Extrait du livre Paris paradis (quatrième partie)
Paris-Paradis (quatrième partie) de Didier Jean, ZAD et Bénédicte Nemo aux éditions Utopique
Résumé des épisodes précédents : Moussa rêve de goûter au sirop de ParisParadis. Il suit le chemin des mirages et traverse la mer sur un bateau qui ne demande qu'à chavirer. Surmontant bien des obstacles, il débarque enfin à Paris, avec l'aide de Chloé, une jeune Toulousaine dont il tombe amoureux. Moussa cache mal sa déception lorsqu'il réalise qu'en France ses fiers cousins vivent misérablement. Pourtant, fidèle à la parole donnée, il envoie chaque mois de l'argent à Saka-Mama, sa mère, grâce à son travail sur des chantiers. Le jeune sans-papiers a même des projets d'avenir avec Chloé, lorsqu'un jour il est arrêté...
Le sirop de Paris-Paradis prend un goût amer lorsque Moussa se retrouve au commissariat. On lui demande ses papiers, mais le fils de Saka-Mama n'en a pas. On l'interroge sur sa nationalité, mais Moussa se tait. Il sait qu'il ne faut pas révéler d'où il vient, sous peine d'être aussitôt expulsé. Ne dit-on pas que le silence est un ami qui ne trahit jamais ? Malgré sa prudence, le jeune homme est placé en garde à vue comme un vrai criminel.
À l'étroit dans une cellule avec cinq autres prisonniers, Moussa se referme comme une huître. Le jeune homme va où ses pensées l'emportent. Il songe douloureusement à Chloé, qui lui manque. Quand pourra-t-il à nouveau lui parler, la serrer dans ses bras ? L'attente est plus dure à supporter que la brûlure du feu. Des heures durant, il plonge dans sa mémoire et se souvient d'une lettre de sa mère, lui rappelant qu'elle n'a jamais souhaité son départ...
« ... Voilà pourquoi, lui écrivait-elle, l'argent que tu m'envoies, mon fils, je ne le garde pas pour moi. Je le distribue aux plus démunis. Comme Rokia, seule avec ses trois petits, depuis qu'elle a perdu son mari ; ou encore le vieux Sumaï, qui ne peut plus travailler depuis qu'il s'est blessé... Tous te remercient. »
Comme bien d'autres avant lui, Moussa est transféré dans un centre de rétention. On lui rend ses clefs, son argent, sa ceinture, et même son téléphone. Parce qu'il n'a pas de caméra, lui explique l'homme en uniforme. Le jeune sans-papiers pénètre dans la cour grillagée de l'établissement, où il s'étonne de trouver une balançoire, un toboggan et un animal à bascule. « Mais que font des enfants dans cette prison qui ne dit pas son nom ?! » s'interroge-t-il.
On conduit le jeune retenu vers une petite pièce qu'il partagera avec Jalil, un Marocain, bien silencieux. Moussa, lui, a besoin de parler pour soulager son ventre rongé par la peur. Aussitôt, il appelle Chloé. Il lui raconte, d'une voix agitée, qu'il craint d'être expulsé avant même de la revoir. Le soleil se couche, mais le malheur ne se couche pas, conclut-il, résigné. Aussitôt, la jeune femme décide de prendre le premier train pour Paris.