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Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata

Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata

9-12 ans - 84 pages, 26015 mots | 3 heures 08 minutes de lecture | © Utopique, 2022, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata

9-12 ans - 3 heures 08 minutes

Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata

Ce roman est la suite de Deux mains pour le dire. On retrouve avec délice les personnages hauts en couleurs qui ont fait le succès du premier tome. Une histoire pleine de suspens qui permet d'aborder le thème de l'esclavage moderne.

Après un an passé aux Pays-Bas, où il s’est pris d’affection pour Hilda, Jonathan est de retour dans son ancien quartier. Notre héros retrouve son meilleur copain, Manuel, et est ravi de faire la connaissance de Lisa, jeune fille sourde, qui communique grâce à la langue des signes, et dont lui a beaucoup parlé Manuel dans ses lettres.

Alors que dans Deux mains pour le dire (tome 1), Manuel et Lisa étaient au premier plan, ici, c’est Jonathan qui tient le rôle principal.

"Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata

Deux mains pour le dire : L'affaire Aminata de Didier Jean et Zad aux éditions Utopique


Deux mains pour le dire - L'affaire Aminata
Résumé de la première partie En rentrant de vacances, Manuel est très déçu : son meilleur copain, Jonathan, a déménagé en Hollande. Dans les lettres qu’ils échangent, Manuel lui explique que la fille des nouveaux locataires, Lisa, est bizarre. Elle ne répond pas quand on lui dit bonjour et ne se retourne même pas quand on l’appelle. Vexé, Manuel commence par la détester. Mais lorsqu’il apprend que la jolie Lisa est sourde, le garçon change d’attitude. Pour elle, il va apprendre la langue des signes, et découvrir toute la difficulté d’être sourd dans un monde d’entendants. Chapitre 1 Du rez-de-chaussée, mes parents me pressent. – Il est l’heure de partir, Jonathan ! Les déménageurs font claquer les portes du camion. J’attrape mon skate posé contre le mur et, par la petite fenêtre de ma chambre vide, je jette un coup d’œil au canal qui longe notre immeuble. Je repense à ce vieil homme qui y pêchait souvent l’après-midi. Chaque poisson qu’il attrapait finissait dans le bec d’un héron patientant non loin de lui. Au début de notre installation dans cette ville étrangère, j’étais seul et un peu jaloux de leur amitié... Pour ralentir ces derniers instants, je descends l’escalier tout doucement. Je fais une pause à chacun des trois étages. Mon regard balaie les pièces, une à une. – Bon ! Jonathan, il faut y aller, maintenant !
me lance mon père, impatient. Dans la rue, je pose une dernière fois les yeux sur cette maison si étroite, comme on en voit tant à Amsterdam. À regret, je me glisse avec mon skate sur la banquette arrière où s’entassent les valises qui n’ont pas trouvé leur place dans le coffre. Soudain, j’entends des pas, des sandales claquent sur le trottoir derrière la voiture. Une voix crie de loin : – Wachten, Jonathan ! Hilda m’avait promis de venir pour mon départ et elle a tenu parole. Je suis vraiment content de la voir... Même super ému. Et moi, quand je suis super ému, ça me coupe le son. Dire que, pendant des mois, cette fille m’a énervé ! Nous n’étions pas dans la même classe, mais lorsque je la croisais, je la trouvais trop sûre d’elle, moqueuse, prétentieuse... Et puis il y a eu ce jour où nous nous sommes retrouvés face à face, à la même table, à la cantine. Ses yeux dans les miens, curieux et amusés. Ce jour-là, on s’est dit bonjour pour la première fois. Une autre occasion s’est présentée lorsque nous avons été invités à l’anniversaire de Roguen. Dans la salle où l’on dansait, plusieurs couples s’étaient formés. Moi, je n’ai pas osé m’avancer. Je croisais sans cesse son regard, seulement, comme une andouille, je baissais le mien, incapable