Magic Marion

Magic Marion

9-12 ans - 32 pages, 9700 mots | 1 heure 11 minutes de lecture | © Fanny Joly Numérik, 2018, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Magic Marion

9-12 ans - 1 heure 11 minutes

Magic Marion

Cette année pour les vacances, Marion est invitée à passer Noël avec sa meilleure amie Camille sur l'île de la Martinique. Au programme : plongée et découverte de l'océan ! Les meilleures vacances qu'on puisse imaginer jusqu'à ce que le beau Francky s'en mêle...

"Magic Marion" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
Dans la même collection : Voir plus
Autres livres écrits par Fanny Joly : Voir plus
Autres livres illustrés par Catel Muller : Voir plus

Extrait du livre Magic Marion

Magic Marion Fanny Joly & Catel


Chapitre 1 Yeeesss ! Quatre jours que je suis en vacances (de Noël). Dans quatre jours ce sera la fête (de Noël) et franchement… la vie au 25, rue des Acacias (autrement dit : chez moi) n’a rien d’un CADEAU ! Un petit échantillon ? • Samedi. Premier jour des vacances, QUI juge opportun d’arriver ? Mon bulletin dans la boîte aux lettres ! (M. Mazaud, notre affreux CPE – ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme Sado – préfère confier ses missives/missiles à la Poste plutôt qu’à nos mains propres !) Résultat ? Remontage de bretelles en règle par mes parents. Durée ? La journée entière.
• Dimanche. Mon sale bulletin digéré (ou du moins rangé), j’espère passer à autre chose de plus amusant, ce ne sera pas difficile. Hélas ! Papamaman ont un programme pour TOUTE la famille : lessivage de la cuisine «qui prend le gras depuis quinze ans, ça ne peut plus durer !» Moi, je trouve que ça pourrait durer encore (au moins) une quinzaine de quinzaines d’années, mais vu la nervosité avec laquelle Maman nous distribue éponges et balais, je n’insiste pas (sauf sur les taches de gras bien sûûûr, enfin… quand elle me regarde !). Même mon Charles de frère, GRAND spécialiste de la débine face aux corvées, n’y échappe pas, ça me console (un peu). • Hier lundi. À peine recouchée après mon petit déj, QUI vois-je débouler dans ma chambre avec des yeux d’étrangleur ? Charles (encore lui, je n’ai qu’un frère mais il compte pour dix, cent, mille) ! - C’est TOI qu’as mangé le dernier yaourt à la myrtille ? - Y avait pas marqué Charles Girardon Réserve Personnelle dessus, que je sache ! - Et y avait marqué Marion Girardon Private Collection, peut-être ? (Il m’éneeerve avec sa frime anglichomaniaque…) - Le frigo est autant à moi qu’à toi ! - Autant à MOI qu’à toi tu veux dire ! Alors pourquoi ce serait TOI qui te taperais tous les bons trucs ? - Ho ça va hein, côté morfal, t’es sans rival ! - Et toi côté RELOU t’es championne, espèce de... de... moucheronne ! À défaut de pouvoir le jeter dehors (151 cm contre 187, même dans mes rêves les plus fous je n’essaie pas), je file m’enfermer dans la salle de bains. On ne se parle plus jusqu’à… • …mardi après-midi. Circonstances de l’incident : je rêvasse devant la télé quand une odeur de fromage pourri agresse soudain mes narines. Le temps que je me retourne, deux immondes chaussettes verdâtres m’atterrissent en pleine figure. - Au secours ! je hurle en m’éjectant du canapé comme d’un hélicoptère en flammes. - C’est TOI qu’as balancé mes chaussettes ? rugit Charles. - Quoi… tes chaussettes ? - Je les avais mises au sale et je viens de les retrouver dans la poubelle ! Hmmm, je sais ce que je fais. Je sais pourquoi je le fais mais... j’avoue que je ne m’attendais pas à un retour aussi brutal du boomerang. «Assume : la meilleur défense c’est l’attaque !» me suggère la Petite Voix qui habite dans ma tête. Au point où j’en suis, pourquoi pas ? - Parfaitement ! C’est MOI et tu sais pourquoi ? Parce que
