulette ? Je vais te le cuisiner aux petits oignons, et au petit poison, et tu vas mourir en le mangeant, ton cœur qui n’est pas ton cœur ! Là, on se dit que la méchante reine n’est peut-être pas folle que de jalousie, mais folle tout court. Son discours n’est pas super clair. Bref, elle coupe le cœur en petits morceaux (beurk), le fait revenir avec du saindoux (re-beurk) et des oignons dans un grand faitout. Elle remue en ricanant, le nez au-dessus de
son plat, ce qui n’est pas très intelligent, car après elle a le visage rouge et transpirant, plus les cheveux qui sentent les oignons frits. Personnellement, même sans me prendre pour un miroir magique, je pense que ce n’est pas la meilleure recette pour être la plus belle et la plus séduisante du royaume… Ensuite, quand le cœur est cuit à point, elle ajoute une bonne grosse pincée de mort-aux-rats dans son ragoût, et chantonne sur l’air de Trois Petits Chats : — Mort-aux-rats, rats, rats… Ravagée, gée, gée… Gémissante, gémissante, gémissante, sante, sante… S’enterrer, rer, rer… Raide morte, morte, morte… Voilà ce que la reine – que nous appellerons désormais Biquette puisque nous avons établi que c’était une vieille bique – promet à la pauvre princesse en fuite. Puis elle décide, pour être crédible, d’emprunter une espèce de grosse brouette aux écuries du château et de peindre sur le côté « Déj-carriole ». Sans le savoir, elle vient d’inventer l’ancêtre du food-truck. Elle n’est pas complètement idiote, la reine, elle est juste envieuse et méchante, mais plutôt rusée. Sur une ardoise, elle inscrit l’intitulé de son excellent plat du jour : « Cœur de biche délicieusement assaisonné à ma façon ». Elle n’a plus qu’à pousser sa brouette jusqu’à la chaumière de Guéthenoc, Agenulf, Wulgrin, Eunuce, Herlebad, Gargidoul et Kevin. Les sept nains. C’est vrai, on se demande si Timide, Simplet et compagnie ce n’est finalement pas mieux que Guéthenoc et Eunuce. On se demande aussi ce qu’il s’est
passé pour le beaucoup moins moyenâgeux Kevin. S’il y avait eu huit nains, peut-être que le dernier se serait appelé Jules, Louis ou Camille ?... Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à Biquette. Biquette ne s’est pas du tout déguisée en sorcière. Qui aurait envie de plonger sa cuillère dans le chaudron d’une sorcière ? De goûter un plat dans lequel des croûtes de pustules ou des rognures d’ongles ont pu tomber ? Nous nous sommes déjà posé la question… Personne ! Elle a donc enfilé des habits très amples et colorés, noué un foulard sur ses cheveux, posé sur son nez d’immenses lunettes papillon. Elle a un look super branché, elle fait trop sympa, la copine hyper cool que tout le monde rêve d’avoir. Elle cache bien son jeu, cette vilaine Biquette. Quand elle arrive dans la clairière – elle qui n’est même pas habituée à soulever sa brosse à cheveux, et qui a dû pousser sa carriole sur les branches, les cailloux, les souches – elle sue plus qu’une courgette dans une poêle chaude. Elle déteste désormais Blanche-Neige parce qu’elle est belle, mais également à cause de tous les efforts qu’elle doit déployer pour la dézinguer. Si elle réfléchissait un peu, la reine, elle oublierait sa belle-fille, qui de toute façon ne sort pas de la forêt et par conséquent ne lui fait pas beaucoup d’ombre, et elle vivrait tranquillou bilou dans son palais. Mais non, elle ne pense qu’à un truc : être la plus belle.