d’aller vers elle, alors que j’en mourais d’envie. Ce qu’on peut être bête, parfois ! Ce jour-là, on s’est quand même dit au revoir pour la première fois. Et puis un bienheureux hasard a fait que je me suis affalé devant elle en jouant au foot dans la cour avec les copains. Elle m’a tendu simplement un mouchoir pour éponger le sang qui coulait de mon genou, éclairant toute ma semaine de son sourire étourdissant. J’ai laissé parler les copains qui pensaient que j’avais le tournis à cause de ma chute. Maintenant, j’avoue que ce mouchoir au parfum vanillé m’avait ensorcelé et je l’ai gardé longtemps dans ma poche, sans le laver ni le rendre à Hilda. Me voilà aujourd’hui face à elle, troublé, et même paralysé par sa beauté. Bien sûr, je reste aussi muet qu’une carpe. Pourquoi n’ai-je jamais réussi à lui dire qu’elle est de toutes mes pensées ?
Je sors de la voiture aussitôt, mais je reste, comme un idiot, planté maladroitement devant elle. Un léger sourire s’épanouit sur son visage et me rassure. Au fond de moi, je sais qu’elle le sait. Il lui a suffi de le lire dans mes yeux. Elle me prend la main, où je sens qu’elle glisse quelque chose. – Au revoir, Jonathan, murmure-t-elle en néerlandais. Et je réponds d’une voix toute serrée, comme privé de respiration. – Au revoir, Hilda. Ses yeux flamboient et me mettent à nu lorsqu’elle se penche vers moi. Elle me dépose une bise timide sur la joue, mes mains tentent de la retenir mais elle m’échappe et s’éloigne à tire-d’aile. Je suis certain qu’elle aussi a les larmes prêtes à déborder. Une fois dans la voiture, je trouve, au creux de ma paume, un petit papier plié. C’est mon adresse ! Écris-moi, Jonathan ! Hilda Aujourd’hui est un grand jour. C’est bizarre, je suis triste et heureux à la fois. Triste parce que je quitte la Hollande, où, pendant un an, j’ai collectionné des souvenirs, dont les plus précieux avec Hilda. Heureux parce que je rentre en France, où je vais retrouver Manuel, mon ami d’enfance. Gentiment, mes parents respectent mon silence. Papa improvise même une ultime balade en voiture dans notre quartier. À la demande de Maman, il fait une pause pour acheter du gouda au cumin... Une dernière fois. Puis nous quittons la ville, traversons les faubourgs, avant de prendre la direction du sud. Peu à peu, les paysages monotones de champs à perte de vue ont raison de moi, et je sombre. C’est l’absence de mouvement qui me réveille. – On va passer la frontière avec la Belgique, m’explique ma mère, voyant que je ne dors plus. – Mais vu la file d’attente, ce n’est pas pour tout de suite, ajoute mon père en soupirant. Au bout d’un quart d’heure, il se décide à sortir pour voir ce qu’il se passe.
– Une trentaine de bagnoles est arrêtée devant nous, nous apprend-il une fois de retour dans la voiture. J’ai vu des policiers armés autour d’une camionnette garée sur le côté. Ils ont fait sortir le conducteur et deux passagers. La file recommence à avancer par à-coups. Lorsque nous passons à proximité du véhicule contrôlé, les policiers sont en train d’extraire des sacs par l’arrière. Les trois hommes sont menottés et emmenés hors de notre vue. – Qu’est-ce qu’ils ont fait, ces gens ? Est-ce qu’on va nous arrêter, nous aussi ? Ma mère choisit le ton de la plaisanterie pour me rassurer : – Nous ne transportons ni drogue, ni armes à feu, ni faux billets de banque, alors je crois, mon chéri, que nous ne craignons rien, me répond-elle, tout sourire. Rendors-toi, je te préviendrai quand on s’arrêtera pour manger un morceau. Mais cet incident m’a définitivement réveillé, et je repense à Manu. J’ai vraiment hâte de le revoir. Bien sûr, nous avons régulièrement échangé des lettres, pourtant ça fait quand même un an que nous ne nous sommes pas revus. Quand on est venus en France avec mes parents pour les vacances de Noël, c’est lui qui était absent. Alors, j’ai un peu le trac. Est-ce que l’on sera