j’en ai marre de tes chaussettes qui puent tellement qu’elles contaminent toute la lessive. La semaine dernière, mon pull bleu, on aurait dit qu’il sortait d’une porcherie ! Deux poignes d’acier m’arrachent du sol. - Tu vas laver mes chaussettes ! - Ça va pas la tête ?!? - TU VAS LAVER MES CHAUSSETTES ! - Du calme ! Je suis secouée comme une poupée entre les pattes de King-Kong. Rarement vu mon frère dans une telle colère. J’ai peur. Et s’il m’étranglait ? «N’importe quoi...!» pouffe ma Petite Voix. N’empêche, j’aime autant lâcher (et qu’il me lâche, surtout) ! Au terme d’une négociation serrée, j’obtiens de jeter les socks… au lave-linge (moins dégoûtant que de les frotter À LA MAIN ce que mon tortionnaire de frère prétendait me faire faire). Il m’observe l’air méfiant sélectionner le programme, verser la lessive, l’assouplissant (parfum lavande, si seulement...). - T’es sûre que tu sais faire marcher la machine, au moins ? - Évidemment ! Je l’ai déjà fait plein de fois, pas toi ? - Euh... Non... Une idée me vient : - Tu connais l’expression «laver son linge sale en famille» ? Pas de réaction. - Ça veut dire qu’on se bagarre une bonne fois et après STOP ! j’enchaîne. - Je vois pas le rapport... - C’est simple pourtant : si on arrêtait de se disputer toi et moi, on pourrait faire des trucs vachement plus intéressants… Rictus plein de dédain : - Ah ouais ? - Mettons… je pourrais t’expliquer les programmes du lave-linge, et toi... euh… me montrer comment remettre la chaine de mon vélo quand il déraille… Énorme éclat de rire : - C’est toi qui dérailles, ha ha ha ! - Myriam qui est dans ma classe, elle s’entend super bien avec son frangin je te signale, poursuis-je stoïquement, elle lui apprend des recettes de cuisine, ils s’entraînent pour le triathlon, il lui explique les… Touit touit touit touit… Mon téléphone sonne. Coup d’œil à l’écran. Camille. Je décroche :
- Attends, je monte dans ma chambre (à l’abri des scuds fraternels). - Ca va ? me lance gaiement ma copine. - Booof… - T’sais quoi t’sais quoi ? - Nan, mais je vais savoir, je sens ! À tous les coups elle va m’annoncer encore un scoop de sa vie mirifique, histoire de m’enfoncer un peu plus LA TÊTE SOUS L’EAU, style elle a dîné avec le chanteur de TOO BOO (mon groupe préféré), s’est fait offrir un scooter plaqué or ou le dernier phone de la mort… - Je pars demain faire un stage de plongée en Martinique et… - Ch’uis au courant ! je soupire (elle a passé des heures à me bassiner avec les poissons qui l’attendent dans les lagons bleus)… - Tu me laisses finir, s’te plaît ? Ce que tu ne sais pas, c’est que le groupe de heavy-métal australien que mon père co-produit débarque à Paris et qu’il est obligé de s’occuper d’eux et tout et… bref Papa ne vient plus avec moi. - Ah… QUI dois-je plaindre ? Camille ? Son père ? Et MOI, qui me plaindra ? - Donc, sa place est LIBRE. Et c’est une place échangeable. Tu me suis ? - Euh… - Ca veut dire que la place de Papa elle est pour TOI, Marion ! - Nooon ? - Siii ! Départ après-demain jeudi, on va s’éclater comme des folles ! Les plus belles vacances de notre vie ! T’es chez toi, là ? - Ben oui… - J’arrive ! YEEESSS ! Le cri de joie que je pousse déchire l’air… et provoque l’irruption de mon frère. - Qu’est-ce qui se passe ? - Je pars faire un stage de plongée sous-marine en Martinique avec Camille ! Le visage de Charles se transforme en masque… de DÉPIT. - Quoi ? C’est dégueulasse ! Ça t’intéresse même pas la plongée ! - Han, han ! T’es jaloux ? Y a qu’à toi qu’il peut arriver des choses bien dans la vie ? Bras croisés, air buté, il ressemble à un enfant boudeur. - Et les parents ? Tu leur as demandé leur avis ? Ils sont d'accord ? Ça m'étonnerait !
