Ma vie en rousse

Ma vie en rousse

9-12 ans - 24 pages, 3418 mots | 26 minutes de lecture | © Utopique, 2023, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Ma vie en rousse

9-12 ans - 26 minutes

Ma vie en rousse

L’arrivée d’Arthur, nouveau dans la classe de Mélissa, remet en question sa perception des choses, et l’aide à prendre le chemin de la résilience en réconciliant la jeune fille avec son apparence.

Une histoire tendre et pleine d’espoir pour rappeler que, même si ce n’est pas toujours facile de s’accepter tel que l’on est, chacun est unique, et la différence est une richesse.

"Ma vie en rousse" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Raconté par Mina

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Extrait du livre Ma vie en rousse

Ma vie en rousse d'Agnès Sodki et Olivier Chéné aux éditions Utopique.


Ma vie en rousse
- Tes cheveux sont magnifiques, Mélissa ! s’écrie la coiffeuse. Maman approuve. Moi, je préfère ne pas répondre. Je souris, juste par politesse. C’est facile pour elle de s’extasier devant ma chevelure ! Tous les cheveux de la Terre et de l’Univers doivent lui paraître beaux, puisqu’elle n’en a pas. Ou plutôt, elle les a tondus. C’est quand même étrange, pour une coiffeuse. En même temps, il faut reconnaître que cela lui va bien. Je me demande quelle tête j’aurais si j’avais le crâne rasé. Maman entame la conversation avec elle. Ça m’arrange.
Elle aussi répète souvent que mes cheveux sont formidables. C’est normal, c’est ma mère. Il paraît qu’une maman trouve toujours que son enfant est beau, même quand il est moche comme un pou. Et j’ai cherché une photo de cette bestiole sur Internet, elle est vraiment laide, la pauvre ! Je déteste mes cheveux : ils sont trop roux. En plus, je les trouve très épais. Un jour, Chloé, une fille de ma classe, m’a dit que je ressemblais à une sorcière. N’importe quoi ! Les sorcières n’existent pas. Et puis, dans les histoires, elles ne sont pas forcément rousses. Depuis, je préfère me faire une queue-de-cheval ou une tresse. Comme ça, la couleur est moins voyante. J’aimerais tellement avoir les cheveux de Jeanne ! Les siens sont blonds, fins et soyeux… J’adore aussi sa peau, ni trop claire, ni trop foncée. Ma peau à moi, elle est si blanche et fragile ! On dirait qu’elle est transparente. Quand je reste un peu au soleil, c’est la catastrophe. Je deviens rouge comme une tomate ! Le pire, c’est qu’elle est constellée de taches de rousseur, même sur le visage… Je ne passe jamais inaperçue, on me remarque aussitôt. L’autre fois, Enzo, le délégué, m’a lancé quelque chose d’horrible : que je le dégoûtais avec mes boutons et que j’avais une maladie. Il a ajouté qu’il ne fallait surtout pas qu’il m’approche ou qu’il me touche, car j’allais le contaminer. Il a même prétendu que mes parents me détestaient, tellement j’étais affreuse. Et que je devais certainement leur porter malheur. Enzo est trop bête. Je sais que ce n’est pas vrai. Je sais que je ne suis pas contagieuse. Et que mon papa et ma maman m’aiment depuis toujours.
Mais ses mots m’ont fait mal au cœur et j’ai pleuré tous les soirs pendant trois jours au moins. Je n’en ai parlé à personne. Souvent, des enfants que je ne connais même pas se moquent de moi ou m’insultent : Sale rouquine ! Ou bien j’ai droit à : Les rousses, ça sent mauvais ! Je ne comprends pas pourquoi. Je prends ma douche tous les jours, pourtant. Parfois, je me demande si mon odeur est réellement désagréable. Ça me rend triste. Et puis, évidemment, je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a appelée Poil de Carotte. C’est ridicule. Poil de Carotte, d’abord, même s’il est roux, c’est un garçon. Et contrairement à moi, ses parents le détestent. J’ai toujours l’impression d’être une petite Martienne à côté des autres. Parce que la planète Mars, elle a un surnom : on l’appelle souvent la planète rouge. Comme mes cheveux et ma peau, quand elle prend le soleil. J’en ai marre de ne pas être comme tout le monde.
Aujourd’hui, un nouveau est arrivé dans la classe. − Je vous présente Arthur, annonce le maître. Je vous demande de bien l’accueillir parmi nous. Le garçon a l’air un peu gêné. La première chose que je remarque chez lui, ce sont ses cheveux châtains qui forment de belles boucles et qui retombent élégamment sur son visage à la peau mate. Je me dis que même les garçons ont une plus belle chevelure que moi… Le maître veut que Jeanne change de place afin que le nouveau s’installe à mes côtés, au troisième rang. Arthur me regarde furtivement et s’assoit. J’ai juste le temps d’apercevoir que ses joues ont
légèrement rosi. Je me demande bien pourquoi. À la récréation, je rejoins Jeanne. − Quand même, le maître, il exagère, râle-t-elle. Il aurait pu placer le nouveau ailleurs ! − Oui, c’est vrai, j’approuve, pensive. − Ça n’a pas l’air de t’embêter, toi, s’étonne Jeanne. − Euh, si, bien sûr, je réponds sans conviction. Pour être honnête, ça ne me dérange pas tant que ça. Même si, depuis le début de l’année, je suis toujours la voisine de Jeanne en classe. C’est à ce moment-là que je l’aperçois : Arthur. Il est au fond de la cour, seul. Je m’écrie d’un ton autoritaire : − Viens, on va voir le nouveau ! − Ben, pourquoi ? − Parce qu’il doit s’ennuyer, tout seul… Jeanne me suit en bougonnant. Arthur sourit en nous voyant arriver. − Salut, dit-il, embarrassé. − Salut, ça va ? L’école te plaît ? je demande.
− Euh… oui. En même temps, ça ne fait que deux heures que je suis là, alors… − Tu viens d’où ? − De Paris. − Paris ? s’exclame Jeanne, soudain intriguée. Tu as déjà vu la tour Eiffel ? − Oui, bien sûr. − Waouh ! Tu as de la chance, poursuit mon amie. − Et puis, aussi l’Arc de Triomphe, le musée du Louvre, enfin, tout ce qu’on peut voir à Paris, quoi ! Jeanne, qui ne s’intéressait pas au nouveau cinq minutes plus tôt, est décidément très curieuse. − Et La Joconde ? − Ben oui, s’étonne-t-il. − Trop cool, s’écrie Jeanne. Raconte ! Il s’exécute. J’ai l’impression qu’il ne s’adresse plus qu’à Jeanne. Comme si j’étais devenue invisible. Pourtant, de temps en temps, il jette un œil vers moi, très rapidement. Je ne comprends pas son attitude. Je me dis qu’il n’ose pas me regarder. Peut-être à cause de mes cheveux. Le soir, avant de m’endormir, je repense à Arthur. Il a l’air sympa. Mais il est comme les autres : il me rappelle que je suis différente. Je me sens encore plus martienne que d’habitude. Je m’endors le cœur rempli de chagrin.