toujours amis ? Et puis... je vais enfin rencontrer sa copine, Lisa. Manu m’en parle dans chacune de ses lettres. Elle et sa famille ont emménagé dans l’appartement que j’occupais avec mes parents, avant notre départ pour la Hollande. C’est comme ça qu’ils se sont rencontrés. Pourtant, au début, je me souviens que le courant ne passait pas trop entre eux. Manuel m’a raconté qu’il la prenait pour une folle. Jusqu’au jour où il a découvert que Lisa était sourde et qu’elle s’exprimait grâce à la langue des signes. Elle ne parlait pas... enfin, pas comme lui et moi. Peu à peu, il a pris le temps de la connaître. Sans doute parce qu’il la trouvait très jolie ! Maintenant qu’il a une amoureuse, Manuel n’a peut-être plus besoin de moi... Pour me changer les idées, j’occupe le restant
du voyage à suivre les étapes. Nous traversons ainsi Anvers, puis Bruxelles... Le franchissement de la frontière avec la France se passe plus rapidement. Mon père se prend à rêver : – J’espère qu’un jour il n’y aura plus de frontières, et qu’on pourra circuler librement dans toute l’Europe sans sortir son passeport ! En attendant, le voyage est interminable et si, par bonheur, l’avenir pouvait inventer la téléportation, je serais soulagé. Après Lille, une discussion un peu tendue entre mes parents attire mon attention. Mon père, qui va intégrer un poste de cadre au siège social de son entreprise, s’inquiète de l’accueil qu’il va recevoir auprès de ses collègues. Sa promotion aura peut-être fait des jaloux... – C’est moi qui devrais m’inquiéter, lui répond vertement ma mère. J’avais enfin trouvé un bon travail, à Amsterdam, et, en France, je dois encore repartir à zéro. – Mais on en a déjà parlé, ma chérie. Tu étais d’accord pour que je saisisse cette opportunité... Et puis, tu n’es pas obligée de travailler. Avec ma paie, nous avons de quoi vivre confortablement tous les trois. – Moi, j’ai envie de travailler ! réplique ma mère. Je ne veux pas rester toute seule à la maison à regarder ma vie passer ! Comme le ton est monté brutalement, j’opère une petite diversion, en chouinant, technique imparable pour couper court aux engueulades. En général, ça suffit pour stopper les disputes parentales. – J’ai faim ! Quand est-ce qu’on arrive ? Mon père me propose alors de jouer le copilote pour me faire patienter. Il me tend une carte pardessus son épaule. – Dis, fiston, si tu m’aidais un peu pour la route ?! Après l’avoir dépliée, je plonge le nez dans la carte, puis annonce fièrement : – Prochaine étape : Arras, 62 kilomètres. – Ah, Arras ! s’exclame mon père. Mais c’est là que j’ai fait mon service militaire ! J’ai une petite surprise pour vous... ajoute-t-il mystérieusement. Une heure plus tard, Papa arrête la voiture devant la boulangerie « Aux délices du Palais ». Il revient au bout de quelques minutes avec trois
beaux croissants au beurre, une baguette croustillante et une tablette de chocolat au lait. – La boulangère n’avait pas changé. À part quelques rides... Mais si le pain est aussi bon qu’il y a quinze ans, on va se régaler ! Hmm ! cette odeur... Cette fois, nous sommes bien de retour en France. Chapitre 2 Il est déjà un peu tard lorsque nous arrivons à destination. Nous retrouvons notre quartier qui, en un an, n’a presque pas changé : le parvis où, Manuel et moi, on se retrouvait pour jouer au basket ; la supérette où nos parents nous envoyaient faire les courses ; la boulangerie ; le boucher... Petite nouveauté : le restaurant de la rue Jean-Jaurès a installé une terrasse donnant sur le square. – Tiens ! Voilà Mme Rodriguez qui sort les poubelles... remarque mon père. La gardienne de notre ancien bâtiment vient à notre rencontre pour nous saluer. – Ah ! les Hollandais ! Contente de vous revoir ! Vous nous avez manqué ! Tous les locataires étaient d’accord avec moi. Oh, le p’tit Jonathan, comme il a grandi ! Ça lui fait combien maintenant ? – Il va sur ses douze ans, répond ma mère en