Oups. Dans mon enthousiasme je n’ai pas pensé à ce détail. - Et pourquoi ils seraient pas d’accord, d’abord ? Un cadeau pareil ! Rien à payer ! Juste à dire OUI ! - Sauf que c’était pas prévu, pis ça peut être dangereux, y a des requins là-bas, des barrières de corail, des barracudas, les bouteilles d’oxygène ça tombe en panne et les... La puissance toxique de ce type m’étrangle. Je ne veux plus l’entendre. J’envoie un texto à Camille : VIENS PAS CHEZ MOI C MOI KI VIENS CHEZ TOI Une heure plus tard, tranquilles dans le vaste living des Moquin (nom de famille de Camille), nous mettons au point notre tactique. Appelons-la : COMMANDO APÉRO. Procédure : encercler mes parents dès leur retour du boulot. Objectif : leur extorquer un OUI à mon séjour antillais sans échappatoire possible. • Temps N°1 Camille téléphone à son père. Ça donne à peu près ça : - Hé papa, on est invités à prendre l’apéritif chez les parents de Marion. Faut que tu leur VENDES le stage de plongée en mode super-méga-rassurant. Pas question qu’ils disent non, t’entends ? Allez rentre vite ! Je t’attends ! • Temps N°2 On prépare un kit-apéritif 4 étoiles. Chez ma copine, rien de plus facile. Noix de cajou, chips haut de gamme, saucissons variés, large choix de sodas, alcools et amuse-gueules en tous genres : les placards de sa cuisine ressemblent à une épicerie de luxe – le contraire des miens. On y fait notre marché. Puis on range le tout dans un joli cabas que je me charge de rapporter à la maison incognito (Camille ayant une fâcheuse tendance à trouver Charles TROP CRAQUANT TROP BEAU GOSSE ET SUPER MARRANT EN PLUS – on parle du même ? – j’ai dû déployer une énergie de malade pour la convaincre que notre plan doit s’accomplir dans le plus grand secret, sans qu’il y mette son vilain nez…). 18h33. Dix minutes que je suis rentrée. Tout est paré. Apéro planqué dans l’armoire du salon. J’entends Charles bouger en haut dans sa chambre, mais j’ai agi si discrètement que lui n’a pas flairé ma présence. 18h37. Dès le premier grincement de la grille, je textote à Camille : MES REMPS SONT LÀ ARRIVE VITE MAGNE 18h41. Maman s’écroule dans un fauteuil au cri de «Machard – c’est son boss – m’a tuée», Papa avale une aspirine en soupirant : «et moi j’ai un mal de tête à crever»,
quand… DRING, on sonne ! - Oh nooon ! Qui vient nous embêter à cette heure-ci ? gémissent mes parents en chœur. Je me précipite à la porte : Camille est plantée sur le paillasson, joviale, flanquée de son père cravaté (une première, je ne l’ai jamais vu qu’en tee-shirt ou chemise à fleurs). Je les fais entrer. François Moquin s’avance, main tendue, sourire conquérant : - Chère Madame, cher Monsieur comme c’est gentil à vous de nous inviter ainsi… Gloup gloup… Pendant que mes parents font des tronches de poissons pris à l’hameçon, Camille et moi dégainons nos armes. Plateaux. Bouteilles. Porto ? Whisky soda ? Glaçons ? Une p’tite tranche de saucisson, Mamounette ? 19h13. Adjugé ! Le père de Camille replie la brochure « PLONGÉE EN MARTINIQUE » qui lui a servi à emballer mes parents comme deux sardines dans un sac plastique. -À nous le GRAND BLEU ! me glisse ma copine avant d’ajouter, mutine : Ton frère est là ? J’aimerais bien lui faire coucou... Grrr ! Ça la reprend ! Je la pousse doucement mais fermement vers la sortie : - Ben oui mais non parce que moi, tu vois, comme je te l’ai DÉJÀ dit : j’aime mieux PAS !
Chapitre 2 Bienvenue au Paradis-sur-Mer Je ne m’appesentirai pas sur les heures précédant mon départ. Disons simplement que Charles, dévasté par le succès de ma stratégie à laquelle il n’a rien capté, déploie un max de maléfices. Quelques exemples en passant ? • Mercredi matin, il me glisse, perfide : «Dommage que tu partes : j’ai une soirée avec Félix samedi, je voulais t’emmener...» Comme par hasard ! Je ne me laisse pas prendre à des ficelles aussi grossières – Félix, je le précise, est son meilleur ami et le plus irrésistible garçon qu’il m’ait été donné de croiser sur terre, son seul défaut étant de ne pas faire SUFFISAMMENT attention à moi, mais cela est une autre histoire, on en reparlera peut-être.
