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Marion, tu rêves ???

Marion, tu rêves ???

9-12 ans - 82 pages, 20962 mots | 2 heures 32 minutes de lecture | © Fanny Joly Numérik, 1999, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Marion, tu rêves ???

9-12 ans - 2 heures 32 minutes

Marion, tu rêves ???

D’une révolution en cours d’histoire à un vélo volé en passant par la découverte d’un trésor, un concours de lasagnes, un impitoyable prof-de-maths, un réveillon à surprises ou la crise de Charles largué par sa petite amie : la vie de Marion ressemble à un feuilleton…

"Marion, tu rêves ???" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Extrait du livre Marion, tu rêves ???

Marion, tu rêves ???


Y’a de la triche… C’est un genre de révolution. Dans les manuels d’histoire du XXIIe siècle, on l’appellera peut-être... euh... LA RÉVOLUTION DE JANVIER 2012 ? Je rigooole... De quoi s’agit-il, sérieusement ? De MOI et du bahut. De moi AU bahut. Je ne sais pas si c’est le soleil antillais, la plongée sous-marine, la cuisine d’Edmonise, le quimbois du mage Norbert* ou un peu tout ça à la fois qui m’a chamboulée mais... j’ai décidé d’étrenner l’année avec une
sensation inédite : cesser d’être LA CANCRETTE DE SERVICE. Rentrer en classe la tête haute. Attaquer le trimestre sans trembler. Bref, abolir les privilèges des bons élèves. Ou plutôt : leur en piquer un peu ! Rapide retour en arrière. Mme Daudon, notre prof d’histoire-géo, avait décidé que son contrôle de décembre aurait lieu... à la rentrée de janvier « afin de nous laisser plus de temps pour réviser ». Puis, la même Daudon ayant tenu bon face aux protestations que cette annonce a soulevées, sur le thème : « M’dame, les vacances, c’est pour se reposer », tempête qu’elle a balayée d’un implacable : « Encore faudrait-il que vous travailliez pendant les périodes scolaires, ce qui n’est pas le cas si j’en juge par votre moyenne générale... » Cesser d’être la cancrette de service disais-je, ce qui fait qu’entre mon retour de Martinique et ce lundi de rentrée, j’ai RÉ-VI-SÉ mon contrôle d’histoire. Du jamais vu ! QUATRE jours à rabâcher les chapitres qui vont de la chute de la monarchie absolue (1789) au Consulat (1802). À ce régime, Robespierre a pris ses quartiers dans mes neurones et Louis XVI est quasiment devenu un ami, je connais ses forces et ses faiblesses... J’ai même appris par cœur la « frise » (moi que les frises ont toujours défrisée). Une révolution, vous dis-je ! Me voici donc, en ce frais matin de janvier, glissant comme sur coussin d’air en direction du collège, le cœur léger et les pieds moumoutés. Oui, car dans mon petit soulier de Noël, en rentrant à la maison, j’ai trouvé... les bottes fourrées de mes rêves ! Les vraies ! De la marque Chouïa-chouïa ! Pour une fois, Maman n’a pas mégoté et acheté de pauvres copies au rabais dans la première (ou plutôt la dernière) solderie. Moralité : partez en vacances, vous en reviendrez comblés ! Petites bottes en daim, je vous adore. Vous êtes moelleuses comme des pantoufles. Votre rondeur veloutée beige sur mes collants noirs me fait une si chouette silhouette que, lorsque je vois mon reflet dans une vitrine, j’ai peine à croire que c’est bien moi ! 8 h 23. Un groupe de copains discute devant le bahut. Je m’approche. Résumés de vacances ?
