Extrait du livre Princesse Corbeau
Princesse Corbeau de Wang Yi aux éditions Hongfei
Princesse Corbeau
Au plus profond de la Chine, au cœur d’une région isolée, se trouvait un grand lac noir. Le ciel y était couvert toute l’année, si bien que les rares habitants avaient le sentiment d’y vivre un hiver perpétuel. Ils ne rêvaient que de partir s’installer dans un pays chaud et ensoleillé. C’était ici que vivait un jeune homme appelé Rong, seul dans une maison blanche au bord de l’eau. Contrairement à ses voisins, il ne détestait pas cet endroit. Il aimait même les lectures solitaires qu’il faisait près du lac voilé par le brouillard. Il se sentait bien là, quoiqu’un peu plus de lumière n’aurait pas nui à son bonheur.
Un jour, Rong eut envie de se rendre sur la rive opposée du lac pour une promenade. Cependant, au milieu de la traversée, il s’égara dans un épais brouillard. Gagnant la rive la plus proche, il réalisa qu’il ne connaissait pas du tout les lieux. Au même moment, un nuage menaçant vint obscurcir le ciel déjà chargé. Des cris confus et inquiétants l’accompagnaient. Cette masse sombre se déplaçait rapidement vers l'orée du bois tout près de là, comme pour y trouver refuge. À bien y regarder, Rong comprit qu’il s’agissait d’une nuée de corbeaux.
Quel spectacle déroutant ! Reprenant ses esprits, Rong découvrit à ses pieds une plume de corbeau. Il la ramassa pour mieux observer les mille couleurs dans ses reflets. Mais bientôt son attention fut attirée par une forme sombre gisant parmi les herbes fanées sur le sol. C'était un jeune corbeau qui n’avait pas pu suivre ses compagnons à cause de ses blessures. Rong le prit délicatement dans le creux de ses mains, puis l’emporta chez lui dès que le brouillard fut levé.
Le pauvre corbeau avait une aile cassée. Rong prépara un nid juste devant la fenêtre pour que le bel oiseau noir puisse regarder le ciel tant qu’il voudrait. Le jeune homme parlait souvent au corbeau, qui le regardait alors avec beaucoup d'attention, comme s'il le comprenait. Voyant que sa robe noire cachait mille reflets bleus, Rong décida de donner un joli nom à ce nouvel ami : « Qing », un mot qui désigne à la fois la couleur indigo et celle de l'encre de Chine.