Extrait du livre Bébé attaque Gudule
Bébé attaque Gudule (Fanny Joly et Roser Capdevila)
Je m’appelle Gudule. J’ai le même pantalon à fleurs que ma maman. C’est elle qui l’a cousu. Elle est très forte en couture. Mon papa aussi est très gentil. Quand je lui donne un chewing-gum, il me fait des bulles énormes. A part ça, il va au bureau. Il travaille dans les banquiers.
L’hiver dernier, il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire. J’ai eu un bébé. Un vrai ! C’est mon petit frère. Il s’appelle Gaston.
Quand on m’a annoncé que j’attendais ce bébé, j’ai eu un peu peur, au début. Des amis mal renseignés, comme cette chipie de Marie-Aglaé, m’avaient raconté que les bébés sont très pénibles, qu’ils vomissent, qu’ils pleurent sans arrêt, et tout et tout… Mais au fond de mon cœur, je savais que ce bébé ferait mon bonheur, que j’allais le nourrir et l’éduquer pour qu’il devienne quelqu’un de formidable. Un peu comme moi, mais en garçon.
Bien avant que mon bébé arrive, j’imaginais déjà dans ma tête tout ce qu’on ferait à deux. On ferait la cuisine tous les deux. Moi, je serais le chef. Lui, il serait le rôti. On ferait des explorations tous les deux. Moi, je serais la princesse du désert. Et lui, par exemple, une momie. On ferait de la danse tous les deux. Moi, je serais la danseuse étoile, lui, il brancherait les projecteurs sur moi.
Quand Gaston est arrivé à la maison, il était tout rouge et tout fripé, avec les cheveux collés, Mais ce qui m’a surtout inquiétée, c’est qu’il était sage. Terriblement sage. Maman disait : « D’une sagesse rare ! » Moi, je pensais : « D’une sagesse grave ! » Du matin au soir et du soir au matin, il dormait, dormait, dormait, ses petits poings serrés sur l’oreiller, comme une moule sur son rocher.
Parfois, quand même, il ouvrait l’œil. Surtout au moment des biberons. Il les lapait. Un vrai petit chaton. Trop mignon. Un jour, il m’a fait des drôles de grimaces. J’ai cru qu’il voulait jouer aux cosmonautes perdus dans l’espace. Mais non. Deux minutes après, il est retombé comme un tas de chiffons. Maman l’a remis dans son berceau. Et re-dodo.