Extrait du livre Gargantua
Gargantua d'après Gargantua de François Rabelais
de Jean-Luc Langlais
aux éditions Amaterra
Gargantua d'après Gargantua de François Rabelais
1
A peine né, Gargantua cria :
- A boire ! à boire ! à boire !
On l'entendit par tout le royaume et chacun crut être invité à boire. Le géant Grandgousier, le roi, prit son fils dans ses bras et s'exclama :
- Quel grand tu as !
Il parlait du gosier du bébé.
Tous ceux qui étaient là convinrent qu'il fallait appeler l'enfant Gargantua. Ainsi fut dit, ainsi fut fait.
On amena dix-sept mille neuf cent treize vaches, car le lait de la reine, la géante Gargamelle, ni celui d'aucune nourrice du royaume ne pouvait suffire à apaiser la soif du nouveau-né.
Chaque jour, Gargantua gagnait en force et en taille. Il avait une bonne tête ronde prolongée par dix-huit mentons bien gras.
Bientôt, on le promena dans une charrette tirée par des boeufs et, s'il pleurait, on lui apportait à boire. Alors, immédiatement, la joie du paradis se répandait sur son visage. Ainsi se passèrent dans le bonheur les premiers mois de sa vie.
2
De trois à cinq ans, Gargantua passa son temps à boire, manger et dormir, puis à dormir, boire et manger.
Il aimait aussi se barbouiller le visage, courir après les papillons, pisser sur ses souliers. Son père avait des petits chiens, Gargantua mangeait dans leurs écuelles. Pour amuser le garçon, on faisait tinter les verres et les bouteilles avec un couteau. Puis il se laissait chatouiller par ses nombreuses nourrices en riant aux éclats.
On habilla Gargantua aux couleurs du royaume : le blanc et le bleu. Sa chemise fut taillée dans neuf cents mètres de toile. Il fallut plus d'un kilomètre de tissu pour les chausses. Quant à la braguette, son ouverture faisait bien un mètre quatre-vingts.
Un jour, ses parents lui offrirent un magnifique cheval de bois. L'enfant devint un grand cavalier. A ses ordres, le cheval allait au trot, au galop. Il le faisait dormir avec lui dans sa chambre.
A la fin de sa cinquième année, Gargantua démontra brillamment à Grandgousier, par expérience et raisonnement, quelle était la meilleure façon de, disait-il, se torcher le cul. Devant tant d'intelligence, son père jugea alors qu'il était temps de le confier à des maîtres, pour qu'il commence de sérieuses études.
3
Gargantua eut un premier précepteur qui lui apprit à lire et à écrire sur une écritoire pesant plus de sept mille quintaux.