Extrait du livre Madame de Beaupoil voyage à Londres
Madame de Beaupoil voyage à Londres de Béatrice Fontanel et Christine Roussey aux éditions ABC Melody
Madame de Beaupoil voyage à Londres
MME DE BEAUPOIL DE SAINT-ANGE : c'est le nom de notre prof. Le jour de la rentrée, elle nous a dit : - Appelez-moi Mme de Beaupoil tout court. On se demandait si c'était une blague, mais vu son air sévère, on a préféré ne pas moufter. - Si vous êtes sages, nous irons visiter Londres au printemps, elle a ajouté. C'est une sorte de rituel pour elle. Mme de Beaupoil adore l'Angleterre, ses rugbymen surtout. Son dieu absolu, c'est Jonny Wilkinson : " beau gosse et gentleman à la fois ". Elle voue aussi un culte aux aviateurs de la Royal Air Force, des héros qui ont sauvé l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est ce qu'elle nous a expliqué avec des trémolos dans la voix. Mon copain Youssouf, lui, n'aime pas tellement les Anglais, parce qu'ils nous battent souvent au rugby.
On n'a pas tellement été sages, mais Mme de Beaupoil nous a quand même emmenés à Londres. Lorsque les arbres ont fleuri, on est donc partis avec elle en Eurostar. Moi (je m'appelle Rodolphe), mon copain Youssouf, et puis : Juliette, Cheyenne, Adam, Onur, Ambroise, Félicité, Théophile, Eddy, Diane, Kimberley, Cyprien, Bogdan, Dorine, Ayoub, Swann, Maïwen, Lisandro, Camille, Philomène... Enfin tout le monde, quoi ! On a mis une sacrée ambiance dans le train, je peux vous dire. On est passés sous la mer, mais on n'a pas vu le temps passer.
La gare de Saint-Pancras ne ressemble pas à une gare, mais à un extraordinaire château rouge. - C'est du néogothique, a précisé Mme de Beaupoil. - Ah... et ils sont où, les vampires? a demandé Ayoub. On s'est arrêtés un moment à côté du meeting place pour que la prof " vérifie qu'il ne manquât personne ". (Elle utilise souvent l'imparfait du subjonctif... ça nous tue !) Puis on a suivi Mme de Beaupoil comme des poussins leur mère poule. Il ne s'agissait pas de la perdre, parce qu'en anglais, il faut bien l'avouer, on n'est pas fluent du tout.
Nous avons pris un bus rouge. On s'est battus pour tous monter à l'étage, bien sûr. Mme de Beaupoil nous a traités de sauvages et nous a dit qu'on manquait totalement de courtesy. - De quoi? a demandé Eddy. La prof lui a donné la traduction, mais Eddy ne savait pas non plus ce que ça voulait dire en français, courtoisie. Mme de Beaupoil n'a pas eu le temps de lui expliquer, parce qu'elle s'est aperçue qu'on s'était trompés de bus. On est descendus à l'arrêt suivant, avec nos gros sacs qui se coinçaient dans le petit escalier. Toute rouge d'émotion, elle nous a dit : - Faites bien attention en traversant : rappelez-vous que les Anglais roulent à gau... Elle n'a pas eu le temps de finir sa phrase, elle s'est fait renverser par un cycliste. Elle s'est retrouvée les quatre fers en l'air avec son jupon qui dépassait. Ayoub, Adam et Lisandro l'ont aidée à se relever.
On a pris un nouveau bus. On a réussi à tous se caser à l'étage. Mme de Beaupoil, elle, est restée en bas parce qu'elle avait mal partout. Nous étions fascinés par les passagers autour de nous. Ambroise était assis à côté d'un monsieur à chapeau melon - Tu trouves pas qu'il a le look croque-mort ? m'a demandé Youssouf. Dorine côtoyait un punk à crête géante, plus impressionnante que celle d'un stégosaure, sauf que la sienne était violette et orangée sur les pointes. Le gars avait aussi des tatouages de serpents enroulés sur les mollets. - Tssssss... J'adorerais avoir les mollets décorés comme ça ! m'a dit Théophile. - Laisse tomber, j'ai prévenu, si tu ne veux pas que ton père ait une crise cardiaque à ton retour... À côté d'Ayoub bavardaient quelques écoliers anglais : cravate rayée, blazer bleu marine, écusson sur la poitrine, et vachement bien coiffés, les types! À l'avant du bus, très digne, se tenait un Indien enturbanné. - On dirait un maharadjah sur son éléphant rouge, m'a chuchoté Nour. (Elle a beaucoup d'imagination.) Kilian était assis exactement au-dessus du chauffeur et faisait semblant de conduire le bus grâce à un volant invisible. En l'observant, le maharadjah souriait sous sa moustache mahousse.
Notre hôtel se trouvait à Bloomsbury, un quartier dont j'adore le nom : quand on le prononce, on dirait un ballon qui se dégonfle. Arrivés à bon port, nous avons déposé nos sacs dans nos chambres de quatre, cinq ou six... La prof avait une chambre pour elle toute seule, naturellement. Et nous sommes repartis aussi sec pour visiter le British Museum, tout à côté. Le British, c'est un musée qui ressemble à un temple grec, mais un très grand temple alors, avec pas moins de sept millions d'objets qui racontent l'histoire de l'humanité : de ses débuts jusqu'à l'accident de Mme de Beaupoil... enfin quasiment. Ce qui nous a franchement emballés, c'est le cas de le dire, c'est la salle des momies : trop mimis, les momies! Il y avait des momies de chat, de chacal, d'ibis ou d'anguille... Et moi, j'ai toujours aimé les momies. À la folie. J'adorerais en avoir une chez moi... même une toute petite.