Extrait du livre Les tartines de rillettes
Les Tartines de rillettes De Simon PRIEM et Carla CARTAGENA Editions Utopique
Dans la vieille maison recouverte de lierre de la rue des Ancolies, l'après-midi s'est endormi. On entend le tic-tac lourd de l'horloge du salon. Le chat ronfle sur un accoudoir du fauteuil. De temps en temps, une marche de l'escalier craque. Par la fenêtre de la cuisine, on aperçoit les feuilles des arbres du jardin, figées dans l'air tiède du mois de juin. Un escargot en retard étire sa bave sur un seau rouillé qui cuit au soleil. C'est ici qu'habite grand-père Albert, le papy de Louis.
Grand-père Albert a toujours un air mal repassé derrière ses lunettes pleines de buée. Dans la poche de son épaisse chemise à carreaux, il garde un vieux couteau qui lui sert à préparer les tartines de rillettes du goûter. Louis aussi a des lunettes. Les siennes se perdent tout le temps. Louis ne parle pas beaucoup, il préfère se tasser dans les coins Parfois, il s'y tasse tellement qu'il disparaît. Quand son papy lui demande où il était, il répond qu'il cherchait ses lunettes.
Le coin favori de Louis se trouve derrière le jasmin, tout au fond de la verrière du jardin. Ça sent bon, il fait chaud et il peut regarder son papy planter des parfums dans les rides de la terre. Quand grand-père Albert se penche, son pantalon glisse. On voit tout le haut de son derrière.
La verrière ressemble à la cabine de pilotage d'un avion de guerre qui aurait déserté. Juste à l'entrée se trouve une chaise en bois très usée. Louis aime bien s'y asseoir, il échange ses lunettes contre celles de son papy et pilote la verrière avec le râteau qui a les dents de travers.