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La légende du serpent blanc

La légende du serpent blanc

9-12 ans - 26 pages, 3960 mots | 30 minutes de lecture | © HongFei, 2013, pour la 1ère édition - tous droits réservés


La légende du serpent blanc

9-12 ans - 30 minutes

La légende du serpent blanc

Le serpent Baï (« Blanche ») a acquis le pouvoir de se transformer en femme. Se rendant au lac de l’Ouest réputé pour sa beauté, Baï y trouve l’amour et se marie avec Xuxian, apothicaire modeste ignorant tout de la vraie nature de son épouse. Offensé par cette union « contre nature », un bonze moraliste veut détruire cette union sincère. Il faudra tout le courage et la force de Baï, enceinte, pour résister à l’intolérance.

"La légende du serpent blanc" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre La légende du serpent blanc

La légende du serpent blanc d'Alexandre Zouaghi et Wang Yi aux éditions HongFei


La légende du serpent blanc
Acte 1 Le parapluie
Il y a bien longtemps, dans une montagne enchantée du sud de la Chine, deux sœurs-serpents du nom de Baï et Qing avaient trouvé refuge. L’une blanche comme les nuages d’hiver, l’autre bleue comme le ciel d’été, elles avaient acquis après des années de méditation de surprenants pouvoirs. Il leur suffisait par exemple de regarder le ciel en s’imaginant voler pour que, soudain, elles se transforment en oiseaux ! Ou encore, d’entendre le bruit d’un torrent en s’imaginant y nager pour se changer, presque aussitôt, en poissons !
Dans la montagne, les jours passaient et se ressemblaient de plus en plus. Un matin, alors qu’elles se promenaient le long d’un ruisseau, les deux sœurs-serpents Baï et Qing rencontrèrent un petit poisson blanc taché de mauve et de gris. Remontant le cours de l’eau, il leur confia tout ce qu’il avait vu pendant son grand voyage : « Il y a dans ce pays merveilleux que j’ai visité un lac à l’eau claire comme le cristal, des pagodes prêtes à toucher le ciel et des ponts où les amoureux aiment se retrouver. Je vous l’assure, sur terre, il n’existe pas de plus bel endroit ! » Les deux sœurs se mirent alors à rêver de ce lointain pays. Existait-il vraiment un endroit pareil ? Comme ce serait plaisant de s’y promener ! Voyant le poisson sur le point de repartir, Baï demanda, intriguée : « Et comment appelles-tu ce pays ? » Le poisson, qui filait déjà à travers le courant, lança au loin : « Le pays du lac de l’Ouest ! » Intimement, les deux sœurs se promirent alors de faire tout ce qu’il serait possible pour voir un jour, de leurs propres yeux, le fameux pays du lac de l’Ouest. Mille ans passèrent. Alors, le serpent blanc et le serpent bleu réalisèrent enfin leur rêve... sous l'apparence de deux jeunes femmes. « Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un si beau paysage puisse exister ! » s’étonnait Baï, le regard perdu vers l’horizon. Sous les rayons du soleil, les berges du lac de l’Ouest semblaient encore plus belles : par ici, une pagode s’élève fièrement au-dessus des cimes ; non loin de là, les saules recouvrent la rive de leurs longues branches et, doucement, une brise légère traverse les pruniers en fleur. Partout vont et viennent les amants, deux par deux, pour jouir de ce beau spectacle. « Grande sœur, s’exclama Qing, les yeux grands ouverts, nous y voilà enfin ! Vois-tu le pont qui traverse le lac ? De là, la vue doit être encore plus belle. Allons-y ! » Qing prit la main de sa grande sœur et, d’un pas décidé, l’entraîna sur le pont de pierres. Quand elles furent arrivées au milieu, sans qu’elles s’en aperçoivent le soleil avait disparu, laissant derrière lui une traînée de nuages menaçants. La pluie, qui s’était mise à tomber, vint tirer les deux sœurs de leur douce rêverie. « Petite Qing, nous devrions rentrer ; le temps est à l’orage. » Les sœurs s’apprêtaient à prendre le chemin du retour lorsque Baï aperçut, à travers la pluie à l’autre bout du pont, la silhouette d’un jeune homme se détacher peu à peu. Elle sentit son cœur chavirer pour cet inconnu. Immobile, elle serait restée à l’attendre, sous cette eau battante, si sa jeune sœur ne l’avait pas conduite à l’abri sous les branches d’un grand saule pleureur.
