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Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes

Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes

9-12 ans - 18 pages, 2604 mots | 21 minutes de lecture | © HongFei, 2018, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes

9-12 ans - 21 minutes

Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes

Un roi tyrannique père de trois garçons dont les infirmités respectives (sourd, aveugle et muet) symbolisent ses fautes à l’égard de son peuple, est chassé de son trône. Seul, son deuxième fils, Oddvin, échappe au chaos. Aveugle, guidé par son renne Pernelius, il entame un voyage vers le grand nord au cours duquel il rencontre une série d’animaux. Humble, Oddvin sait recevoir d’eux de précieux présents. Le cœur éclairé, son retour dans le royaume perdu est possible...

"Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes

Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes de Franck Prévot et Régis Lejonc aux éditions Hongfei


Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes
Cette histoire commence le jour où la reine enfanta. Mais elle commence aussi le jour où le roi repu, rotant sans retenue, brandit devant la foule ébahie les trois rejetons mâles et joufflus que sa moitié venait de mettre au monde, seule. La reine gémissait encore du travail de l’accouchement mais les nobles du royaume ne l’entendaient pas. Pas plus qu’ils ne la regardaient, occupés qu’ils étaient à dévorer lièvres en gibelotte, renardeaux en civet, oursons en papillotes, pot-au-feu ou marinade : tandis que des serviteurs remplissaient de bière fermentée les timbales des noceurs, l’attention de ces derniers se partageait entre la ripaille et l’arrogante fierté de leur souverain. Et quand on découvrit que son premier fils avait une langue d’or, le deuxième des yeux d’or et le troisième des oreilles d’or, le roi exulta ! « Quelle merveille ! s’étouffa-t-il. Je suis devenu si riche et si bien portant que, lorsque j’engrosse la reine, elle ne me donne pas un enfant, mais trois beaux garçons déjà pleins d’or ! À croire que l’or coule dans mes veines ! Qui sait si les trois prochains ne seront pas des statues dorées tout entières ? » Réjoui, il déposa un baiser dégoulinant de graisse sur le ventre de la reine sans même croiser le regard de celle-ci, et s’empressa de se joindre aux convives qui l’invitaient déjà à arroser dignement le miracle aurifère, si bien qu’à l’aube chacun s’écroula d’avoir tant mangé et tant bu.
Pourtant, lorsque le jour parut et que les fêtards se furent dispersés, le roi retrouva la reine en larmes. Une de ses suivantes venait de lui annoncer que son premier enfant serait irrémédiablement muet. Le deuxième tout à fait aveugle. Et le troisième forcément sourd. « Et alors ? s’emporta le roi. À quoi bon entendre, voir ou parler, quand on est si riche ? Cesse donc tes jérémiades, la reine ! S’il ne tient qu’à ça, nous leur achèterons des yeux, une langue et des oreilles ! » Ce qui fut fait. En guise de langue on offrit à l’aîné, qu’on baptisa Annved, un perroquet spécialement rapporté des îles lointaines. À Oddvin le cadet on confia un jeune renne dressé pour le guider dans ses déplacements. Et Samî le benjamin reçut un chien que le moindre bruit mettait en alerte. Enfin, pour présenter officiellement à leur cour les trois princes et les animaux esclaves au service de leurs sens, le roi et la reine donnèrent un banquet plus fastueux et plus orgiaque encore que le précédent. Toute nourriture comestible ayant été confisquée pour être servie au palais, le peuple se terra pour ronger des racines. C’est ainsi. Les trois frères grandirent, et leur père, à grand renfort de calottes royales, leur fit rapidement passer l’idée de se plaindre de leurs infirmités respectives. Aîné des trois, plus musclé, plus endurant, montrant les meilleures dispositions pour la chasse, Annved avait les faveurs du roi, qui appréciait par-dessus tout que ce prince héritier ne lui coupe jamais la parole. La reine, elle, montrait une affection toute particulière pour Samî, son petit dernier qui ne la quittait jamais des yeux. Alors, ayant placé les deux autres en nourrice, elle lui réserva tout ce que ses seins pouvaient produire de lait et d’amour, jusqu’à l’âge de deux ans.
Oddvin, quant à lui, grandit seul auprès de Pernelius, son renne. Doué d’une ouïe hors du commun, le garçon comprenait de mieux en mieux le langage de son compagnon. Ne se nourrissant que lorsqu’il y pensait, il était maigre comme un fils de pauvre mais, à l’âge de douze ans, il était capable d’avoir de véritables conversations avec Pern’, comme il surnommait l’animal. Ainsi, le renne put dès lors lui décrire tout ce qu’il voyait. Le garçon aimait lui dire qu’il était ses yeux, et tous deux, grâce au peu d’attention que leur consacraient la reine et le roi, partaient régulièrement pour des excursions en forêt ou à travers la toundra.