Inventaires de cadeaux ? Récits de voyages ? Que nenni ! L’actualité porte sur... Daudon et son imminent contrôle. Il y a ceux qui ont travaillé, ceux qui ne savaient pas, ceux qui ont oublié, ceux qui ont fait semblant d’oublier, ceux qui se jettent sur leur classeur comme des affamés. – Marion, t’as pas révisé, toi, hein ? me lance Juanito, sûr et certain de me compter dans son camp, celui des nuls. Je décide d’imiter Pioche. Elle dit toujours qu’elle n’a « rien fait » et se tape chaque fois 17. Ça me portera peut-être chance et ça évitera de désespérer mon copain... – REVISER ? MOI ? JAMAIS ? Tu me connais ! J’ai d’autres chats à fouetter, hé hé..., je ricane. Juanito me tape dans le dos avec un clin d’œil complice... Manifestement, Daudon n’a pas reçu une boîte à sourires pour Noël. Plantée au milieu de l’estrade, aussi immobile qu’une statue, elle nous regarde entrer d’un œil mornissime. À peine les derniers assis, elle démarre de son ton monocordissime : – Bien. Comme convenu, nous commençons par le contrôle. Prenez une copie double, écrivez votre nom, la date, Contrôle d’histoire, centré, souligné. Dessous, encadré. Sujet : les causes de la Révolution et la frise de 1789 à 1802. YOUPI, Daudon, merci ! Pile ce que je voulais ! Sujet-cadeau, aussi douillet que mes bottes fourrées ! Un frisson d’aise me parcourt l’échine. Je sors ma trousse avec gourmandise. Comment je vais bichonner l’affaire ! La prof n’en croira pas ses yeux. Je plonge dans mon sujet en apnée, pas besoin de bouteille d’oxygène, les mots coulent naturellement de mon stylo : une ligne, dix lignes, une page, deux pages... Je me dépêche, pressée de cracher mon savoir... 9 h 13. Reprenant un instant mon souffle entre Jacobins et Girondins, je pose les yeux sur mon voisin, Nicolas Fulbert, 2e meilleur de la classe, éternel challenger de la Pioche. Il se tortille sur sa chaise en mordillant son crayon... BIZARRE. Ça ne lui ressemble pas... Mais qu’aperçois-je sous sa table ? Ça alors !? Il tient un livre ouvert sur ses
genoux. Fulbert en train de tricher ? Je n’arrive pas à y croire. Je fais tomber ma gomme exprès, pour observer le phénomène de plus près. Pas de doute. Fulbert est bien en train de pomper sur son livre d’histoire. En me relevant, je plante mon regard dans le sien. Il grimace... Un peu comme s’il était en train d’avaler un verre de vinaigre : « Pitié, me dénonce pas ! » Je hausse les épaules : – Tu fais ce que tu veux, c’est ton problème ! je chuchote. – Si je me fais piquer, ma mère va me... – C’est bon, raconte pas ta vie, ça me regarde pas... Daudon en revanche, nous regarde. Ou plutôt ME regarde : – Marion Girardon, qu’est-ce qui se passe ENCORE ? – Rien ! je réponds. Je ne suis peut-être plus une cancrette, mais je ne suis pas devenue une balance pour autant. Et pourquoi cet « ENCORE » dans la bouche de la prof ? On vient à peine de rentrer. J’ai fait quoi de mal, à part me farcir le cerveau de tes chapitres, Daudonette ? La révolution est en marche, va falloir réviser les vieux jugements a priori ! L’abominable ! La sinistre ! Elle qui ne se déride jamais, la voilà qui lâche un gros rire appuyé-relou. J’ai envie de crier : « Et sur ses genoux, il a quoi, votre Fulbert chouchou ? » Je me contente de fulminer : – C’est pas juste, j’en ai marre d’être toujours accusée dans cette classe ! – Insolence sur insolence ! Apportez-moi votre copie ! – Mais... Mais... j’ai pas tout à fait fini ! – Pas tout à fait fini... de tricher ? Je vous mets ZÉRO ! Sortez ! Grrr... j’aimerais lui couper la tête et la promener au bout d’une pique ! Je pose ma copie sur son bureau et me dirige vers la porte
