Extrait du livre Main dans la main avec ma maison
Main dans la main avec ma maison de Michel Cosem et Jennyfer Dalrymple aux éditions du Jasmin
Main dans la main avec ma maison
Le soir se promène main dans la main avec ma maison ils tournent autour du jet d'eau chantent avec les roses ébouriffent la tête des hortensias bleus dansent tout en rond comme des chats A chaque fenêtre chante un rossignol A chaque porte siffle une flûte indienne A chaque vitre rit un frais visage c'est ainsi depuis toujours et c'est bien.
Les soirs de tempête ma maison hurle avec les loups je sens monter de son ventre un cri étranger qui me hante Que dit-elle seule dans la nuit à la forêt qui craque aux arbres qui grincent? Quel est ce terrible langage inconnu? Les soirs de tempête ma maison hurle avec les loups.
J'ai rencontré une maison abandonnée elle était solitaire perdue sur la lande avec des murs blancs où grimpaient des liserons ses volets à demi ouverts offraient mille désastres et pourtant à travers les vases cassés et les papiers déchirés se lisaient quand même mille histoires d'amour.
Toute sifflante au vent de la lagune palpitante comme un coeur furtive comme un oiseau Le soleil du soir colore de rouge ses lèvres de bois et son regard est immobile posé sur le lointain posé sur l'au-delà Elle n'aime pas que je m'approche tant elle a peur des hommes blancs Mais elle a vu en moi.
elle est pauvre et délabrée sa peau se craquelle elle attend le feu des longues dunes les marées fécondes et les embarquements toutes les épouses du vent les graines des plantes vagabondes les étoiles et les grands secrets de l'univers le songe des départs et des navires et ces musiques qui rendent son coeur si dur. La maison du bord de mer dont la peau se craquelle.
Ma lointaine maison de feuillage ma maison lacustre ma maison de laine d'hiver ma maison femme à la peau très douce ma maison fille aux yeux très noirs ma maison océane aux reflets de nacre ma maison de nuit aux lampes rouges ma maison de feu aux lèvres rouges ma maison simplement ma maison.
elle attend au milieu de la glèbe le lever du jour un gros chien rouge dort sous l'arche un coq ébouriffé oublie de chanter elle attend la fin de la rosée l'herbe qui ne brille plus l'oiseau qui s'envole de l'arbre elle attend la mi temps du jour la querelle des corbeaux et la fleur ronde comme un soleil elle attend le début du soir la nuit de velours le cri des buses noires Elle attend toujours.
Ma maison de brume s'en va au fil de l'eau et frôle les grands arbres pleins de lumière et de duvet Elle regarde au loin les villes Petits tas de lumière Emplis de pigeons Ma maison de brume verte parfois bleue glissant entre les falaises où se lit une longue histoire Ma maison transparente comme le regard d'une femme.
