Extrait du livre Drôle de colo
Drôle de Colo de Fanny Joly et Roser Capdevila aux éditions Fanny Joly Numérik
Drôles de colo
1. Le chapeau de paille et l'Italie Le jour où j'ai vu maman poser son chapeau de paille dans la plus grande valise de la maison, j'ai sauté de joie. — Ouais ! On part ! Su-per ! Su-per ! Su-per ! Maman m'a regardée en biais : — Marie-Lou, calme-toi ! Ton papa et moi, nous sommes invités à un congrès en Italie.
— Un congrès ? Qu'est-ce que c'est que ça ? — C'est une grande réunion où tout le monde travaille. — Tu emportes un chapeau comme ça pour travailler, toi ? — Disons que c'est surtout papa qui va travailler. Moi, je vais en profiter pour visiter, pour me promener... — Avec moi ? Brusquement, maman a fait un sourire éclatant. Toi, tu vas partir une semaine avec des amis de ton âge. Dans une sorte de club. Vous allez faire tout plein de choses : du poney, des promenades en forêt... Dans la vie, souvent, plus maman sourit, plus je me méfie. Et là, elle souriait très fort. Elle m'a tendu un genre de cahier, du même rose que le papier à cabinet, avec écrit en gros : COLONIE DES LUTINS MUTINS.
J'ai beau être nulle en classe, je sais lire : — Colonie... Colonie, mais ça veut dire colo, ça ! Vous m'envoyez en colo pour vous débarrasser de moi, voilà ! Maman a fait son œil en coin qui veut dire : inutile d'insister. Le lendemain, elle posait une deuxième valise sur mon lit. Elle a commencé à compter les chaussettes et les culottes. Je ne pouvais pas me taire plus longtemps : — Tu sais, Gagnaud, qui est dans ma classe, il y est allé, lui, en colo ! Ben, il a trouvé un cafard dans ses frites. Maman a haussé les épaules. — Et Schwarz, eh ben, on l'a obligé à manger du fromage avec des vers dedans.
Elle a continué à marcher du placard à la valise comme si de rien n'était. Et quand je lui ai dit le pire, qu'Odile Cume, dans sa colo, on leur faisait faire des maths et du français, elle s'est écriée avec joie : — Ça, c'est une drôle de bonne idée ! 2. Colchiques dans le car La nuit avant le départ, je crois bien que je n'ai pas dormi. J'étais tellement contrariée que j'en ai liquidé mon stock de bonbons. Mes guimauves, mes crocodiles mous : je les ai rongés jusqu'au dernier... ... Quand soudain, papa est arrivé, en panique et en pyjama.
— Vite, vite, Marie-Lou ! Le réveil n'a pas sonné. Dans une demi-heure, on doit être à ton car. J’ai eu beau traîner de toutes mes forces, on est arrivés à temps. Sur le boulevard, le car était encore là, avec son panneau LUTINS MUTINS et ses phares allumés sous la pluie. Un petit homme rond comme une boule, en survêtement jaune et violet, attendait sur le marchepied. — Ah ! enfin, vous voilà ! Marie-Lou, c'est ça ? Un peu plus, et on partait sans toi ! À la voix, j'ai entendu que l'homme boule était une femme. Elle a tendu la main à maman, puis à papa : — Je me présente, Jacqueline Truchon. Mais les enfants m'appellent Mamy...
À l'intérieur, sous des bonnets rouges, une collection de têtes toutes différentes me regardaient avec la même curiosité. J’ai eu envie de crier : Maman ! Au secours ! » Mais déjà, papa tendait ma valise au chauffeur. Et pendant que j'avais le dos tourné, la femme boule m'a enfoncé un de ses affreux bonnets sur la tête. — Aïe ! Ça gratte ! — Mais non, mais non, mais non ! Tu vas voir. Assieds-toi là. Pour voir, j'ai vu. J'ai aussi entendu. Pendant tout le trajet, ils ont chanté. Frère Jacques, Colchiques dans les prés... Il n'y avait que moi qui restais muette. La femme boule m'a remarquée : — Qu'est-ce que c'est que ça, une grande fifille qui ne chante pas ? Il faut chanter, chanter, chanter ! — Oui... mais... euh... Madame... — Et puis il ne faut pas m'appeler Madame. Il