en traînant le plus bruyamment possible mes bottes moumoutées sur le carrelage. Fulbert ne lève pas le nez. Trop occupé à recopier son bouquin comme un sale faux- jeton qu’il est. Couloir couleur désespoir. Il ne manquerait plus que Sado (notre CPE tendance sadique) passe par-là et m’achève. Avec ma veine, ça se pourrait... Prudence est mère de sûreté (comme dit ma grand-mère Mamika) : je me réfugie aux WC en attendant que sonne la récré... Prem’s dans la cour. Camille me rejoint sans tarder : – Dis donc, t’attaques fort, Marion ! – Quoi, j’attaque fort ? je proteste. C’est FULBERT qui trichait ! Il m’a suppliée de pas le cafter. Pour une fois que j’avais BOSSE, c’est dégueulasse... Quelqu’un me tape dans le dos, je me retourne. Fulbert me toise, l’air mauvais : – Tu dis quoi ? – Je dis que C’EST TOI QUI TRICHAIS et que c’est moi qui... – Moi !?! TRICHER ? Ça va pas la tête ? s’écrie-t-il, la main sur le cœur. – T’avais pas ton bouquin sur les genoux, peut-être ? j’aboie. Il jette des regards affolés à la ronde. – Ssshhhttt ! Crie pas comme ça, voyons ! Je... je... me suis un peu aidé de mon livre... mais j’avais pas le choix... j’ai... j’ai des problèmes personnels, ma mère est malade et... J’ai envie de le baffer. – Pourquoi je te croirais ? Je t’ai surpris en flag’ de gros tricheur et tu nies : menteur un jour, menteur toujours ! Camille vient à ma rescousse, menaçante : – Malade, ta mère ? C’est quoi cette histoire ? Je l’ai vue hier faire son jogging, elle avait l’air en pleine forme ! Si tu mens aussi sur la santé de ta mère, c’est super-grave, je te signale. Ça peut te porter malheur jusqu’à la 3e génération... Fulbert blêmit. Sa lèvre inférieure tremblote comme celle d’un enfant. – Bon, OK, je reconnais. J’ai triché. C’est parce que... j’ai eu un logiciel de composition musicale pour Noël. Toutes mes vacances y sont passées et le contrôle d’histoire...
– Ben ouais, sauf que moi, pendant ce temps-là, j’ai RÉ-VI-SÉ ! Tout ça pour ZÉRO alors que tu vas te taper une pure note. En plus, j’ai été smart : je t’ai pas balancé. Le visage de Fulbert se décompose. Il pique du nez : – T’as raison, c’est pas classe. Je vais aller dire la vérité à Daudon. Camille jubile, pouces en l’air, je fais ma grande dame. – Tu aurais dû le faire depuis longtemps, mais mieux vaut tard que jamais ! – Je suis pour la transparence : viens avec moi ! déclare-t-il en me prenant le bras. (Tiens donc... Première nouvelle !) Salle des profs. Il toque, il entre, je le suis. Daudon est en train d’écrire. – Oui, Nicolas ? En me voyant, son sourire flanche : – Et Marion Girardon ! Que se passe-t-il ? Chouchou tortille ses mains, transpire, toussote : – Excusez-nous de vous déranger, en fait, euh... voilà... Il crache la vérité. En entier. Sans tricher, cette fois. Daudon grimace, un peu comme si... elle était en train d’avaler un verre de vinaigre. Mais c’est une pro. Elle se reprend vite, ouvre son cartable, en sort ma copie, l’inspecte : – Vous avez fait tout ça toute seule, Mademoiselle Girardon ? – Oui ! j’affirme haut et clair. – Je suis témoin ! confirme Fulbert (pas mal, j’apprécie). Sans un mot, elle barre le 0/20, a triché écrit en rouge sur ma feuille et le ré-écrit sur celle de son chouchou, en murmurant : – C’est un genre de... RÉVOLUTION ! Je m’efforce de sourire. J’ai fait le jeu de mot avant toi, Daudonette ! Puis je tends la main vers ma copie : – Est-ce que je pourrais finir mon devoir ? J’ai juste la conclusion à écrire... C’est que, comme Pioche, j’y tiens à mon 17...
Adoski Février morne plaine. NUIT À CINQ HEURES ET FROID DE CANARD. Dès que je sors du bahut, le blizzard qui souffle depuis trois jours me congèle les oreilles et les mains. Les vacances commencent ce soir et ça ne me fait MÊME PAS plaisir. Impression persistante que les autres ont plus de chance que moi. Quels autres ? Les copains de la classe, par exemple... Ils ont des PROJETS, eux. Camille part visiter Rome, Juanito en stage de mécanique dans le Jura. Laura et Julie s’entre-invitent chez leurs grand-mères respectives, bon d’accord, ça