Comme si c’était la chose la plus importante du monde. Pfffffff… — Youhou ! Hello, hello ! Il y a quelqu’un ? Qui veut goûter mon délicieux ragoût ? appelle Biquette de sa voix la plus joyeuse et aimable. Blanche-Neige pose le thé qu’elle buvait à petites gorgées, lâche son livre sur la gestion d’une entreprise de pierres précieuses et quitte son fauteuil. — Bonjour, bonjour ! Je suis Jennifer, de « Déj-carriole ». Vous connaissez le principe ? On livre à domicile des plats du jour, sains et équilibrés, dans les villages, les champs, les forêts. Aujourd’hui, c’est « cœur de biche délicieusement assaisonné à ma façon ». La dégustation est gratuite ! Le discours est bien préparé, joliment récité, avec un grand sourire s’il vous plaît (pour ne pas être reconnue, y a pas mieux, car Blanche-Neige n’a jamais vu sa belle-mère lui sourire jusqu’à ce jour). — Alors, ça vous dit, ma belle ? Prononcer ces deux derniers mots arracherait presque la langue de la reine. Elle soulève le couvercle de sa marmite, s’apprête à y plonger sa louche, pour offrir un très généreux échantillon à Blanche-Neige. — Du cœur de biche, vous avez dit ? — Tout à fait. Tout frais. Allez, ma mignonne, avec sa sauce au sang, c’est à mourir de gourmandise ! — C’est très gentil à vous, Jennifer, de vous être déplacée jusqu’ici. D’autant plus que j’ai sept convives à nourrir, et ils ont toujours
l’estomac dans les talons quand ils rentrent de la mine. Votre proposition m’intéresse beaucoup… Le cœur de la reine bat à toute allure. Son sourire est crispé quand elle racle le bord du faitout avec la louche, elle a envie de dire à Blanche-Neige : Mais arrête ton moulin à paroles, utilise ta bouche pour manger ton dernier repas, patate ! — … Malheureusement, nous ne mangeons pas d’abats. Le cœur, le foie, les reins, la cervelle, vous savez, ce n’est pas très bon pour la santé. La princesse vient de ruiner ses espoirs. — Comment ça, pas très bon ? C’est plein de protéines. Pour les muscles de vos mineurs, c’est le top. Et le fer, afin qu’ils aient assez de globules rouges et qu’ils piochent gaillardement, c’est tellement important ! insiste Biquette, qui s’est soudain transformée en médecin nutritionniste. — C’est vrai… OUI, C’EST VRAI, MAIS ON S’EN MOQUE SURTOUT, a-t-elle envie de hurler. TOUT CE QUE JE VEUX, C’EST TE VOIR MORTE À MES PIEDS ! — C’est vrai… mais c’est aussi un concentré de pesticides, rétorque Blanche-Neige. J’ai lu un article dans L’Écho futé des prés et des forêts à ce sujet. Donc, non merci ! Peut-être une autre fois, Jennifer. Bonne chance en tout cas, et belle journée à vous ! — Très belle journée également ! répond la fausse Jennifer, si difficilement qu’on croirait voir des serpents et des crapauds s’échapper de ses lèvres.
Ah oui, belle journée, belle journée… Journée complètement pourrie, oui ! Non seulement l’enquiquineuse n’est pas rayée de la surface de la terre, mais en plus la reine doit repousser sa brouette sur tout le chemin cahoteux jusqu’au château, sans avoir vidé le moindre gramme de sa marmite ! — Pas d’abats, très bien… Il me reste toute une biche. Tu vas bien trouver un morceau à ton goût, ma chérie, grommelle-t-elle. Quant à Blanche (choisissons de l’appeler Blanche pour simplifier un peu, c’est pénible ces noms composés, Blanche-Neige, Noir-Charbon, Rouge-Cerise, Bleu-Turquoise… non, Vert… non, c’est bleu, une turquoise… bref), pendant que ses petits amis s’occupent de la salade, battent la pâte à galettes, dressent la table, tout en pesant et triant les pierres précieuses de la journée, elle leur parle de Jennifer et de ses plats du jour. — Oh, quelle bonne idée ! s’exclame Joyeux. — Ouais, y en a marre de tout le temps faire à manger, confirme Grincheux. — Mais tu as eu d’autant plus raison de refuser ce plat que les abats provoquent des crises de goutte, explique Prof. — Atchoum ! Comme la goutte que j’ai tout le temps au nez et qui me fait éternuer ? Atchoum ! — Non, comme l’inflammation extrêmement douloureuse qui te fait gonfler le gros orteil, répond Prof. — GROZORTEIL ! GROZORTEIL ! HI, HI, HI, HI ! chantonne Simplet.
— Elle va repasser demain ? espère Joyeux. Tout sera prêt quand on rentrera du boulot ? — Hey, ho ! Hey, ho ! poursuivent-ils tous en chœur (c’est pénible, ce tic). — On n’aura qu’à mettre les pieds sous la table ? — Je ne sais pas, on verra bien. En attendant, laissez-moi terminer de compter et de noter ce que vous avez rapporté. J’en ai ras le pompon de vous voir trimer toute la journée dans la mine, à vous tuer le dos, les yeux et les poumons, et être payés si peu cher par le collecteur de pierres. Ah ! ça, lui, dans sa grande maison, il a des domestiques pour lui préparer le dîner. Avec tout le profit qu’il fait en revendant vos jolis cailloux aux joailliers, qui eux-mêmes font du profit en les revendant aux riches comme ma belle-mère… Il n’y a que celui qui bosse le plus dur qui n’est pas payé. Sans vous, pas de collecteur, pas de joaillier. Pas de mineur, pas de bijou. Vous trouvez ça juste ? Non ? Moi, non plus ! Il doit bien y avoir un moyen de faire autrement… Alors, où en étais-je ? Quatre rubis pour une once…