Extrait du livre Dur, dur l'Angliche
DUR, DUR L’ANGLICHE Écrit par Fanny Joly Illustré par Stéphanie Alastra
DUR, DUR L’ANGLICHE
Chapitre 1 École cool Dans mon ancienne école, c’était cool : on n’avait pas de prof d’anglais. C’est Gwendoline, la maîtresse de CP, qui nous faisait l’anglais. Ça la prenait de temps en temps : elle mettait un disque de chansons anglaises genre pour les bébés et on devait essayer de répéter les paroles en tapant dans nos mains. Si on n’y arrivait pas, ça n’avait pas d’importance. C’est pour ça que Papa m’a changé d’école. À cause de l’anglais, je veux dire. Mon père, l’anglais c’est son dada. Du coup il m’a inscrit en Classe Européenne dans l’école la plus À FOND sur l’anglais de notre ville : l’École Boss
Il faut dire que Papa est mécanicien dans un garage spécialisé en voitures ANGLAISES, justement. Jaguar, Aston-Martin, Bentley : plus elles sont anglaises (et vieilles), mieux il s’y connaît. Souvent, quand il rentre du travail, il soupire : - Aaah, si je savais parler anglais, je pourrais discuter avec nos clients étrangers, j’aurais plus de responsabilités au garage, ça me changerait la vie... Une fois, je lui ai répondu : - Ben t’as qu’à apprendre, P’pa ! Il a haussé les épaules : - Je suis trop vieux, voyons fiston... - Arrête, t’as 43 ans, t’es pas vieux ! - Et toi, tu as 8 ans et tu vas tâcher de me rapporter des bonnes notes, au lieu de discuter ! Vu le ton de sa voix, je n’ai pas insisté. Surtout que ses yeux se sont mouillés comme s’il pleuvait à l’intérieur et qu’il a commencé son refrain : - N’empêche, si j’étais patron du garage, ta mère n’aurait peut-être pas… Je me suis bouché les oreilles : - Stop ! Je déteste quand il parle comme ça. Si Maman est partie à l’autre bout du pays, c’est parce que là-bas ELLE est patronne d’une boutique de souliers chics. Elle revient à toutes les vacances. Et c’est juste pour deux ans.
Au fait, j’ai oublié de me présenter. Je m’appelle Marc Gregorio. Avant d’être français, on était italiens, dans ma famille. C’était il y a longtemps, du temps de mes arrière-grands-parents paternels. Aujourd’hui, plus aucun d’entre nous ne parle italien. Et personne n’a jamais parlé anglais... Chapitre 2 Alors, alors ? Le soir de mon premier jour à l’École Boss, Papa s’est jeté sur moi. - Alors, Marco, l’anglais ? Tu as rencontré ton professeur ? C’est un homme ? C’est une femme ? Quand il m’appelle Marco c’est qu’il est de bonne humeur. Je n’ai pas voulu gâcher sa joie.
- On n’a pas eu cours, j’ai répondu. C’était presque la vérité. - Comment ça ? J’ai pris mon air P-D-S (Pro-Du-Sérieux) : - Il faut que tu comprennes quelque chose, Papa : le jour de la rentrée, on est complètement débordés, on a des tonnes de fiches de renseignements à remplir, les profs font l’appel, vérifient les fournitures, la liste de ceux qui déjeunent à la cantine, de ceux qui restent à l’étude, tout ça, tout ça… - Pfff, je te parle de l’anglais, pas de la cantine. La cantine ça n’a aucun intérêt, par rapport à L’ANGLAIS ! il a grogné. J’ai pris la direction de ma chambre : - Sans doute, mais ce n’est pas moi qui fais les emplois du temps. Et là, maintenant, il faut que je te laisse, excuse-moi mais j’ai du travail pour l’école ! Le coup du travail-pour-l’école, avec Papa ça marche à tous les coups.