• Après quoi mon frère pique mes tongs et mon maillot pour les jeter… à la poubelle ! Évidente allusion à l’affaire des chaussettes, que je me garde bien de relever. • Puis il vide un flacon de shampooing dans ma trousse de toilette que je viens de remplir (amoureusement) et que j’ai laissée (imprudemment j’avoue) quelques instants sans surveillance au bord du lavabo. Âge mental (lui) : deux ans. Nettoyage (moi) : deux heures. Je reste d’une zenitude absolue. Je ne suis pas à ça près. À vrai dire je suis déjà loin. Au-dessus des nuages et des contrariétés… Au moment de partir, cependant, entre deux bisoux frisquets, je balance au creux de son oreille la petite phrase que je rumine depuis la veille : - Tu me traites de naine mais c’est TOI le NAIN, tu es un être bas et mesquin, je te plains… Paroles qui me valent un violent pinçon, auquel je réponds par une baffe à laquelle il réplique par une rafale de coups de poings auxquels je réagis par des cris qui arrachent à notre mère ce hurlement : - STOP ! ÇA SUFFIT ! Charles, dans ta chambre ! Marion, en voiture ! Pendant sept jours on ne va plus entendre vos disputes, ça va nous faire des VACANCES, je vous jure ! Orly Sud. Hall des vols Caraïbes. Dès qu’elle m’aperçoit, Camille accourt et m’embrasse comme du bon pain : - Je suis TROOOP contente de partir avec toi, Marion ! Rien ne peut me faire plus plaisir, t’es ma meilleure copine je t’adore. J’en rougis presque. J’adore qu’on m’adore. - Alleeez, tu préférerais partir avec ton papa quand même ! je minaude, entre fausse modestie et espoir d’un rab d’adoration… Gagné ! D’un bref coup d’œil, ma copine vérifie que son père est occupé à parler avec mes parents, puis enchaîne : - Sûrement pas ! Mon père je le vois trop. Toi, jamais assez ! Tu sais combien de pays j’ai visités avec lui ? On a fait le compte tout à l’heure dans le taxi… «Te laisse pas impressionner, dis un chiffre énorme !» me souffle ma Petite Voix : - Dix ? - Trente-sept ! Aïe. Camille et moi on ne boxe pas dans la même catégorie. Quand j’ai tendance à l’oublier, la réalité se charge de me le rappeler. Elle gâtissimée. Moi, sous-équipée. Qu’importe. L’euphorie l’emporte et nous emporte.
Embarquement immédiat. Au revoir Maman, au revoir les Papas… Le vol passe comme une fusée. Juste le temps de piapiater, zigzapper entre les programmes télé (chacune notre écran incrusté dans le siège de devant, la classe !), déguster nos copieux plateaux-repas (foie gras, salade de mesclun, veau aux champignons, camembert, tiramisu – quand François Moquin prend des billets d’avion il ne choisit pas l’option sandwich ; l’hôtesse nous propose même du champagne – on a l’air si business que ça ?), étudier (surtout moi) la brochure entrevue à la maison et que Camille a eu la bonne idée de glisser dans son sac. Anémones de mer, hippocampes, poissons-papillons-perroquets-chevaliers qui ont l’air habillés par des créateurs haute couture, plongeurs bras dessus bras dessous, affichant des sourires banane, United-colors-of-le-bonheur-sous-les-cocotiers... Je vais vivre tout ça, MOI ? J’ai du mal à y croire ! À l’Aéroport de Fort-de-France, une vague angoisse me saisit : et si personne ne vient nous chercher ? On va où ? On fait quoi ? Inquiétude de courte durée. Avant que nos bagages arrivent sur le tapis roulant, Camille me balance un coup de coude. - Regarde là-bas, on est attendues ! De l’autre côté d’un couloir vitré, je lis ce message sur une ardoise brandie par une Antillaise en short et polo blancs : BONJOUR CAMILLLE ! BONJOUR MARION ! La dame tourne la tête de l’autre côté. J’en profite pour la scanner. La quarantaine, jambes musclées, allure sportive, cheveux très courts, baskets argentées, lunettes noires à monture strass sur le front, téléphone collé à l’oreille, elle parle, parle, parle, regarde sa montre… Dix minutes plus tard, on est en face d’elle. Elle nous tend la main : - Marie-Jo Saint-Eloi, directrice. Vous avez fait bon voyage ? Sans attendre la réponse, elle se dirige vers la sortie. On lui emboîte le pas, flanquées de nos valises à roulettes… Elle ne tarde pas à nous distancer puis elle se retourne et tape dans ses mains : - Hop, hop, hop ! On se bouge le popotin ! Les autres stagiaires nous attendent pour le dîner.