m’ébouriffant les cheveux. – Il va retrouver son Manuel ! Lui aussi, il a bien grandi. Il est au collège maintenant... Tandis que les adultes échangent quelques nouvelles, je lève les yeux vers l’appartement de mon ami, espérant l’apercevoir... En ce mois d’août, le soleil claque encore sur les fenêtres de cette façade si familière. Pas trace de Manuel. À regret, je me tourne vers mon nouvel immeuble qui, par chance, est dans la même rue. Mon père est un peu contrarié, car les déménageurs ne sont toujours pas arrivés. Alors, en attendant, il nous propose de faire le tour de l’appartement. Ce dernier est plus vaste, plus lumineux et plus moderne que celui que nous habitions avant notre départ pour la Hollande. Mes parents m’ont réservé une bonne surprise. La chambre qu’ils me destinent donne sur le bâtiment de Manuel ! On pourra se faire des signes. C’est déjà ça ! Après deux ou trois voyages pour vider la voiture, je demande la permission d’aller le retrouver. – D’accord, mais tu ne rentres pas trop tard, répond ma mère, nous aurons besoin de toi lorsque les déménageurs vont débarquer ! – Promis, Maman. Si ça se trouve, Manu pourra même venir nous aider... Je me précipite aussitôt dans l’ascenseur. J’adore la sensation de monter et descendre en appuyant juste sur un bouton. Ça me procure une drôle de sensation dans le ventre. J’aime et j’aime pas, tout à la fois. Quelques minutes plus tard, je sonne à la porte de mon ami. J’ai le cœur battant. Est-ce l’émotion des retrouvailles ou les six étages avalés quatre à quatre ? Car cette HLM déjà très ancienne n’a pas d’ascenseur. C’est la petite sœur de mon pote qui ouvre. – Ah ! Bonjour, Coline. Est-ce que Manu est là ? – Ben non, il est aux courses avec Maman. Ma déception est à la hauteur de mon impatience. – Bon, je repasserai... Steuplaît, tu lui diras que je suis arrivé ? Déçu, je vais pour redescendre quand Coline ouvre à nouveau la porte avec fougue et s’écrie :
– C’est une blague ! Il est là, il t’attend depuis le début de l’après-midi... Puis, se tournant vers l’intérieur de l’appartement, elle hurle : – Manuel ! Jonathan est arrivé ! Mon copain surgit dans l’entrée et me tombe dans les bras. – JONATHAN !!! Après avoir salué les parents de mon ami, qui eux aussi semblent très contents de me revoir, je le suis dans sa chambre. Sa sœur essaie bien de se faufiler avec nous, mais Manu l’expulse sans délai hors de son territoire. – Vous avez des secrets, c’est ça ?! insiste Coline la curieuse. – Ça te regarde pas, fiche-nous la paix, lui répond son frère avec fermeté. – MAMAN !!! Manu, il veut pas que j’entre dans sa chambre... – Mais laisse-les donc tranquilles, ma chérie ! Ils ne se sont pas vus depuis si longtemps... Ils ont des choses à se raconter. Viens, on va jouer aux petits chevaux, toutes les deux ! Enfin seuls, on ouvre la boîte à souvenirs. – Alors, comment ça s’est passé, la Hollande ? Raconte un peu ! – Au début, je te cache pas, c’était dur... – C’est vrai que, dans tes premières lettres, t’avais pas l’air d’avoir le moral. – Oh oui ! Une vraie galère pour apprendre le néerlandais. Tu te souviens, je n’ai pas pu aller à l’École française d’Amsterdam. Du coup, mes parents m’ont inscrit à une école hollandaise, dans une classe de niveau inférieur... où les enfants avaient tous deux ou trois ans de moins que moi ! – Et en plus j’imagine que ça ne doit pas être facile de se faire des copains quand on parle pas la même langue. – Heureusement, j’ai sympathisé rapidement avec Roguen. Les autres ne prenaient pas la peine de m’inclure dans leurs jeux. Roguen, lui, il me comprenait bien, même quand je baragouinais. Il me servait d’interprète quand j’avais du mal à trouver mes mots. Je ne sais pas si je le reverrai un jour, mais il m’a promis que, s’il venait en vacances en France, il me rendrait visite. – Tu n’es pas un peu triste de quitter tout ça ?