Extrait du livre La grève du bain
La grève du bain de Pierrette Dubé et Geneviève Després Editions Les 400 coups
La grève du bain
« Je suis tombée amoureuse de la salle de bains », dit maman chaque fois qu’elle fait visiter la nouvelle maison. Que veut-elle dire par là ? Je ne comprends pas. Je sais bien ce que c’est, être amoureuse. À la maternelle, j’ai été amoureuse de Zacharie pendant tout un après-midi. Les visiteurs, eux, n’ont pas l’air surpris. Papa sourit. Il n’a même pas l’air jaloux ni rien. Il ajoute : « Vous vous rappelez notre ancienne salle de bains ? C’était une horreur ! »
Que veut-il dire par là ? Je ne comprends pas. Je sais bien ce que c’est, une horreur. Maman dit toujours que les chapeaux de sa tante Margot sont une horreur. Mais dans notre ancienne salle de bains, il n’y avait pas de rubans brillants ni de plumes de paon. Moi, je l’aimais bien notre ancienne salle de bains. Notre baignoire à pattes s’appelait Agathe. Il y avait juste assez de place pour moi et mes jouets. J’étais convaincue que, pendant la journée, Agathe ouvrait la porte et allait se promener.
La nouvelle baignoire n’a pas de pattes et elle est trop énorme pour se déplacer ! La première fois que je m’y suis assise, avec mes trois petits jouets pour le bain préférés, je me sentais un peu perdue. C’est là que papa a voulu m’impressionner et qu’il a appuyé sur le bouton « Remous ». La baignoire s’est mise à s’agiter, à gronder. J’ai eu la peur de ma vie ! C’est décidé, je ne vais plus me laver. Je fais la grève du bain !
À l’école, personne n’a rien remarqué. J’avais juste un peu de mousse à l’intérieur du nombril et les ongles légèrement noircis. Le soir, j’ai joué à la cachette dans le grenier chez mon amie Amélie. Après, papa a essayé de me convaincre de prendre mon bain, mais j’ai refusé. Maman a dit : « Beaucoup de petites filles seraient bien contentes d’avoir, comme toi, une baignoire géante. » J’ai répondu : « Moi, je trouve que “petit”, c’est plus joli. »