Extrait du livre La révolte de Sable
La révolte de Sable de Thomas Scotto et Mathilde Barbey aux éditions du Pourquoi pas
La révolte de Sable
Elle était comme nous. Elle, née d’une tanière, nous, d’un petit terrier, dans le creux d’un tronc d’arbre ou dans un nid plus haut. On partageait les mêmes jeux, les mêmes premières saisons. On partageait la même forêt. Bien sûr, certains animaux tremblaient un peu au passage de sa famille. À cause de leurs dents plus pointues, de leur couleur d’automne ou de leur agilité, peut-être. En vrai, de mon amie renarde, on ne craignait pas grand-chose. Ses parents n’avaient eu qu’elle. Déjà elle était unique. Un peu fragile et minuscule. Ils l’avaient appelée Sable.
Moi, je laissais souvent mes trois frères au terrier pour aller jouer avec elle. — Sable ! Ne cours pas si vite, je ne peux pas te suivre ! — Mais bien sûr que tu peux ! Tu es le roi des roulades. Roule ! Sable trouvait toujours une solution aux choses. En sautant à travers le sous-bois, elle se retournait à peine et glapissait de joie. Je grognais donc un peu plus fort : — Sable ! Si je t’attrape… Et on se bousculait, on enchaînait les courses-poursuites, on s’empoignait la nuque. De loin, ça ressemblait sûrement à une vraie lutte mais ce n’était, pourtant, que de fausses bagarres. Enfin, à l’heure du goûter, après avoir fait peur à quelques lapins et plusieurs oiseaux, on se posait à l’ombre d’une haie ou d’un buisson de baies sauvages. On partageait quelques petits rongeurs et c’était bien.
Pourtant, dans ces moments reposés, souvent, Sable regardait autour. Fébrilement. Je crois que son œil perçant voyait les petits détails de la vie. Son museau frémissait, elle humait, sortait sa langue pour goûter l’air et secouait brusquement la tête d’un petit dégoût. Parfois même, ses oreilles se baissaient en arrière comme si un vent trop violent venait de coucher les blés des champs. Là, je ne savais pas encore que Sable s’inquiétait pour le Monde.