Extrait du livre L'eau de la terre
L'eau de la terre de Pascale Vignali et Justine Cunha aux Editions Le Regard Sonore
Il était une fois, dans une île du bout du monde, une île dont les forêts éternelles cachaient des arbres étranges et des animaux invisibles aux cris mystérieux, il était une fois donc sur cette île extraordinaire…
Une grenouille. Une petite grenouille, à la peau lisse d’un joli vert tendre, aux longs doigts fins et aux pieds palmés, à l’œil rond et la gorge pleine… Mais une simple grenouille.
Et là était son souci : LA GRENOUILLE Mais pourquoi suis-je si petite et si ordinaire ? Chaque animal de cette île est plus intéressant que moi ! Le kangourou a une poche magique, le crocodile est terriblement dangereux, l’opossum plane d’arbre en arbre, la fourrure du koala a la douceur d’un nuage et moi, qu’est ce que j’ai moi ? Une langue qui colle pour attraper les moustiques !!! je ne serai jamais admirée pour un tel exploit !!!!
Toute à ses sombres pensées, la petite grenouille se mit à boire l’eau de la mare. Elle pensait, buvait, pensait, buvait… tant et si bien qu’elle but la mare jusqu’à la dernière goutte. Et s’en trouva fort bien ! LA GRENOUILLE Hmm, j’avais soif ! Mais… me voilà plus ronde et plus grande on dirait ? voilà qui est remarquable ! Buvons encore…
La grenouille bondit jusqu’au ruisseau voisin dont elle suivit le lit tout en buvant goulument… Elle but le ruisseau jusqu’à la dernière goutte. Et s’en trouva fort bien ! LA GRENOUILLE Enfin je suis d’une taille que personne ne peut ignorer. Assurément la plus grande grenouille du monde… Mais je peux certainement faire mieux encore !
Du lit du ruisseau asséché la grenouille sauta lourdement dans la rivière… qu’elle but jusqu’à la dernière goutte. Et s’en trouva fort bien ! LA GRENOUILLE : Qu’il est agréable d’être aussi grande et imposante ! Je défie quiconque de me marcher dessus maintenant ah ah ! Et si je bois l’eau de ce fleuve, mon exploit marquera la mémoire de tous. Le monde entier s’inclinera devant moi, une grenouille !
La grenouille, devenue bien trop énorme pour sauter, marcha pesamment jusqu’au fleuve qu’elle entreprit de boire, boire, boire… Jusqu’à la dernière goutte. Et, une fois encore, s’en trouva fort bien : LA GRENOUILLE Dire qu’il suffisait que je me penche pour boire et devenir l’animal le plus extraordinaire de tous les temps ! Je possédais un fabuleux talent, bien plus grand que celui des autres, et je n’en savais rien ! Pauvre petite ignorante que j’étais, quelle admirable créature je suis devenue ! Et ce n’est pas fini !
