Un air de violoncelle

Un air de violoncelle

6-8 ans - 23 pages, 1607 mots | 13 minutes de lecture | © Kilowatt, 2016, pour la 1ère édition - tous droits réservés


Un air de violoncelle

Un air de violoncelle

Berlin 1988. En jouant dans le grenier, j’ai découvert un violoncelle qui appartenait à ma grand-mère. Je l’ai pris dans mes bras et on ne s’est plus quittés. La musique sonne comme un langage à mes oreilles. En plus, mes parents ont fui Berlin-Est avec cet instrument alors que mes grands-parents, eux, sont encore de l’autre côté du mur. Mais aujourd’hui, de plus en plus de gens sont en colère, ils manifestent dans la rue et bientôt, il faudra bien que ce mur tombe.

Cet album a été sélectionné pour le Prix Michel Tournier, catégorie CM1-CM2, 2020.

"Un air de violoncelle" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
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Raconté par Sophie

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Extrait du livre Un air de violoncelle

Un air de violoncelle 1989, la chute du mur de Berlin d'Adèle Tariel et Aurore Pinho e Silva aux éditions Kilowatt


Un air de violoncelle
Berlin-Ouest, 1988. Maman m’avait dit qu’avant, il n’existait pas. Moi je n’y croyais pas. Ce mur avait l’air si vieux, il devait être là depuis les dinosaures. J’habitais dans cette maison face au mur depuis ma naissance. Avec mes copains Sacha et Olga, on jouait parfois au foot contre ce mur mais maman ne voulait pas trop que je m’en approche.
Mes parents travaillaient beaucoup et je rentrais plus tôt qu’eux de l’école. Souvent, quand j’étais seul à la maison, j’allais au grenier. J’avais repéré la petite trappe pour y monter, juste au-dessus des toilettes. Je grimpais dessus, un peu d’élan et je me faufilais. Le grenier était endormi dans l’obscurité. Seuls quelques rayons de soleil entraient par une petite lucarne. Je plaçais la vielle malle dessous, pour me surélever. Et là, je voyais là-bas. De l’autre côté. À la fois si loin et tout près. Parfois, j’apercevais des gens, ils n’avaient pas l’air si différents. Il y avait juste moins de voitures et moins de magasins.
Alors pourquoi ? Pourquoi ce mur qui nous séparait ? Papi et mamie, les parents de ma mère, vivaient de l’autre côté. Je ne les avais vus qu’une fois. Ils avaient eu une « autorisation exceptionnelle » m’avait dit maman. Moi, je n’étais jamais allé chez eux, parce c’était trop risqué, m’avaient expliqué mes parents.
Un jour que j’étais encore perché sur cette malle à scruter l’autre côté, j’ai voulu me pencher pour en voir plus. Je me suis senti basculer, alors je me suis reculé très vite. Mes pieds bougeaient dans le vide ! Et j’ai chuté. En tombant, mon pied a arraché le dessus de la malle. Alors, tout doucement, j’ai ouvert cette malle qui me servait de marchepied depuis si longtemps. Dedans, une longue boîte aux formes courbes. Et à l’intérieur de la boite, sous un délicat papier de feutrine, un violon ! Non, c’était plus grand, plus majestueux : un violoncelle !
Il m’a fallu quelques jours pour que j’ose en parler à maman. Il a fallu aussi raconter les ascensions secrètes du grenier pour voir de l’autre côté du mur. Maman n’a pas bronché. Mais quand j’ai parlé du violoncelle… ses yeux se sont embués. Elle a fini par me raconter.
C’est sa maman, ma mamie, qui en jouait et qui le lui avait donné. − Tu sais chéri je suis née quand Berlin n’était qu’une seule ville. Quand j’avais ton âge, par une chaude nuit d’été, des soldats ont commencé à construire cet horrible mur. J’ai grandi dans la zone Est et j’ai rencontré ton papa. Un jour, nous avons décidé de passer de l’autre côté, à l’Ouest. Mais nous n’avions pas le droit tu sais Charlie... − Pas le droit de quoi ? − De venir de ce côté du mur. − Comment avez-vous fait alors ? − J’avais un ami qui avait une autorisation spéciale pour passer. Il m’a proposé de nous cacher, ton papa et moi, dans le coffre de sa voiture. Et de prendre le violoncelle, notre unique bagage, sur la banquette. Mais c’était dangereux parce que les gardes surveillaient jour et nuit, partout. Ils nous auraient jeté en prison s’ils nous avaient trouvés. Mais c’était risqué aussi parce que j’étais enceinte. De toi mon chéri. Nous voulions une vie meilleure pour toi. Là-bas, on manquait de tout. Les magasins étaient presque vides, et tous les jours il fallait faire la queue pendant des heures.