Extrait du livre Le petit ours gris de la Mauricie
Le petit ours gris de la Mauricie Conte de Félix Leclerc, Chansons de Edgar Bori et Illustrations de Marie Lafrance Editions la montagne secrète
Le petit ours gris de la Mauricie
Aimeriez-vous dormir tout l’hiver comme font les ours ? Quand on pose cette question à des êtres humains, plusieurs répondent que oui. Ils aimeraient disparaître l’hiver, s’endormir, se cacher, rouler en boule dans le sommeil profond qui tant ressemble à la mort, basculer dans le néant. L’hiver fait fuir les hirondelles, les corneilles, les oies, les canards. Restent les perdrix. L’hiver effraie les malades, les vieux. On rêve de Floride l’hiver, même qu’on y va quand on peut.
Les ours n’ont pas de longues migrations à faire. À la première neige, ils se creusent un trou derrière une souche, une grande chambre au sec sous la terre, et hop ! au fond toute la famille, un collé à l’autre. On se couche, on ferme la porte avec des branches, et janvier peut venir avec ses dix pieds de neige, ses rafales, ses gelures, ses poudreries, sa rage, ses colères et ses tueries. Chez les ours, on dort profondément. Tout cela pour m’amener à vous parler du petit ours gris de la Mauricie qui n’a pas voulu se coucher ce fameux soir de début décembre. Et c’est pas une histoire, c’est arrivé vrai !
« Envoye Nounours, passe au fond, le trou est fini... Nounours ! Je t’ai dit de rentrer dans le trou. Es-tu sourd ? Rentre ! Au dodo ! » – Non papa, pas cet hiver. Je reste réveillé. – Quoi ? – J’hiverne dehors. – Quoi ? – Je veux connaître, je veux savoir, je veux voir ! Vous ne me comprenez pas. – Quoi ? – Je me débrouillerai. Adieu papa, je te reverrai en mars ! Dis à maman de ne pas s’inquiéter. – Quoi ?