sent un peu la naphtaline mais n’empêche, c’est mieux que RIEN. Mes vacances à moi c’est RIEN : deux semaines de cohabitation forcée avec mon frère dans la prison du 25 rue des Acacias (autrement dit : chez nous). Depuis que je suis allée en Martinique à Noël, mes relations avec Charles sont spécialement détestables. Mon voyage ne lui a rien enlevé, pourtant. Mais peu importe, il me fait la gueule. Et moi... je le lui rends bien. 17 h 37. Personne à la maison. Première bonne nouvelle de la journée. Je m’écroule sur le canapé... Zig-zapping mou. Pfff... Programmes pourris. À l’image de ma pauvre vie... I love coffee I love tea I love the coffee pot and it loves me... Qui ose troubler ma morosité en chantant ce joyeux refrain ? Maman déboule dans le salon, avec un sourire de... de... pochette-surprise. – Coucou Marionnette, ça boume, ma choupette ? – Mmmouais... je mâchonne, méfiante (les sourires de Maman sont rarement raccord avec les miens). – Lastminutemamanlachampionne.com, c’est MOI ! claironne-t-elle. J’ai dégoté un séjour de rêve pour les vacances de février : 6 jours 7 nuits à 40 % de réduction. 249 € par tête, tout compris ! Tu te rends compte ? – Et euh... c’est où ? – À Plan d’Adrets ! – Mais euh... c’est où ? – À Plan d’Adrets, je te dis ! – OK, j’ai entendu ! Et c’est OÙ, ton plan machin ? La fougue maternelle retombe un peu : – Eh bien... dans les Alpes. Séjour ADOSKI ça s’appelle. Il restait pile poil 2 places... – Comment ça : 2 PLACES ? je sursaute. – Fallait faire vite, continue Maman sur sa trace, j’ai appelé ton père dare-dare, il a dit banco ! Hop, je vous ai inscrits, Charles et toi, vous partez demain matin ! – NON !?! Elle prend mon cri de bête pour de la joie. La sienne (de joie) est visiblement intense : – Si ! Et nous, ton père et moi, on reste ici, en
amoureux ! La porte claque. Entrée de mon frère. À l’annonce (bis) du plan ADOSKI, il fait une tête de... bonhomme de neige fondu : – C’est quoi cette embrouille ? J’ai jamais dit que je voulais aller au ski, moi ! Surtout pas avec des NAINS ! – Parce que t’es qui, toi, un GÉANT ? proteste Maman. Pour une fois, c’est elle qui le dit... – T’as vu, t’as vu comme il est sympa, ton fils ? j’accuse. – Si ça amuse Marion, qu’elle y aille, mais SANS MOI ! Les narines maternelles frémissent. Phénomène rare. Annonciateur d’orage ? Hé oui. – SILENCE ! explose-t-elle. Vous êtes inscrits, c’est payé, vous partez ! Et pas un mot plus haut que l’autre devant Papa, sinon tu auras affaire à moi, Charles ! Pas un mot tout court, ni haut ni bas, en ce qui me concerne. Casque hi-fi vissé aux oreilles, je décide d’être sourde et muette jusqu’au départ (au moins). Je serai aveugle aussi, grâce aux lunettes genre glacier que je visse au bout de mon nez aussitôt dénichées (avant mon frère, coup de bol) au fond de la caisse MATÉRIEL SKI. Le lendemain à l’aube, drapée dans mon honneur blessé et un anorak trop grand, je traîne les pieds entre Papa et Maman jusqu’au quai n° 9 de la gare de Lyon et la banderole ADOSKI brandie par un moniteur à l’air ahuri. Une trentaine d’ados piétinent autour du mono. Tout le monde se regarde en chiens de faïence. Je suis la plus petite. Bonjour l’ambiance ! Dès que mon frère s’approche du troupeau, un trio de minettes s’électrise, pouffant-gloussant à qui mieux mieux. Je sens qu’elles vont m’énerver. Que dis-je ? Elles m’énervent déjà ! Il y en a une blonde aux cheveux longs, une brune boulotte et une rousse frisée. Mon frère s’ébroue, style « c’est moi le coq, vous m’avez bien vu, les poulettes ? » Ça... pour l’avoir vu, elles l’ont vu ! Elles n’ont