Le jeune inconnu du pont de pierres avait rejoint les deux femmes au pied de l’arbre. Il portait une longue tunique blanche et bleue avec, noué autour de la taille, un ceinturon brodé des mêmes couleurs. Derrière son large parapluie se dessinait un visage doux aux grands yeux noirs. S’approchant un peu plus des deux sœurs, il leur demanda : « Où allez-vous ainsi ? – Nous habitons le bourg de Bel Étang, dans un pavillon tout près de la grande maison du marchand de thé ; la pluie nous a surprises, répondit Qing en s’abritant sous le parapluie. – C’est bien trop loin à pied, voilà le batelier qui arrive », dit le jeune inconnu. Il fit signe à l’homme de s’arrêter. « Nous allons prendre ce bateau jusqu’à Bel Étang de sorte que vous puissiez profiter de ce grand parapluie. » Baï et Qing acceptèrent volontiers la proposition et prirent place sur l’embarcation bien au sec sous le parapluie. Pendant la traversée, le jeune homme leur confia qu’il revenait du lac après s’être recueilli sur la tombe de sa défunte mère. Baï fut touchée par tant de piété et loua, en son cœur, la valeur de cet inconnu. Quelques instants plus tard, alors que le bateau atteignait le bourg, l’averse cessa et seules quelques gouttes de pluie fine perlaient encore. Sur la berge, Qing remercia chaleureusement le jeune homme et l’invita à leur rendre visite au petit pavillon rouge.
« Et qui devrai-je demander ? s’enquit le jeune homme. – Mon nom est Qing et voici grande sœur Baï », lui répondit Qing. Au moment de se quitter, le ciel s’assombrit brusquement et de nouvelles gouttes de pluie se mirent à tomber. Le jeune inconnu tendit alors son parapluie à Baï, qui, émue par son geste, lui sourit timidement en guise de remerciement. « Gardez-le, ainsi devrai-je venir vous voir encore plus vite. Mon nom est… – Xu ? l’interrompit Baï. – C’est bien cela, je me nomme Xuxian. Comment l’avez-vous deviné ? » Baï pointa simplement du regard le parapluie. Le caractère « Xu » y était brodé.
Quelques jours s’étaient écoulés sans que rien ne vienne troubler la paix du bourg de Bel Étang. Au printemps, le petit village ressemblait à ces peintures de paysages de fleurs et de montagnes tracées à coups d’eau et d’encre sur le papier de riz. Dans leur pavillon rouge à l’abri sur les collines, Qing et Baï, occupées à préparer le thé, furent surprises par l’arrivée d’un visiteur qu’elles n’espéraient plus. Xuxian, le jeune inconnu du pont de pierres auquel Baï ne cessait de penser depuis leur rencontre, venait enfin. Qing fut la première à l’apercevoir par la porte en forme de lune du jardin. Elle avertit sur-le-champ sa grande sœur qui prit immédiatement place devant son miroir pour s’apprêter. Lorsque Xuxian se présenta sur le seuil, Qing le fit entrer avec les honneurs et l’installa à une table sur laquelle elle avait disposé trois tasses de thé fumant. Près de lui, elle posa délicatement le parapluie qu’il leur avait laissé le jour de leur rencontre et lui dit : « Grande sœur Baï l’a gardé précieusement en attendant le jour où vous reviendriez. » Xuxian se leva pour la remercier et vit alors, dans l’embrasure de la porte, Baï vêtue d’une longue robe de soie rose, les cheveux attachés en petits chignons délicats . Elle s’avançait vers lui. Xuxian tomba un peu plus sous le charme de sa belle silhouette. Lentement, Baï alla s’installer près de Qing et prit une tasse de thé entre ses mains. Juste avant de porter à sa bouche l’infusion parfumée au jasmin, elle glissa discrètement un message à l’oreille de sa sœur. Celle-ci esquissa un sourire et lui répondit : « Grande sœur, enfin ! Je ne peux pas demander cela ! – Quoi donc ? l’encouragea Xuxian, intrigué. – Eh bien, reprit Qing un peu hésitante, grande sœur Baï voudrait savoir si vous êtes, enfin si... vous avez... déjà... fondé un foyer. » À ces mots, Xuxian sourit timidement et leur confia qu’il n’avait ni femme, ni enfant, ni proche parent. À sa mort, son père lui avait légué une petite pharmacie en ville où le travail ne manquait pas. Il poursuivit : « Je n’avais jamais songé à l’amour... » S’interrompant un instant, il tourna la tête vers Baï. Sans pour autant oser la regarder dans les yeux, il ajouta : « ... jusqu’au jour où nos chemins se sont croisés sur ce pont de pierres. » Leur amour réciproque déclaré au grand jour, le mariage des deux amoureux fut célébré presque aussitôt, en rouge comme le veut la tradition.