Extrait du livre Le Duc aime le Dragon
En Chine, dans une ville au bord du fleuve Jaune, vit Duc Ye qui aime le dragon. Dans sa maison, tout est dragon. Ici dessiné sur la porte, là sculpté au plafond : où qu’on tourne la tête, on voit forcément un dragon. Duc Ye aime tant le dragon qu’il offre à son épouse des tas de cadeaux en forme de dragon. Lorsqu’elle marche dans la maison avec ses bijoux qui s’entrechoquent, le duc se dit : « Ah ! Comme il m’est agréable, ce bruit de dragon ! »
Le vrai dragon vole dans le ciel, et il a l’oreille fine. « Hum ! Je sens que par ici un homme m’aime fort. Il m’a l’air sincère, je vais lui rendre visite, ne serait-ce que par courtoisie. » Et aussitôt, le voilà qui se fait accompagner par le tonnerre et la foudre pour une visite solennelle chez le duc. BRAOUM ! Tout ce tapage fait trembler la maison du duc de haut en bas. Passant sa tête à la fenêtre, le dragon demande : « Le duc qui m’aime fort est-il là ? »
Duc Ye, installé confortablement dans son salon pour boire un thé, manque mourir d’effroi lorsque surgit devant ses yeux une tête verte aux deux cornes géantes et au souffle chaud. « Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? » dit-il en tremblant, laissant tomber son bol de thé qui éclabousse sa nouvelle robe brodée de dragons. « Qui que vous soyez, vous êtes certainement très indélicat ! » poursuit le duc, tout contrarié. Le dragon est confus : « Ah ! vous ne me reconnaissez pas ? Je suis le dragon que vous aimez tant ! » Il avance d’un pas pour que l’homme le voie bien, mais cela épouvante encore plus le duc, qui se réfugie derrière son fauteuil aux pieds sculptés de dragons : « Non seulement vous êtes indélicat, mais vous êtes aussi un menteur. Un dragon ? Vous ne ressemblez pas à mes dragons à moi ! »